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Résumé du cours (HLP) : "Les métamorphoses du moi : L'identité personnelle"

Résumé du cours (HLP) : "Les métamorphoses du moi : L'identité personnelle"

Problématique :
Le problème du moi est celui du problème de l'identité à travers le temps. On trouve une illustration de ce problème dans celle du bateau de Thésée. Selon la mythologie grecque, le bateau du héros Thésée aurait été réparé si souvent qu'il aurait fini par ne plus posséder une seule pièce d'origine. S'agit-il donc toujours du même bateau ou d'un bateau différent ? De même, suis-je le même en dépit de tous les changements et transformations qui m’ont affectés ?
Qu’est-ce qui fait que je suis moi et pas un autre ? Comment se forme notre identité personnelle ? De quoi le moi est-il la synthèse ? Bref d’où nous vient l’idée d’être un moi individuel, possédant une identité personnelle dans le temps ? Qu’est-ce que le moi ? Peut-on en parler au singulier ? Ne sommes-nous pas plutôt une succession, une multitude de « moi » ? Dès l'antiquité le précepte socratique inscrit au frontispice du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même », perçu comme l'un des fondements de la sagesse, rappelle la difficulté de cerner ce « moi ».

Identité personnelle et mémoire :
John Locke, philosophe anglais empiriste, situe l'identité personnelle dans la mémoire et la conscience de soi. Il écrit dans "An Essay Concerning Human Understanding" (1690) : « L’identité personnelle consiste dans la conscience ; et cette conscience s’étend aussi loin que s’étend la mémoire ». Locke soutient que c'est grâce à la mémoire que nous maintenons une continuité de notre identité à travers le temps. Les troubles de la mémoire, comme l'amnésie ou certaines maladies mentales, démontrent l'importance de la mémoire dans la constitution de notre identité. La mémoire est le ciment de notre conscience de soi, sans laquelle il n'y aurait pas d'identité personnelle. Sans mémoire, je ne saurais plus qui je suis. Je ne sais plus qui je suis si je n’ai pas la mémoire de qui j’ai été. La mémoire est le ciment de notre conscience de soi. Sans mémoire, pas de conscience de soi. Sans conscience de soi, pas d’identité de soi. Je suis ce que, qui je suis grâce à la mémoire, grâce au souvenir de ce que j’ai été.

Illustration cinématographique :
Le film "L'homme sans passé" de Kaurismäki illustre cette thèse : un homme ayant perdu la mémoire doit reconstruire son identité à partir de fragments de souvenirs retrouvés. Sans passé, point d’identité.

Identité personnelle comme récit de sa propre histoire
Paul Ricoeur propose que l'identité personnelle se construit comme un récit que l'on se raconte à soi-même et aux autres. Dans "Temps et Récit" (1983-1985), il affirme : « L'identité personnelle est une identité narrative ». Ce processus narratif donne sens à notre existence et permet de comprendre notre passé à travers le prisme de notre présent. Ainsi, notre identité est toujours en élaboration, influencée par nos rencontres et événements vécus. Le "connais-toi toi-même" de Socrate passe par un "raconte-toi toi-même".
Illustrons ce point : Qui décidera si le séjour en prison que j'ai fait, après un vol, a été fructueux ou déplorable ? Moi, selon que je renonce à voler ou que je m'endurcis dans le crime. Le présent détermine le sens de mon passé. Mon passé dépend du récit que j’en fais au présent de l’indicatif.
En se racontant, la personne donne donc du sens c’est-à-dire une direction et une signification à son existence.
A contrario : La schizophrénie est l’incapacité à unifier son « moi » dans un récit cohérent. Etymologie provenant du grec « schizein », signifiant couper ou briser, et « phrèn », désignant l'esprit ou la parole.

