Résumé de cours : La Justice & Le Droit
COURS DE TERMINALE Version (2023/2024):
Résumé de cours : La Justice & Le Droit
Introduction
Ce cours explore la nature du droit et de la justice, en distinguant entre le droit naturel et le droit positif, et examine les différentes conceptions philosophiques de ces notions. Il aborde également les rapports entre droit, justice et violence, ainsi que la légitimité des institutions juridiques et de l'autorité de l'État.
Les Deux Définitions du Droit
1. Droit naturel ou droit idéal, moral (= la légitimité) - Thèse
Le droit naturel est fondé sur la nature même de l'homme et de sa conscience morale. Il est intrinsèque et universel, permettant de distinguer les notions de bien et de mal.
Immanuel Kant, dans "La Métaphysique des mœurs" (1797), soutient que tout droit est fondé sur la liberté. Pour Kant, le droit naturel découle de la raison humaine et de la capacité des individus à légiférer en accord avec des principes moraux universels. Il insiste sur l'importance de l'autonomie et de la dignité humaine, affirmant que les lois doivent respecter la liberté et la rationalité des individus.
Diverses Conceptions du Droit Naturel:
- Héraclite et Antigone : L'idée d'une loi supérieure à la loi humaine remonte à l'Antiquité. Héraclite, philosophe présocratique, et la pièce "Antigone" de Sophocle (Vème siècle av. J.-C.). Antigone (droit naturel) désobéit à Créon (droit positif) et choisit la mort pour enterrer dignement son frère, Polynice.
- Les Stoïciens : Pour les Stoïciens, la nature et la raison sont identiques. Ils élaborent la notion de loi naturelle, considérant tous les hommes comme égaux en tant que fils du Logos. Citoyens du monde. Cette loi naturelle est la droite raison en accord avec elle-même.
- Jean-Jacques Rousseau : Dans "Du Contrat social" (1762), Rousseau décrit le droit naturel comme fondé sur deux lois : l'instinct de conservation et la pitié.
- Immanuel Kant : Pour Kant, dans "La Métaphysique des mœurs", le droit naturel repose sur la liberté et la raison.
On appelle « idéalisme juridique » (Antigone, Rousseau, Léo-Strauss), la doctrine qui subordonne la validité de la loi positive à sa conformité à la loi idéale ou naturelle, la doctrine qui fonde le droit positif dans le droit idéal ou naturel.
2. Droit positif ou droit social (= la légalité) - Antithèse
Le droit positif est l'ensemble des lois et des règles établies par une société, qu'elles soient écrites ou non. Ces lois évoluent avec la société et peuvent progresser ou régresser en fonction des circonstances historiques. Le droit positif est souvent influencé par les contextes politiques, sociaux et culturels.
Ce droit est considéré comme une série de conventions qui fondent l'État et régissent les relations entre les individus. Idéalement, le droit positif devrait être une traduction raisonnée et raisonnable du droit naturel. Cependant, en pratique, le droit positif est souvent le résultat de l'histoire, des conflits, des révolutions et des découvertes scientifiques. Il est donc façonné par les circonstances spécifiques de chaque société et de chaque époque.
Blaise Pascal, dans ses "Pensées" (1670), souligne la relativité des lois : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Cette citation illustre comment les lois et les normes peuvent varier considérablement d'une culture à l'autre et d'une époque à l'autre, reflétant la nature culturelle et historique du droit positif. Pascal met en évidence que ce qui est considéré comme juste dans un contexte peut être perçu comme injuste dans un autre, soulignant la variabilité et l'adaptabilité du droit positif.
On appelle « positivisme juridique » la doctrine qui justifie inconditionnellement le droit positif, et ne fonde pas le droit positif sur autre chose que l'acte de son institution par une autorité légale compétente. Pour les positivistes (Créon, Hobbes, Durkheim, Kelsen), on peut contester qu'il existe une Idée de juste, ou un droit naturel ainsi qu'en témoigne la divergence des opinions à ce sujet..
3. Corriger le droit positif (= Synthèse)
Le droit naturel n'est pas une fiction. Son rôle est précisément de corriger le droit positif, les règlements et les ordres iniques : pensez aux lois anti-juives de Hitler ou à celles de Vichy sous Pétain. Le droit naturel représente l'ensemble des règles non inscrites dans les codes mais qui inspirent la conscience. L'idéal de justice qu'on appelle le droit naturel contribue à améliorer le droit positif en le mettant en question, en demandant des amendements, des rectifications. Le légal n’est pas toujours légitime. Il y a une catégorie de droits qui sont liés à la personne humaine. En les revendiquant l'individu semble agir en tant qu'individu et se dresser contre les limitations imposées par les règles positives de l'État. Droit à la vie, au bonheur, à l'assistance, au travail, à la liberté individuelle, à la libre circulation, à la liberté d'opinion et de conscience, etc. C'est au nom de ces "droits" que l'individu revendique contre le droit positif et c'est au nom de ces "droits" que se font les réformes et les révolutions...
