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Résumé du cours (HLP): Histoire et violence

Introduction

Le cours "Histoire et violence" explore la nature de la violence humaine, ses origines et ses manifestations à travers l'histoire. En s'appuyant sur des théories philosophiques, psychanalytiques et sociologiques, le cours examine les causes de la violence, qu'elles soient naturelles ou culturelles, et discute des perspectives pour la gestion et la sublimation de cette violence dans la société.

I. La Nature de la Violence

La distinction entre violence et agressivité est essentielle. Erich Fromm, dans "La passion de détruire" (1975), distingue l'agressivité naturelle des animaux, qui est biologiquement adaptative et cesse lorsque le besoin est satisfait, de la violence humaine, qui est culturelle et continue sans fin. Fromm affirme : « Les hommes les plus primitifs sont les moins guerriers et […] l’esprit guerrier croît en proportion du degré de civilisation. Si la destructivité était innée chez l’homme cette tendance serait inversée. »

La violence est définie comme une contrainte physique et/ou psychologique visant à faire subir ou faire faire à un individu ce qui est contraire à sa volonté. Elle peut être individuelle ou collective, légale ou illégale, physique ou psychique, manifeste ou insidieuse, organisée ou anarchique, visible ou invisible, programmée ou spontanée. Aristote considère la violence comme un principe qui affecte une chose de l’extérieur, contrairement à sa nature. En étymologie, le terme "violence" vient du latin "violentia" de "vis" signifiant la force, la puissance et la vigueur.

II. Causes Naturelles de la Violence

L’agressivité animale, selon l’éthologue Konrad Lorenz, a une fonction adaptative pour la survie. Cette agressivité n’est généralement pas sanguinaire et consiste en une attitude de menace. Darwin, dans "De l’origine des espèces" (1859), parle de la "lutte pour la vie" ("struggle for life"), où les êtres vivants se battent pour la survie des plus aptes. Richard Dawkins, dans son ouvrage "Le Gène égoïste" (1976), soutient que la nature est dominée par la concurrence et l’égoïsme, où chaque cellule, chaque individu lutte pour maximiser ses propres chances de survie et de reproduction. Dawkins écrit : « La réplication génique n’est pas une activité tranquille et contemplative. C’est un combat incessant pour se reproduire à l’infini. »

Freud, dans "Malaise dans la civilisation" (1929), décrit les pulsions de vie ("Eros") et les pulsions de mort ("Thanatos"). La pulsion de vie est associée à l’amour, la construction et l’assimilation, tandis que la pulsion de mort est liée à la destruction, la désassimilation et le plaisir de la douleur. Freud affirme : « Les hommes d'aujourd'hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu'avec leur aide il leur est devenu facile de s'exterminer mutuellement jusqu'au dernier. » Cette vision pessimiste de l’avenir de l’humanité souligne l’importance de la civilisation pour contenir et sublimer ces pulsions destructrices.

III. Causes Sociales et Politiques de la Violence

Jean-Jacques Rousseau, dans "Du Contrat social" (1762), argue que l'homme est bon par nature mais est corrompu par la société. Il affirme : « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. » La société, en introduisant des inégalités économiques et sociales, génère des conflits et de la violence. Karl Marx reprend cette idée dans "Le Manifeste du Parti communiste" (1848), où il voit la violence comme un moyen révolutionnaire nécessaire pour détruire les structures politiques figées et injustes. Marx déclare : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes. »

·        Les travaux de Stanley Milgram montrent que la soumission à l'autorité peut pousser les individus à des comportements criminels. Milgram conclut : « La majorité des gens peuvent être conduits à faire des choses extrêmes et dangereuses s’ils se trouvent dans un contexte qui justifie ces actions. ».
 
