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RETZ cardinal de [Paul de Gondi] 1613-1679

RETZ cardinal de [Paul de Gondi] 1613-1679
Mémorialiste, né à Montmirail, en Champagne, d’une famille d’origine italienne. Son père, « général des Galères de France », le fait élever, à Paris, par l’aumônier des Galères, Vincent de Paul : il le destine à la carrière ecclésiastique. Le jeune homme sera fait prêtre, en effet, la mort dans l’âme et malgré qu’il ait (à dessein) cherché querelle à tout le monde, accumulé les duels et fréquenté les mauvais lieux. Mais, dès lors que cette voie est à ses yeux inévitable, il se souciera de brûler les étapes : il est, très vite, un prédicateur renommé; à vingt-neuf ans, Anne d’Autriche, le fait nommer coadjuteur de l’archevêque de Paris, et il aura le chapeau de cardinal à trente-huit ans.
Mais sa grande époque de gloire est la Fronde : il intrigue contre Mazarin, puis lutte ouvertement contre lui ; organise dans le Parlement, et même dans les rues, la révolte contre les ministres. Après le retour de l’ordre, il est incarcéré à Vincennes (1653), s’évade l’année suivante, tombe de son cheval et se démet l’épaule ; mais il réussira à passer la frontière. À la mort de Mazarin, le roi lui permet de revenir en France, où il achève de « purger sa disgrâce » dans la lointaine seigneurie de Commercy, en Lorraine. Il semblerait à première vue qu’en le condamnant à l’exil, c’est-à-dire au désoeuvrement, Louis XIV ait tué vivant cet homme d’action. En fait, tous les amis qui lui restèrent fidèles (Mme de Sévigné entre autres) ont toujours porté témoignage de sa parfaite sérénité. On le pressait de tous côtés de se divertir. Et plus encore de « se changer les idées » ; Retz va les remâcher au contraire avec entrain, toute sa vie, dans ses Mémoires. Il n’est rien qui paraisse plus utile à l’État que ce genre d’écrits pour quiconque éprouve le besoin de se justifier. Aussi bien n’est-ce pas là un ouvrage général d’histoire, mais bien plutôt une autobiographie. Mieux : un autoportrait. Or l’homme est si curieux, si désarmant de sincérité - si attachant, au total - que nul ne lui reprochera d’avoir limité là son ambition d’écrivain. Et d’abord, Retz nous avoue qu’il est un voluptueux ; dès l’enfance, nous dit-il, pour échapper à la soutane, mais surtout pour assouvir de trop vigoureuses exigences, il se livre à la pire débauche. Rarement vit-on un homme moins fait pour l’Église. À ce cœur chaud pourtant s’allie un œil sec, une intelligence lucide, glaciale, aiguë, soucieuse de « bien tenir les rênes ». Non pas pour le malin plaisir de nuire à autrui, car il n’est pas d’âme, au fond, plus exempte de calcul. Non, par jeu. Même au plus fort des combats révolutionnaires de la Fronde, âpre à la lutte et prêt à risquer gros, il prend encore le loisir de saluer un coup fourré bien réussi de la part de son adversaire ; à mesure qu’il revit les événements, il attribue des bonnes ou des mauvaises notes en marge. Il se plaît si fort à l’action en cours, qu’il n’apparaît pas beaucoup aux lecteurs des Mémoires que son âme soit émue par ce qu’on appelle le succès ou le revers des armes : Tout est calme et l'on pendra demain qui Von voudra. Quant à lui, il apprécie la partie à la mesure même de son enjeu : Je ne compte le fer et le poison pour rien [... ] On meurt également partout.
Insolent, cynique, parce que sincère avec tous et avec lui-même, il n’a pas le moindre mépris pour les vaincus, ni pour le menu peuple qu’il a côtoyé de près dans ces périodes de trouble; et la seule chose qu’il ait méprisée, c’est le manque de caractère, c’est l’homme efféminé et veule hissé par l’effet des circonstances à une place qui demandait un homme véritable. Retz fait pis encore que mépriser Mazarin, pis que s’acharner sur lui dans son livre : il le donne à regarder de la façon la plus simple. Il le retourne sur l’un et l’autre profil, avec légèreté, comme du bout des doigts ; puis s’abstenant souverainement de conclure, il abandonne sa victime à la risée du public pour tous les siècles à venir : L'on voyait sur les degrés du trône, d'où l'âpre et redoutable Richelieu avait foudroyé plutôt que gouverné des humains, un successeur, doux, bénin, qui ne voulait rien, qui était au désespoir de ce que sa dignité de cardinal ne lui permettait pas de s'humilier autant qu'il l'eût souhaité devant tout le monde... Pour qui trouve grâce au contraire, devant ce peintre exigeant, toutes les rides se trouvent, par un savant éclairage, abolies. Parle-t-il des vices de Richelieu : Ils ont été de ceux qui ne peuvent avoir pour instrument que de grandes vertus. Retz aime frapper une maxime morale comme une médaille : Il n'est jamais permis à un inférieur de s'égaler en parole à celui à qui il doit le respect, quoiqu'il s'y égale en action ; et, en plus d’une rencontre, ses portraits même empruntent à la maxime une vertu d’universalité : Cet homme avait une sorte d'éloquence qui lui était particulière, il ne connaissait point l'interjection. Surprenante formule qui pourrait au surplus s’appliquer à Retz, et lui tenir lieu de définition sur le plan de l’écriture. Quoi qu’on puisse en effet penser de l’homme (de sa valeur sur le plan « moral », de son rôle politique ou historique), l’artiste a su rallier tous les suffrages, à tous les siècles ; et cette étonnante unanimité fait de lui, en matière de littérature, un « cas ».. Hier encore dans un essai intitulé Sur la singularité d'être français, Roger Vailland donnait Retz comme typique - en tant qu’écrivain, s’entend — de cette singularité : « On peut à la rigueur imaginer Mallarmé anglais, Balzac russe, Corneille espagnol, Gide suisse, etc. : mais Retz, Laclos, Chamfort, Stendhal ne pouvaient être que français [...] La gloire de Retz est d’avoir fourni un modèle inégalable de style français. » Et Vailland d’ajouter: «... français, c’est-à-dire irrespectueux ».

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