Conclusion : La notion de « droit naturel » peut être un peu confuse et on peut lui préférer celle de « droit rationnel ». En effet, le « droit naturel » ne peut pas être un droit qui existerait dans la nature. Ce n'est pas la nature, mais la raison humaine qui institue le droit. Aussi, est-ce plutôt d'un « droit rationnel » qu'il conviendrait de se réclamer pour combattre les erreurs du droit positif.
Fondement du Droit
1. Fonder le droit sur la force (thèse)
- Calliclès (dans le "Gorgias" de Platon) : Calliclès affirme que dans la nature, il n'y a pas d'autre droit que la force. Il considère que le droit positif est une invention des faibles pour se protéger des forts. Selon lui, le droit de la nature légitime la domination des plus forts. Il soutient que la loi positive est créée par les faibles pour maintenir leur sécurité et qu'elle usurpe le droit naturel qui favorise les forts.
- Thomas Hobbes : Dans "Le Léviathan" (1651), Hobbes décrit l'état de nature comme un état de guerre de tous contre tous, où l'homme est un loup pour l'homme ("homo homini lupus"). Pour sortir de cet état, les hommes abdiquent leurs droits naturels entre les mains d'un souverain tout-puissant qui instaure la paix par la contrainte. Hobbes pense que sans un pouvoir absolu pour imposer l'ordre, la vie serait "solitary, poor, nasty, brutish, and short" (solitaire, pauvre, désagréable, brutale et courte).
2. Fonder le droit sur le contrat (antithèse)
- Jean-Jacques Rousseau
Rousseau propose un contrat social où la liberté est inaliénable. Dans "Du Contrat social" (1762), il explique que l'homme est né libre et partout il est dans les fers. Pour Rousseau, le droit ne peut pas être fondé sur la force brute ou la domination des plus forts. Il argue que les individus doivent se rassembler pour former une volonté générale, qui représente l'ensemble des citoyens. Ce contrat social est fondé sur la liberté et l'égalité, où chacun obéit aux lois qu'il a lui-même contribué à créer. Rousseau soutient que la légitimité du droit réside dans le consentement des gouvernés : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté ».
Dans ce système, chaque individu est à la fois législateur et sujet, participant activement à la formation des lois. La liberté individuelle est ainsi préservée, car les lois sont l'expression de la volonté générale. Rousseau critique vivement l'idée de Hobbes d'un pouvoir souverain absolu, car pour lui, un tel pouvoir est contraire à la liberté humaine.
3. Être juste et le respect de la personne (synthèse)
Immanuel Kant
Kant prolonge, en morale, la réflexion de Rousseau, dans "Fondements de la métaphysique des mœurs" (1785), il propose l'impératif catégorique : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité dans ta personne et dans celle d'autrui toujours comme une fin, jamais comme un simple moyen ». Pour Kant, le respect de la personne humaine est au cœur de la justice. Chaque individu doit être traité avec dignité et ne doit jamais être utilisé simplement comme un moyen pour atteindre un but.
Kant distingue entre les actions conformes au devoir et celles accomplies par devoir. Seules les actions faites par devoir, c'est-à-dire par respect pour la loi morale, ont une véritable valeur morale. Cette perspective place la justice au-delà de la simple conformité à la loi positive, insistant sur l'importance de l'intention et du respect des principes universels de la moralité.
La justice, selon Kant, repose sur le respect inconditionnel de la dignité humaine. Les lois doivent être évaluées à l'aune de leur capacité à respecter et promouvoir cette dignité. En cas de contradiction entre une loi positive et la morale, c'est la loi morale qui doit prévaloir.
En conclusion, fonder le droit sur le contrat et respecter la personne sont des concepts clés chez Rousseau et Kant. Le contrat social démocratique de Rousseau garantit la liberté et l'égalité, tandis que Kant insiste sur l'autonomie de la raison et le respect inconditionnel de la dignité humaine. Ces idées forment les fondements d'une société juste où les lois sont le reflet de la volonté collective et de la morale universelle.