·        Les travaux de Margaret Mead, anthropologue américaine, montrent que les comportements doux ou violents des tribus en Nouvelle-Guinée dépendent fortement de l’environnement social. Mead observe que les comportements, y compris ceux liés à la violence et aux rôles de genre, ne sont pas innés mais façonnés par la culture et les conditions sociales. Par exemple, certaines tribus valorisent la coopération et la paix, tandis que d'autres encouragent la compétition et l'agression. Cette thèse culturaliste soutient que les comportements humains sont largement des constructions sociales, influencées par l'éducation, les normes et les valeurs de la société environnante. Cela remet en question les théories déterministes biologiques, montrant que la violence et les rôles de genre peuvent être transformés par des changements dans l'environnement social et culturel.
 
·        La théorie de la violence mimétique de René Girard montre comment les comportements violents se propagent par imitation dans les sociétés humaines. Selon Girard, les individus n'imitent pas seulement les désirs des autres, mais également leurs comportements, y compris la violence. Cette imitation crée des rivalités intenses, car chaque individu désire surpasser l'autre. Les conflits ainsi générés peuvent atteindre des niveaux destructeurs, exacerbés par la similitude entre les rivaux. Pour résoudre ces conflits, les sociétés ont historiquement utilisé le mécanisme du bouc émissaire, désignant une personne ou un groupe à blâmer, permettant une catharsis temporaire.

IV. Apologies de la Violence

Machiavel soutient que la violence est parfois nécessaire en politique pour maintenir l’ordre et la justice, affirmant : « Aussi est-il nécessaire à un prince s'il veut se maintenir d'apprendre à pouvoir n'être pas bon » ("Le Prince"). La violence, dans cette perspective, est un mal nécessaire pour assurer la stabilité et la sécurité de l'État.

Hegel, dans la "dialectique du maître et de l’esclave", décrit la lutte pour la reconnaissance comme un moteur de l'histoire. Le maître et l’esclave finissent par se reconnaître mutuellement dans un processus dialectique de domination et de libération. Hegel écrit : « Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion. » cad, au final, sans violence. Marx, influencé par Hegel, développe la théorie de la lutte des classes, où la violence révolutionnaire est vue comme nécessaire pour abolir le capitalisme et instaurer une société sans classes. Marx affirme : « La violence est l’accoucheuse de l’histoire » ("Le Capital").

V. La Violence Légitime et la Non-Violence

La violence peut être considérée légitime lorsqu’elle est utilisée pour la défense de valeurs essentielles, comme la légitime défense ou la résistance à l’oppression, une guerre défensive ou de libération, une révolution contre un tyran ou un ordre injuste. Rousseau, dans "Du Contrat social", soutient que la désobéissance à une autorité injuste peut être légitime : « Sitôt qu’on peut désobéir impunément on le peut légitimement. » La notion de guerre juste, développée par des philosophes comme Thomas d'Aquin et plus récemment Michael Walzer, défend l'idée que la guerre peut être moralement justifiable si elle répond à certains critères, tels que la légitime défense, la protection des innocents ou la restauration de la justice.

Gandhi, influencé par le bouddhisme et le christianisme, prône la non-violence comme moyen de lutte politique. La non-violence est vue comme un acte militant et une désobéissance civile, avec la tactique du "Satyagraha". Gandhi dit : « La fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la semence. » La non-violence vise à transformer l'adversaire en faisant appel à sa conscience et à son humanité. Gandhi explique : « La non-violence est l'arme des forts. » Martin Luther King Jr., influencé par Gandhi, utilise également la non-violence comme une stratégie de changement social dans le mouvement des droits civiques aux États-Unis.

VI. Perspectives sur la Violence et le Progrès Moral de l’Humanité.

1)      Le Progrès moral de l’Humanité.
La question de savoir si l'humanité progresse moralement reste débattue. Kant, dans "Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique" (1784), voit la fin des guerres comme un impératif moral. Toutefois, les horreurs du XXe siècle ont ébranlé la foi dans le progrès moral automatique. Kant écrit : « La Raison pratique commande absolument aux hommes de mettre fin aux guerres. » Kant propose l'idée de "paix perpétuelle" où la raison doit guider les actions des hommes pour établir une société cosmopolitique mondiale. Il croit que la rationalité peut amener les individus et les nations à reconnaître les avantages d'une coexistence pacifique et d'une coopération internationale. La raison, en tant que faculté de comprendre les principes universels de justice et de droit, est capable de transcender les intérêts égoïstes et les passions destructrices. Kant imagine une société cosmopolitique mondiale où les frontières nationales seraient moins importantes que les droits universels des individus. Cette vision est anticipatrice de concepts modernes tels que les droits de l'homme et les organisations internationales dédiées à la paix et à la coopération mondiale, comme l'ONU.

