Robert Abirached

Pour Fellini, Abirached est aujourd’hui le meilleur lecteur de Casanova. Aussi bien son premier livre, Casanova ou la dissipation, faisait plus que pro proposer une approche critique du célèbre mémorialiste, il démontait le mythe que celui-ci avait soigneusement tissé. En même temps ce livre révélait un écrivain à la langue claire et ramassée, belle et efficace, ce que confirmait un roman l'Emerveillée où la réalité se transforme à travers les jeux de l’imaginaire, un amour rêvé contrebalançant un amour réel. Abirached jouait là avec bonheur sur l’espace (le romantisme d’une île bretonne et les souvenirs parisiens), le temps (la mémoire, l’attente, la durée non mesurable de la rêverie) et les apparentes digressions qui ne coupent la narration que pour l’ouvrir sur un ensemble plus vaste, quelque chose comme le théâtre de la vie et de l’écriture. Et c’est au théâtre que maintenant Abirached se consacre, comme critique dramatique, mais aussi comme essayiste avec un excellent essai sur Jean Vauthier et un important ouvrage sur la Crise du personnage dans le théâtre moderne, enfin comme dramaturge. Avec Tu connais la musique que créèrent à l’Odéon Claude Evrard et Philippe Avron, il ouvre les voies à un nouveau comique conjuguant les ressources de la farce, les mécanismes de l’absurde et les jeux du langage (du calembour au démontage des clichés, à la pulvérisation de la parlerie quotidienne). Surtout, il propose un théâtre qui se donne comme théâtre, qui invente son lieu, qui substitue à l’illusion la mise en scène lucide et ironique de notre savoir et de nos mythes.

► Bibliographie: Roman : l'Emerveillée, Grasset, 1963 ; Théâtre : Tu connais la musique, Stock, 1971 ; Essais : Casanova ou la Dissipation, Grasset, 1961 ; Jean Vauthier, coll. Théâtre de tous les temps, Seghers ; la Crise du personnage dans le théâtre moderne, Grasset, 1977.