ROUSSEL Raymond 1877-1933

Poète, romancier, auteur dramatique, né à Paris. Riche, il fait publier à ses frais la prose poétique d’impressions d’Afrique (1910 ; notons que le titre ne doit pas être pris à la lettre), Locus Solus, roman, qui est peut-être son chef-d’œuvre (1914) ; deux pièces, L’Étoile au front (1924) et La Poussière de soleils (1926), moins représentatives de sa manière ; enfin les étonnants poèmes réunis sous le titre Nouvelles Impressions d’Afrique (1932), dont l’un, relatif à la bataille des Pyramides en principe - mais le titre ici encore ne doit pas nous abuser - donna lieu à une non moins étonnante exégèse de Jean Ferry (Éd. du Collège de Pataphysique). « Ignorant, dit J. Ferry, de toutes les avant-gardes », Roussel fut de plus indifférent, tout au moins en apparence, à la bonne ou mauvaise fortune de ses livres, que seuls Breton et ses amis défendirent (l’œuvre destinée à la scène inclusivement : « Vous êtes la claque ? » leur demanda ironiquement un spectateur indigné ; «... et vous êtes la joue », répliqua Robert Desnos). En vérité, Roussel, qui devait se suicider à quarante-cinq ans, ne cessa de croire, à juste titre, au bien-fondé de cette très originale « conception de la beauté », comme l’écrit le philosophe Pierre Janet, qui l’a connu et étudié et qui a retranscrit cette profession de foi de Roussel : « Il faut que l’œuvre ne contienne rien de réel, aucune observation du monde ou des esprits, rien que des combinaisons tout à fait imaginaires. » Roussel, qui reprend et adopte ce texte noté par Janet, précisera en outre que sa méthode repose sur une création imprévue due à des combinaisons phoniques : telle image qui succède à telles autres ou interfère avec elles n’est issue ni d’une vision ni d’une émotion ; elle naît, dit Roussel, de l’accouplement de deux mots, pris par exemple dans deux sens différents ; ce qui est le cas dans Impressions d’Afrique, entre autres, et, déjà, dans plusieurs textes de jeunesse qu’il cite dans Comment j’ai écrit certains de mes livres (publié après sa mort). Roussel préfigure plus d’un contemporain comme Raymond Queneau - lequel le revendique parmi ses ancêtres - ainsi que la nouvelle génération de poètes et de romanciers.