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ROMAINS Jules [Louis Farigoule] 1885-1972

ROMAINS Jules [Louis Farigoule] 1885-1972
Poète, auteur dramatique et romancier, né près du Puy en Auvergne. Une formation tout à la fois littéraire et scientifique ; une conjonction prodigieuse de dons (puissance, esprit d’analyse ; mais aussi intuition, faculté de sympathie). Et, pour couronner le tout, un étrange ascendant sur son entourage, un magnétisme de chef. Jules Romains intervient dans le petit groupe dit de l’Abbaye (qui imprimera son recueil, La Vie unanime, en 1908), et l’absorbe aussitôt pour en faire une école désormais glorieuse : l'unanimisme. (L’unanimisme est une réaction contre l’individualisme, unique attitude et unique angle de prise de vues sur le monde dans la littérature française traditionnelle.) Unanimiste, en fait, il était seul digne de ce titre, mais il le fut dans tous les domaines. En poésie, avec Cromedeyre-le-Vieil (1920), œuvre lyrique, plutôt que proprement scénique, dont le personnage principal, celui qui donne son nom à l’ouvrage, est un village. Au théâtre, en 1923, avec la comédie bouffe de Knock ou le Triomphe de la médecine (on y voit tout un village convaincu de maladie par la foi véritablement contagieuse d’un docteur enthousiaste : Dans deux cent cinquante de ces maisons, il y a un corps étendu [...] Songez que dans quelques instants, il va sonner dix heures [...] c'est la deuxième prise de température [...] et que deux cent cinquante thermomètres...) ; unanimiste encore avec Donogoo (1930), et, déjà en 1911, avec L'Armée dans la ville. Unanimiste dans le savoureux roman des Copains (1913), et dans sa suite, Le Vin blanc de La Villette (1914), avec l’épisode magistral de la « descente » des autobus pendant la grève. Mais unanimiste, surtout, dans le roman-cycle des Hommes de bonne volonté : On voit mal qui, sauf un pareil homme, aurait pu mener à bien cette entreprise (25 volumes, de 1932 à 1946). L’œuvre est aujourd’hui discutée, sans aucun doute ; et il est vrai que l’esprit de l’œuvre change entièrement d’orientation peu après la moitié. Mais ce qui reste hors de cause, d’un bout à l’autre du roman, c’est la puissance d’animation sans défaillance de l’auteur. Or, Jules Romains, le plus souvent, va d’un cœur joyeux à la rencontre de la difficulté : il recherche les grands mouvements d’ensemble ; il fait devant nous bouger des foules et même (comme dans ses premières œuvres) des villes entières. Il nous fait assister, pour peu qu’il en ait décidé ainsi, au lever du jour à Paris. Si ce n’est au lever du jour de Paris, devenu un être vivant. Ou de la France entière. Il manie avec une égale aisance le raccourci, la fulgurante synthèse (chère aux inventeurs ou aux poètes) et, comme Descartes, les « dénombrements les plus entiers ». Mais parfois, au contraire, l’ardeur de la conviction lui fait soudain défaut ; alors son infaillible métier le soutient seul, et la machine travaille à vide, sans autre aliment calorifique que l’opiniâtre volonté de son opérateur. Jusqu’à ces dernières années, les lecteurs pouvaient ne pas ressentir au passage ces brèves absences, ces trous d’air. Du moins les lecteurs du romancier ; car déjà les spectateurs, depuis les années 30, ne le suivaient plus. Et moins encore les admirateurs de Jules Romains poète ; L’Homme blanc (1937), par exemple, solide volume de vers courageusement édifié sur un thème unique, est écrit de part en part à coup d’intelligence. Au total, Jules Romains - j’entends celui qui peu à peu se referma au monde ; voir, par exemple, sa pénible Lettre ouverte contre une vaste conspiration (1966) - est un poète mort jeune à qui, par chance, le narrateur survit, triomphal ; même au-delà de l’année 1960.
Et puis, enfin - si j’ose le dire - : toute cette œuvre manque de femmes ; elles y sont certes présentes (depuis Psyché, cycle romanesque heureux des années 20, voire omniprésentes dans le cycle tardif de « Mme Chauverel ») mais elles ne comptent pour rien. C’est-à-dire qu’en général elles ne comptent guère que pour le plaisir, et laissent les vrais rôles aux personnages masculins, tant dans les romans que dans les œuvres théâtrales. Après tout, peut-être n’est-ce pas important?

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