Rousseau et les différences entre les hommes
« En effet, il est aisé de voir qu’entre les différences qui distinguent les hommes plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l’ouvrage de l’habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui en dépendent, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a été élevé, que de la constitution primitive des corps. Il en est de même des forces de l’esprit, et non seulement l’éducation met de la différence entre les esprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu’un géant et un nain marchent sur la même route, chaque pas qu’ils feront l’un et l’autre donnera un nouvel avantage au géant. Or, si l’on compare la diversité prodigieuse d’éducations et de genres de vie qui règne dans les différents ordres de l’état civil avec là simplicité et l’uniformité de la vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière, et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la différence d’homme à homme doit être moindre dans l’état de nature que dans celui de société, et combien l’inégalité naturelle doit, augmenter dans l’espèce humaine par l’inégalité d’institution ».
J.-J. ROUSSEAU
DIRECTIONS DE RECHERCHE
• Quel est ici le but de Rousseau ? — Se demander si les inégalités entre les hommes sont dues uniquement à « la nature » ou à « la culture ». — Se demander si ses inégalités sont plus à mettre au compte de la culture que de la nature. — Se demander si l’inégalité s’accroît ou se résorbe par la « culture ». — Établir que l’inégalité était moindre à l’« état de nature » qu’elle n’est dans l’état de société. • Que signifie ici » l'état civil » ? • Quelles réflexions faites-vous à propos de l'argumentation de Rousseau ? — Établit-il ce qu’il en était lors de l’état de nature à partir d’éléments empiriques datant de « ce temps-là » ? — Que pensez-vous de ses comparaisons ? (On dit que comparaison n’est pas raison) — Que pensez-vous de l’articulation entre ce qui est dit à la première phrase et ce qui est dit dans les deux phrases suivantes ? (remarquez notamment » uniquement » et « viennent souvent plus » alors que les deux phrases sont reliées par « ainsi » ). • Que pensez-vous de la thèse de Rousseau ? • En quoi ce texte présente-t-il un intérêt philosophique ?
Liens utiles
- Rousseau a été certainement un précurseur des romantiques par dés tendances qu'on retrouvera chez ces derniers. Toutefois ces tendances ne sont pas absolument identiques chez les romantiques et chez lui, et, à côté des ressemblances qui les rapprochent, il sera bon d'indiquer très brièvement dans la conclusion les différences qui les séparent.
- Voltaire et Rousseau ont, en somme, travaillé à la même oeuvre. Cependant on ne peut concevoir d'hommes plus différents. Par son tempérament et ses idées Voltaire regarde le passé, Rousseau annonce et prépare l'avenir.... (Goethe.)
- De l'inégalité parmi les hommes selon Rousseau
- « Qu'on admire tant qu'on voudra la société humaine, il n'en sera pas moins vrai qu'elle porte naturellement les hommes à s'entre-haïr, à proportion que les intérêts se croisent, à se rendre mutuellement des services apparents et à se faire, en ejfet, tous les maux imaginables. »J.-J. Rousseau (note 9 du Discours sur l'inégalité). ®
- « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : « Ceci est à moi » et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Commentez cette citation ?