Rodogune de Pierre CORNEILLE, 1644
Corneille a trouvé le sujet de cette tragédie dans la Syrie du IIe siècle av. J.-C., mais il a, selon l'usage, apporté à l'histoire criminelle de la reine Cléopâtre des embellissements d'invention (cf. Avertissement). Une rivalité mortelle oppose deux femmes : Cléopâtre, reine de Syrie, avant tout attachée au pouvoir, et Rodogune, soeur du roi des Parthes, parce que Démétrius (appelé Nicanor dans la pièce), époux de la première, qui passait pour mort, a voulu reconquérir son royaume par les armes, avec l'aide de Rodogune qu'il voulait épouser en riposte à l'union contractée par Cléopâtre, à la suite de sa disparition, avec son frère Antiochus. Cléopâtre a vaincu et tué Nicanor. Rodogune est sa prisonnière. Mais le traité de paix avec les Parthes prévoit que Cléopâtre cède le trône à son fils aîné et que celui-ci épouse Rodogune. Or elle a deux fils jumeaux, Séleucus et Antiochus, qui aiment également Rodogune. Chacun de ceux-ci, qu'unit une tendre amitié, préférerait Rodogune au trône (I, 1-4). Rodogune a pour l'un d'eux une préférence qu'elle ne révèle pas (I, 5). Pour Cléopâtre, l'aîné sera celui qui fera périr Rodogune (II, 1-3). Rodogune, informée par Laonice du plan secret de Cléopâtre (III, 1), présente aux deux frères un défi similaire : elle épousera celui qui tuera Cléopâtre (III, 4). Séleucus renonce à tout; Antiochus tente d'agir (III, 4-5). Antiochus obtient de Rodogune qu'elle renonce à sa vengeance. Elle lui avoue qu'elle l'aime mais elle épousera celui qui sera désigné comme l'aîné (IV, 1). Cléopâtre désigne Antiochus et, devant sa résistance, réagit par la violence, puis par la ruse en essayant d'utiliser Séleucus. C'est en vain. Dans sa haine pour Rodogune, elle se promet de faire périr ses fils (IV, 3-7). Au début du cinquième acte, Cléopâtre vient de se défaire de Séleucus et se prépare à empoisonner Antiochus et Rodogune en leur présentant la coupe de la cérémonie nuptiale (V, 1). Au moment où Antiochus va boire, il est interrompu par l'annonce de l'assassinat de Séleucus. Avant de mourir, celui-ci a dénoncé une main chère sans pouvoir en dire plus. Rodogune est soupçonnée, mais elle défie Cléopâtre de faire goûter la coupe par un domestique. Cléopâtre en fait elle-même l'essai pour entraîner les amants à boire, et périt (V, 4). Le romanesque de l'action s'accompagne d'une force dans les passions et d'un relief dans le style, qui lui donnent une incontestable grandeur. Parmi ses poèmes, Corneille a déclaré avoir toujours préféré celui-ci (Examen de Rodogune, 1660).