Databac

Révélation (Offenbarung)

Révélation (Offenbarung)

• Contre-mouvement de la réclusion dans l’histoire de l’Absolu. Le terme allemand dit une ouverture. •• Prolongement de la mythologie mais aussi rupture avec elle, la Révélation doit se comprendre strictement comme ré-vélation, elle suppose, comme revelatio, une velatio originelle, et la présence voilée de ce qui en elle se dévoile. Par la Révélation, l’Absolu ou Dieu se manifeste en ce qui n’est pas lui, en une « économie » (oikonomia) qui est aussi déguisement, dissimulation, voire ruse, ce que Schelling appelle encore Révélation per contrarium. Il se manifeste, et la Révélation est toujours en ce sens la manifestation d’une volonté, d’une volonté manifeste précisément. Le monde est l’existence suspendue de Dieu. Si la mythologie est procès exotérique, où prévaut la nécessité, comme contraire à la fois de la contingence et de la liberté, la Révélation est, quant à elle, histoire intérieure, où s’affirme une liberté qui ne prend son sens qu’en ayant pour répondant une liberté humaine, c’est-à-dire celle dont peut user et mésuser le partenaire de Dieu qu’est le dieu créaturel, à savoir l’homme. ••• La philosophie de la Révélation est bien une « explication objective du christianisme », mais toute préoccupation dogmatique ou apologétique lui demeure en principe étrangère : le christianisme est pour elle un objet, non une source ou une autorité. Bref, la philosophie de la Révélation, ou Philosophie der Offenbarung, n’est pas une Offenbarungsphilosophie, une philosophie révélée. Le christianisme y est visé comme religion de l’historicité. Il s’agit donc de la Révélation néotestamentaire, telle qu’elle est prioritairement axée sur la personne du Christ : le Christ envisagé non comme fondateur d’une doctrine ou d’une religion, mais comme « fait » — il convient toutefois de ne pas perdre de vue que le véritable fait est toujours pour Schelling quelque chose d’intérieur. À la différence toutefois du concept hégélien de révélation, qui est révélation absolue, sans reste, au terme de laquelle il n’y a plus rien de caché en Dieu, le concept schellingien maintient en Dieu, à la mesure de ce qu’il révèle, c’est-à-dire veut bien, condescend à révéler de lui-même, une insondable réserve, un retrait, une réticence, une retenue faute desquels il serait « feu dévorant », et en vertu desquels il demeure Seigneur de l’être (Herr des Seyns), au lieu de se laisser captiver par l’être qu’il consent non plus seulement à être mais bien à avoir en creux. Le concept de révélation, ou d’un être se révélant, présuppose, comme l’avait souligné Œtinger, une obscurité originelle : « ne peut se révéler que ce qui a d’abord été caché » et, en un sens, se dissimule d’autant mieux en se révélant. La Révélation est ainsi désoccultation, mais désoccultation occultante. Le concept schellingien de révélation dit ce double aspect, théophanique et théocryptique. Il doit donc être rigoureusement opposé en ce sens à celui de manifestation. Selon les termes d’une lettre qu’il a adressée au pasteur Barth, l’un de ses censeurs, Schelling a destiné sa Philosophie de la Révélation à « ceux qui ont faim et soif d’une régénération véritable, radicale, de leur manière de penser ».

Liens utiles