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Roland Dubillard

Né à Paris en 1923. Etudes de philosophie, mais surtout théâtre universitaire. En 1953, il joue lui-même comme il le fera pour toutes ses pièces dans Si Camille me voyait !...
"opérette parlée en vers radiophoniques", montée au Théâtre de Babylone par Jean-Marie Serreau. Depuis, Dubillard n ’a cessé de mener de front ses carrières d’auteur et de comédien (notamment au cinéma). 1956 : Grégoire et Amédée, sketches radiophoniques. 1961 : création de Naïves Hirondelles, la pièce qui lui apportera la notoriété, mise en scène par Arlette Reinerg au Théâtre de Poche. 1962 : la Maison d’os, puis le Jardin de betteraves, toutes deux au Théâtre de Lutèce. 1974 :le recueil de nouvelles, Olga ma vache, lui vaut le prix de l’Humour noir. 1975 : Dubillard joue avec Claude Piéplu, au Théâtre de la Michodière, ses Diablogues. 1977 : le Bain de vapeur est créé sans succès au Théâtre de l'Atelier. « Découvert » par Eugène Ionesco qui, le premier, clama son admiration pour Naïves Hirondelles, Roland Dubillard semble également avoir pâti de l’ombre portée par le maître du « théâtre de l’absurde ». L’étrange coïncidence qui fait voisiner, en 1962, la Maison d’os et le Roi se meurt, pièces au sujet très proche, a souvent fait oublier l’originalité de celui qui restera l’un des plus curieux auteurs de ce que l’on a appelé « nouveau théâtre ». Geneviève Serreau n’écrivait-elle pas judicieusement dans son ouvrage consacré au genre que Dubillard « occupe une place à part — et rare — dans cet après, mal défini, de l’avant-garde »? Au premier abord, toutes ses pièces sont différentes, d’un ton singulier. Naïves Hirondelles est plus réaliste que fantastique à l’inverse du Jardin de betteraves, tandis que la Maison d’os, puzzle de séquences que le metteur en scène peut monter ad libitum, plonge dans l’onirisme visionnaire et philosophique. Le point commun, cependant, c’est l’absence d’intrigue réelle, de trame dramatique. Et Ionesco ne s’y trompa pas qui salua cette « annulation de la littérature pour le plus grand bien de la force théâtrale ». Autre point commun, bien sûr, c’est la même tristesse, la même solitude, qui animent le quatuor fantaisiste de Naïves Hirondelles (la vieille modiste, ses deux amis, et la jeune femme qui vient en vain redistribuer les rôles, — « 3 + 1 = 2+2 ») et le Maître de la Maison d’os, « un vieil homme très riche, sans famille, sans enfants, beaucoup de domestiques (qui) meurt comme ça, tout seul dans sa maison, et les domestiques s’en moquent ; ce n'est pas leur affaire. » Le thème dominant, c’est bien cette quête d’une « maison », d’un lieu, d’un corps intérieur — la conscience du Maître, ou le violoncelle du musicien dans le Jardin de betteraves. Cette intensité philosophique, si l’on peut dire, étant constamment compensée par un langage saccadé, agressif, âpre et quotidien, où l’on retrouve la nervosité, l’efficacité de l’auteur de sketches, mais aussi la densité du poète qui se défie du verbe. « J’ai mal écrit exprès », a pu dire Dubillard à propos de sa nouvelle Olga ma vache qu’il a comparée à « une sorte de rumination » apparemment futile mais qui, en fait, symbolise la recherche d’un retour à la mère. «Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut » a-t-il encore déclaré à propos de la Maison d’os. Malgré l’échec de sa dernière pièce, le Bain de vapeur, laborieux mélodrame proche de Feydeau, Dubillard incarne la bouffonnerie la plus dérisoire devenue le signe du tragique le plus contemporain.


Poète et auteur dramatique, né à Paris. Acteur amateur dans des groupes universitaires, il trouve très vite son style ; et sa personnalité d’interprète : tout à la fois somnolent et - comme les chats - imprévisible (c’est ainsi qu’il a joué, par exemple, dans L’Illusion comique de Corneille, le Matamore !) ; tel sera le style aussi, du créateur. Et d’abord dans une série quotidienne de sketchs radiophoniques en duo : Grégoire - dont il tint le rôle - et Amédée (1956), supprimée devant l’ampleur de la clameur ; puis, devant la vigueur de la protestation, rétablie. En fait, il avait déjà fait ses preuves au théâtre trois ans plus tôt : Si Camille me voyait!... mis en scène par J.-M. Serreau (1953 et repris à la Comédie-Française en 1970, aux soirées « Auteurs français nouveaux »). Lors de l’échec initial de Naïves hirondelles (1961), Dubillard sera sauvé par Eugène Ionesco qui, magnanime, fait connaître publiquement son admiration pour ce redoutable débutant. Suivront La Maison d’os (représentation, 1962 ; édition, 1966), Le Jardin aux betteraves (joué et publié aussitôt, 1969),... Où boivent les vaches (1972), etc. L’intrigue est, chez lui, bien peu de chose. Nulle ? Nullement, proteste l’auteur, qui nous produit, à titre d’exemple, son effrayant résumé de La Maison d’os, dans le programme vendu dans la salle : Un vieil homme très riche, sans famille, sans enfants, beaucoup de domestiques. Il meurt comme ça, tout seul dans sa maison, et les domestiques s’en moquent; ce n’est pas leur affaire. Paraissent ensuite Méditations sur la difficulté d’être en bronze (1973) et Nouveaux dialogues (1989) ; mais l’apport le plus significatif de Dubillard, en dehors de son théâtre, est un livre de poèmes : Je dirai que je suis tombé, sorti en 1966, alors que certaines pièces de ce recueil remontent à 1948. Et en effet, bien éloigné sur ce point de Ionesco, qui l’aime de tout cœur, mais qui très vite (dès L’Impromptu de l’Alma surtout) laisse prévoir les réflexions philosophiques de sa deuxième carrière, l’auteur de Naïves hirondelles est d’abord - ou plutôt : uniquement - un « homme de mots ». Un homme qui s’amuse sans arrière-pensée avec les mots. Avec, aussi, les jeux de mots. Et, à l’occasion, avec les jeux de scène, les « mouvements de plateau » auxquels, dans La Maison d’os par exemple, il soumet ses héros, petits bourgeois dérisoires chez qui l’ennui, cette métaphysique du pauvre, se métamorphose en une fête, en une carrière à ciel ouvert d’irréalité. Une source de poésie. En conclusion, Roland Dubillard, comme naguère Raymond Queneau, paiera très cher, et très longtemps encore, son refus de se prendre au sérieux.