Le moi et les autres (Sartre)
Autrui est ce moi qui n'est pas moi. D’ailleurs, je ne suis « moi » que pour moi et pour tous les autres, je suis un « autre ». Chacun des autres dit également « je » lorsqu’il veut parler de lui et pas de moi. Nous sommes tous des « je » et nous sommes tous des autres pour celui qui dit « je ». Si les autres sont les autres c’est parce que « je » est moi. Sans les autres, il n’y a pas de « je ». Il n’y a de « je » que reconnu par les autres. Je ne suis moi-même que dans la mesure où les autres me reconnaissent en tant qu’individu singulier et me constituent comme tel. Ainsi le « je » n’est pas une entité autonome, une substance, c’est-à-dire une réalité qui se donnerait par soi-même, se définirait par elle-même. Cela lui fait une belle jambe à Robinson sur sa Speranza d’être spirituel ou beau. Peut-il se le dire très longtemps tant que personne ne lui signifie qu’on le trouve spirituel ou beau ?
Selon Jean-Paul Sartre, notre identité est en partie constituée par le regard et le jugement des autres. Il affirme dans "L'Être et le Néant" (1943) que « pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre ». L'interaction avec autrui est donc essentielle pour la connaissance de soi. Sartre illustre cette théorie dans sa pièce "Huis-Clos", où Garcin conclut la pièce par le célèbre : « L’enfer, c’est les autres ». Cette phrase, mise par Sartre dans la bouche de l’un de ses personnages, est souvent l’objet de contresens. Sartre n’a jamais été un misanthrope. Il a toujours aimé la société de ses semblables et a même lutté pour une meilleure organisation politique. Il exprime simplement le drame de la relation à autrui. Je ne peux pas me passer de l’autre (« Sans témoins, on s’évapore ») et, en même temps, je souffre de sa présence, je souffre d’être « chosifié » par la conscience de l’autre.
Tel est tout le tragique de l’existence humaine : Sans autrui, je ne suis rien. Avec autrui, je ne suis plus.
Sartre conclut que l'intervention d'autrui est essentielle pour que l'individu prenne conscience de lui-même. Autrui agit comme un médiateur entre moi et moi-même, permettant à l'individu d'accéder à une connaissance plus profonde de ses propres actes et de leur véritable sens.

Le moi et la société
La société nous impose des rôles et des statuts sociaux qui influencent notre identité. Dès l'enfance, nous sommes façonnés par les attentes et les désirs de nos parents et de la société. Les rôles sociaux que nous endossons contribuent à la constitution de notre identité personnelle. Michel Tournier, dans "Vendredi ou les limbes du Pacifique" (1967), écrit : « Autrui est la pièce maîtresse de mon univers ». Nous sommes en partie définis par les attentes et les jugements des autres.

Le moi et la psychanalyse
Sigmund Freud montre qu’une grande partie de notre psyché est inconsciente. Il écrit dans "Introduction à la psychanalyse" (1917) : « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison ». La psychanalyse propose de rendre conscient ce qui est inconscient pour renforcer notre identité. Jacques Lacan ajoute : « Là où je pense, je ne suis pas, là où je suis, je ne pense pas » (Lacan, "Écrits", 1966).

Une identité mouvante et morcelée
L'identité est en perpétuelle évolution. Elle n'est pas une substance fixe, mais se construit et se reconstruit en fonction des expériences et des changements vécus. Une identité mouvante : Ce Moi est en perpétuelle évolution. Le moi se constitue en changeant, l'identité ne se conserve pas contre le changement mais avec lui. L'identité est plastique, subit des transformations mais n'en demeure pas moins la même, comme un visage qui vieillit tout en conservant ses traits ou un corps qui malgré un renouvellement incessant de cellules est toujours le même corps. L'identité n'est pas une chose définitivement acquise que l'on garderait ou perdrait selon les circonstances de la vie. L'identité ne cesse pas de changer, je ne me définis pas de la même façon selon le moment de ma vie et pourtant je suis toujours le même, mais l'identité se construit avec les variations. Le moi en ce sens est toujours à la fois le même et nouveau. Garder son identité se conjugue avec le changement, le jour où la stagnation est atteinte, c'est la mort. Le moi est durée c'est-à-dire temporel, le moi est à la pointe de mon histoire et change avec elle, son être est de progresser ou de s'altérer, jamais de se conserver tel quel. Le moi se constitue en changeant, l'identité ne se conserve pas contre le changement mais avec.
On ne doit pas dire qu’il y a des métamorphoses du moi, mais que le moi n’est que métamorphoses.

Illustration littéraire : Oscar Wilde explore cette dualité de l'identité à travers le personnage de Dorian Gray dans "The Picture of Dorian Gray" (1890). Dorian conserve une apparence jeune et belle, tandis que son portrait vieillit et se détériore, reflétant ses actions immorales. Cette séparation entre l'apparence extérieure et la réalité intérieure montre la complexité de l'identité personnelle.

Conclusion
L'identité personnelle est complexe, éclatée, et en constante évolution. La quête de soi est un processus sans fin, une tâche à accomplir tout au long de la vie. L'important est de devenir ce que nous sommes, en utilisant les déterminismes imposés par la société pour construire notre propre identité. Sartre résume cette idée : « L'existence précède l'essence » (Sartre, "L'Existentialisme est un humanisme", 1946). En fin de compte, nous sommes constamment en train de devenir nous-mêmes, une tâche incessante de construction et de reconstruction de notre identité.



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