De La Fin de l’Histoire…
Francis Fukuyama, influencé par les idées de Kant et Hegel, publie "La Fin de l’histoire et le Dernier Homme" en 1992, un ouvrage qui propose une analyse optimiste de la fin de la Guerre froide et l’effondrement des régimes communistes en Europe de l'Est. Fukuyama y annonce la suprématie de la démocratie libérale et de l’économie de marché comme formes finales de gouvernement humain après la chute du mur de Berlin en 1989. Fukuyama argue que l'histoire humaine est un processus téléologique, guidé par la lutte pour la reconnaissance de la liberté et de la dignité humaine. Selon lui, les idéologies alternatives, comme le fascisme et le communisme, ont été défaites, laissant la démocratie libérale sans rivale. Il écrit : « Ce à quoi nous assistons n’est peut-être pas seulement la fin de la Guerre froide, ou le passage d’une période particulière de l’histoire de l’après-guerre, mais la fin de l’histoire en tant que telle : c’est-à-dire le point final de l’évolution idéologique de l’humanité et la démocratisation universelle occidentale. »

2)     … au choc de civilisation.
Cependant, les conflits récents et les critiques de Samuel Huntington et Zbigniew Brzezinski montrent que la fin des conflits n'est pas assurée. Fukuyama postule que la démocratie libérale pourrait être la forme finale de gouvernement humain, mais Huntington et Brzezinski préviennent des dangers du "choc des civilisations" et des luttes géopolitiques persistantes. Huntington, dans "Le Choc des civilisations" (1996), écrit : « Les conflits futurs se produiront le long des lignes de fracture entre les civilisations. ». Huntington divise le monde en plusieurs grandes civilisations (chinoise, japonaise, hindoue, musulmane, occidentale, etc.). Il argue que les identités culturelles et religieuses seront les principales sources de conflit. La mondialisation a renforcé les identités civilisationnelles plutôt que de les diluer. L'Occident, autrefois dominant, voit son influence décliner face à des civilisations en montée, comme l'Islam et la Chine. Huntington souligne que l'Islam et l'Occident sont particulièrement propices aux conflits en raison de leurs divergences culturelles et de la résistance des pays musulmans à l'universalité revendiquée par l'Occident.

3)     Résumé de la synthèse : L’avenir n’est pas tracé mais à tracer
Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et les bombardements atomiques ont profondément ébranlé la foi de l’humanité en un progrès inéluctable de l’histoire mondiale. L'homme, désormais capable de sa propre destruction et de celle de son environnement, ne peut plus se reposer sur une histoire prédéterminée par la liberté, par la Raison ou par la lutte des classes comme le suggéraient Kant, Hegel ou Marx. Cette désillusion entraîne une prise de responsabilité individuelle et collective : l'avenir est ouvert et à construire par une humanité consciente de ses actes. Cet avenir, loin d'être garanti, comporte des risques de régression et de destruction massive, notamment en raison des préoccupations écologiques actuelles.

Conclusion

La violence est une composante complexe et multiforme de l’histoire humaine, mêlant causes naturelles et culturelles. Bien que la violence soit inévitable, il est essentiel de la gérer, la sublimer et la canaliser vers des expressions constructives comme l’éducation, l’art, le sport, la religion, la politique, etc. Les philosophies de l’histoire, de Kant à Hegel et Marx, offrent des perspectives sur le rôle de la violence dans le progrès humain, mais la responsabilité de tracer un avenir pacifique reste entre les mains de l'humanité.

Références






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