Résumé du cours : Vérité et Raison
Résumé du cours : Vérité et Raison
Introduction
La vérité est définie comme ce qui est conforme à la réalité. Par exemple, l'énoncé « ce tableau est blanc » est vrai s'il correspond à la réalité du tableau. En revanche, une valeur morale est ce qui vaut qu’on lui sacrifie notre vie, comme Dieu, la Patrie, la Révolution ou la Famille. Ce cours explore si la vérité et les valeurs sont relatives, en s'opposant aux doctrines du scepticisme, du dogmatisme et du relativisme.
1) Scepticisme et Relativisme
Scepticisme
Le scepticisme est la doctrine selon laquelle l’esprit humain ne peut atteindre avec certitude aucune vérité. Les sceptiques affirment que tout est faux ou indéterminé. Michel de Montaigne, dans ses "Essais", exprime cette idée avec sa célèbre question : « Que sais-je ? » Il souligne que la certitude absolue est une illusion et que le doute est une posture plus raisonnable. Montaigne ajoute : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Il illustre ainsi la relativité des croyances selon les cultures et les époques. Montaigne s'inspire de Pyrrhon (-IVe siècle) qui, en accompagnant Alexandre le Grand en Inde, a observé la diversité des croyances et coutumes, concluant à l'absence de vérité universelle.
Relativisme
Le relativisme, en opposition à l'absolu, affirme que les vérités et les valeurs varient selon les perspectives individuelles et culturelles. Protagoras, un sophiste grec, déclare : « L'homme est la mesure de toutes choses », suggérant que ce qui est vrai pour une personne peut ne pas l'être pour une autre. Protagoras est connu pour sa position selon laquelle « sur toute chose, on peut faire deux discours opposés ». Le relativisme conduit au scepticisme puisqu'en affirmant que toute vérité est relative, il déclare la certitude inaccessible et le doute indépassable.
2) Les Arguments des Sceptiques
Contradiction des Opinions
Les sceptiques soulignent que la diversité des opinions montre que la vérité universelle est inaccessible. Par exemple, Pyrrhon et Montaigne, grands voyageurs, notent la relativité des mœurs et des valeurs à travers les cultures. Pascal, influencé par Montaigne, écrit : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » (Pensées). Cela montre que la vérité dépend des contextes culturels et géographiques.
Régression à l'Infini
Les sceptiques soutiennent qu'une vérité ne peut être admise sans preuve, mais chaque preuve nécessite elle-même une preuve, entraînant une régression à l'infini. Pour démontrer que Socrate est mortel parce qu’il est un homme et que tous les hommes sont mortels, il faut prouver que Socrate est bien un homme et que tous les hommes sont mortels. Chaque affirmation nécessite une preuve, et chaque preuve nécessite une autre preuve, rendant la démonstration impossible.
Relativité des Opinions
Protagoras, selon Aristote, affirme que sur toute chose, on peut tenir deux discours opposés. Cela implique que toute opinion est relative et que ce qui paraît vrai à quelqu'un est sa réalité. Aristote critique cette position dans sa "Métaphysique", affirmant que cela conduit à la négation du principe de non-contradiction, selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps au même sujet et sous le même rapport ».
3) Critique du Scepticisme et du Relativisme
Principes Logiques
Le scepticisme et le relativisme sont critiqués pour leur auto-contradiction. Aristote pose les principes de la logique : identité, non-contradiction et causalité. Par exemple, affirmer « tout est faux » est contradictoire car cette affirmation devrait être fausse elle-même. Aristote souligne que le principe de non-contradiction est essentiel pour toute réflexion et communication : « Il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps au même sujet et sous le même rapport » (Métaphysique).
Paradoxe du Menteur
Le paradoxe du menteur (Epiménide le Crétois dit : « Tous les Crétois sont des menteurs ») montre l'auto-contradiction du scepticisme. Si Epiménide dit la vérité, il ment. Si Epiménide ment, il dit la vérité. Ce paradoxe illustre l'impossibilité de soutenir une thèse sceptique de manière cohérente.
4) Relativisme Moral et Culturel
Avantages du Relativisme
Le relativisme incite à la tolérance et à la reconnaissance de la diversité culturelle, protégeant contre l'ethnocentrisme. Il invite à ne pas prendre ses propres valeurs pour universelles et à s'ouvrir aux autres cultures. Montaigne, par exemple, critique l'ethnocentrisme en déclarant : « Chacun appelle barbarie ce qui n'est point de son usage » (Essais). Le relativisme encourage la tolérance et la compréhension interculturelle.
Le relativisme nous apprend à remettre en question nos propres certitudes et à voir la valeur dans des perspectives différentes. Cette ouverture permet un dialogue interculturel et un enrichissement mutuel. Par exemple, la reconnaissance des pratiques médicales traditionnelles dans différentes cultures a souvent conduit à des innovations en médecine moderne.
Le relativisme peut également servir de garde-fou contre les excès du dogmatisme et de l'ethnocentrisme. Il incite à la prudence et à l'humilité intellectuelle, reconnaissant que nos propres croyances et valeurs ne sont pas nécessairement supérieures à celles des autres. En ce sens, le relativisme peut promouvoir la paix et la compréhension mondiale, en réduisant les conflits culturels et religieux.
Dangers du Relativisme
Cependant, un relativisme absolu peut justifier des pratiques inacceptables comme l'excision, l'esclavage ou la torture. Saint Augustin avertit : « À force de tout tolérer, on finit par tout accepter… à force de tout accepter, on finit par tout approuver. » Le relativisme peut ainsi mener à l'acceptation de l'intolérable.
Karl Popper, dans "La Société ouverte et ses ennemis", souligne que tolérer les intolérants peut mener à la disparition de la tolérance. Popper écrit : « Si nous étendons une tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas prêts à défendre une société tolérante contre l'assaut des intolérants, alors les tolérants seront détruits et la tolérance avec eux. » (La Société ouverte et ses ennemis). Popper met en garde contre les dangers d'une tolérance sans limites, qui pourrait permettre aux forces destructrices de prospérer et de mettre en péril les valeurs mêmes de la tolérance et de la démocratie.
Le relativisme moral peut également conduire à un nihilisme où toutes les valeurs se valent, ce qui peut paralyser toute action éthique. Si aucune valeur n'est supérieure à une autre, il devient difficile de justifier la lutte contre les injustices ou les atteintes aux droits de l'homme. Par exemple, le relativisme peut conduire à tolérer des pratiques comme l'excision ou la ségrégation raciale sous prétexte de respect des cultures, sans reconnaître l'atteinte fondamentale aux droits humains.
Conclusion
La vérité et les valeurs posent des défis complexes. Bien que le relativisme et le scepticisme offrent des perspectives critiques utiles, ils présentent des contradictions internes. Une approche équilibrée reconnaît la diversité des perspectives tout en affirmant certaines vérités et valeurs fondamentales nécessaires pour une coexistence harmonieuse et respectueuse. Les contributions de Montaigne, Pascal, Protagoras, Aristote, et Popper enrichissent notre compréhension des limites et des potentiels de ces doctrines. Il est crucial de naviguer entre les avantages d'une ouverture culturelle et les dangers d'un relativisme absolu, afin de maintenir un équilibre entre tolérance et justice.