Résumé de Cours : Langage et Pensée
Résumé de Cours : Langage et Pensée
Introduction
La question de savoir si les mots traduisent ou trahissent la pensée est centrale en philosophie du langage. Les expressions courantes comme "chercher ses mots" ou "je ne trouve pas les mots pour dire ce que je pense" suggèrent une inadéquation entre langage et pensée. Cette problématique soulève des interrogations sur l'existence de pensées sans langage et sur la nature même de la pensée et du langage.
Le Langage comme Inconvénient
Henri Bergson, dans "Essai sur les données immédiates de la conscience", est un ardent défenseur de la thèse selon laquelle le langage fait obstacle à la pensée. Il affirme que les mots, en tant que "voiles", obscurcissent la réalité en ne véhiculant que des généralités. Par exemple, lorsqu'on parle de la douceur d'une chose, le terme "douceur" est appliqué à de nombreuses autres choses, perdant ainsi son caractère unique.
« Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons le plus souvent à lire des étiquettes collées sur elles. » - Bergson
Bergson voit dans le langage une dégradation de la pensée, une incapacité à capturer la richesse et la nuance de nos expériences personnelles. Il soutient que l'art peut offrir une vision plus directe de la réalité, contournant ainsi les limitations du langage. Les poètes, par exemple, utilisent des métaphores et des néologismes pour exprimer des idées complexes que le langage ordinaire ne peut rendre.
L'Ineffable
Certaines réalités sont considérées comme intraduisibles par le langage. Les émotions intenses et les expériences mystiques sont souvent décrites comme ineffables. Leibniz note que « nous ne saurions connaître le goût de l'ananas par la relation de nos voyageurs », soulignant l'incapacité du langage à transmettre des expériences sensorielles directes. Roland Barthes, dans "Fragments d'un discours amoureux", observe également que le langage est souvent inadéquat pour exprimer des sentiments profonds.
« Écrire l'amour c'est affronter le gâchis du langage. » - Barthes
Dans le domaine religieux, l'indicible nature de Dieu est un thème récurrent. La théologie négative, par exemple, soutient que Dieu est au-delà de toute description verbale, rendant le silence comme la meilleure expression de l'inconditionné.
Le Langage comme Condition de la Pensée
Contrairement à Bergson, Hegel soutient que le langage est essentiel à la pensée. Il affirme que « c'est dans le mot que nous pensons », insistant sur l'idée que la pensée sans langage est informe et inefficace. Pour Hegel, le langage donne à la pensée sa forme la plus claire et la plus véritable.
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » - Boileau
Oscar Wilde renforce cette idée en déclarant que « nos pensées naissent tout habillées », suggérant que la pensée et le langage sont intrinsèquement liés. La formulation claire d'une idée est vue comme une preuve de sa bonne conception.
Hegel va jusqu'à dire que l'ineffable est en réalité irrationnel, une pensée obscure qui ne devient claire que lorsqu'elle est articulée par des mots.
« L'ineffable, c'est la pensée obscure qui ne devient claire que lorsqu’elle rencontre le mot. » - Hegel
Conclusion et Synthèse
Le débat sur la relation entre langage et pensée révèle une interaction complexe et essentielle. D'un côté, le langage peut être perçu comme limitant et déformant la pensée (Bergson), mais de l'autre, il est aussi la condition de possibilité de toute pensée cohérente (Hegel). Jean Piaget résume bien cette interaction en disant :
« Il y a une intelligence avant le langage mais il n'y a pas de pensée avant le langage. » - Piaget
Ainsi, sans le langage, la pensée resterait inexprimable, et sans la pensée, le langage serait inutile. Cette co-dépendance suggère que le langage et la pensée sont solidaires et co-originaires. En fin de compte, ce débat soulève des questions profondes sur la nature même de notre perception du monde et de notre capacité à le communiquer.