RENAN (ERNEST)
RENAN (ERNEST)
Joseph Ernest Renan, philologue, membre de l'institut, né à Tréguier (Côtes-du-Nord) le 27 février 1823, fait ses études de théologie au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, et apprend l'hébreu et d'autres langues orientales ; mais il renonce à la carrière ecclésiastique pour se livrer à l'enseignement privé. Reçu en 1848 à l'agrégation de philosophie, il obtient en même temps un prix pour son Histoire générale et systèmes comparés des langues sémitiques, et il est couronné à l'institut pour son Étude de la langue grecque au Moyen Âge. Il remplit une mission littéraire en Italie en 1849, est élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1856, et chargé en 1860, d'une mission en Syrie. À la suite de ce dernier voyage, il publie sa fameuse Vie de Jésus, dont le succès est dû, en grande partie, aux violentes polémiques provoquées par sa tentative de rationaliser la vie du Christ, vie qu'il prétend légendaire. On destitue l'auteur, depuis un an professeur d'hébreu, en le nommant à la Bibliothèque impériale. Renan publie, en outre, un grand nombre d'ouvrages de philologie, réunis sous le titre d'Études d'histoire religieuse, et des articles dans les principales revues de Paris. L'Antéchrist et Les Apôtres, formant suite à la Vie de Jésus, ne soulèvent pas les mêmes polémiques. Membre de l'Académie française en 1878, il meurt à Paris en 1892.
RENAN (Ernest), écrivain et philosophe français (Tréguier 1823-Paris 1892). Fils d'un capitaine au long cours, il est destiné d'abord au sacerdoce, mais la philosophie allemande le détache peu à peu de la foi catholique. Il est agrégé de philosophie en 1848, docteur en 1852 avec une thèse sur Averroès et l'averroisme. Il part ensuite pour la Syrie en mission archéologique; il en rapporte le manuscrit de la Vie de Jésus, premier volume d'une Histoire des origines du christianisme. En 1862, il est nommé professeur au Collège de France. Mais sa première leçon soulève un tumulte parce qu'il a parlé du Christ comme d'un « homme incomparable ».
Renan se trouve, de nos jours, fort négligé. Alain le comptait, avec Sainte-Beuve, au nombre des « bedeaux de la littérature ». En fait, son œuvre considérable est d'une grande diversité : l'Histoire des origines du christianisme (7 tomes publiés de 1863 à 1881), les Essais de morale et de critique (1859), les Dialogues et fragments philosophiques (1876) allient la précision scientifique avec un style d'une rare qualité. Renan reste un penseur et un artiste, l'inverse d'un doctrinaire.
RENAN Joseph Ernest. Écrivain et philosophe français. Né à Tréguier (Côtes-du-Nord) le 28 février 1823, mort à Paris le 2 octobre 1892. Comme Chateaubriand et Lamennais qui, avec lui, inspirèrent la sensibilité religieuse française du XIXe siècle, Renan était breton mais aussi (par sa mère) quelque peu gascon, et cette double hérédité peut expliquer en partie les contrastes de sa si riche et si fuyante personnalité. Destiné dès l’enfance à la prêtrise, il fit ses premières études à l’Ecole ecclésiastique de Tréguier (1832-38), avec les maîtres religieux auxquels il conserva toute sa vie son affection, mais qui manquaient singulièrement de culture moderne; il vint ensuite à Paris, achevant ses «humanités» à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dirigé par le futur Mgr Dupanloup (1838-41), puis commençant sa théologie au séminaire d’Issy (1841-43). Mais, entré au grand séminaire de Saint-Sulpice en 1843, il s’en éloignait deux ans plus tard, à la rentrée d’octobre 1845, ayant senti s’évanouir au contact de l’enseignement scolastique et exégétique de l’établissement les états d'âme qu’il avait pris pour une vocation sacerdotale. (Jette crise religieuse fut avec celle de Lamennais la plus retentissante du XIXe siècle et la plus lourde de conséquences. Elle décida non seulement de toute la vie et de toute la pensée de Renan lui-même, qui l’a longtemps et remarquablement racontée plus tard dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1883), mais aussi de l’attitude que prirent en face du christianisme les diverses générations intellectuelles françaises jusqu à la fin du siècle. La foi de Renan avait-elle jamais été profonde ? Il s’agissait plutôt, semble-t-il, d’habitudes familiales, d’émotions enfantines et de cet idéalisme religieux typiquement celte dont Renan ne cherchera jamais d’ailleurs à se débarrasser. La découverte soudaine, lors de sa première année d’études à Paris, de la littérature romantique, puis la philologie, dit Renan, mais surtout (ses lettres le prouvent) la philosophie allemande, passionnément aimée, et plus encore l’influence de sa sœur Henriette, ébranlèrent assez facilement ce christianisme superficiel et presque tout de sentiment. Ayant donc quitté le séminaire, Renan trouva un poste de répétiteur dans une petite institution privée où de 1845 à 1849 il mena une vie pauvre, solitaire et ascétique, consacrant tous ses moments de loisir à la préparation de ses examens universitaires (en septembre 1848 il fut reçu premier à l’agrégation de philosophie) et à des entretiens intellectuels avec son seul ami, Marcelin Berthelot — v. Correspondance entre Renan et Berthelot (1898). Agé seulement de vingt-cinq ans, il entreprit la rédaction de L’Avenir de la science, ouvrage qu’il laissa longtemps inédit sur les conseils d’A. Thierry, et qui ne connut la célébrité que quarante ans plus tard, en 1890 : livre de jeunesse encore, où il était facile de reconnaître de très nombreuses influences, mais où s’affirmaient la certitude d’un déterminisme universel rejetant tout surnaturel et un culte lyrique et presque mystique de la science positive. Chargé de mission en Italie, Renan, en 1849-50, visite Rome, Florence, Padoue, Venise, et poursuit les recherches historiques nécessitées par la préparation de sa thèse de doctorat sur Averroès et l’Averroïsme (1852). Dès sa sortie du séminaire, c’est cependant a l’orientalisme qu’il avait consacré ses principaux efforts qui obtinrent leur premier résultat important avec l'Histoire générale et système comparé des langues sémitiques (1855). A cette époque, Renan donne à la Revue des Deux Mondes et au Journal des Débats de nombreux articles recueillis dans Etudes d’histoire religieuse (1857) et dans les Essais de morale et de critique (1859). Sa personnalité s’affirme auprès du monde savant et même d’un large public lettré et en 1862, au retour d’une mission archéologique en Phénicie, Syrie, Galilée, Palestine, pendant laquelle il avait eu la douleur de perdre sa sœur Henriette, morte à Amschit le 24 septembre 1861, Renan se vit confier la chaire d’hébreu au Collège de France; mais ce cours, à peine commencé, fut suspendu par le gouvernement de Napoléon III, Renan, dans sa première leçon, ayant agressivement qualifié Jésus d’« homme incomparable ». Il décida alors de publier sa Vie de Jésus (1863), « l’un des événements du siècle », a-t-on pu dire sans exagération de ce succès de librairie considérable, rapidement traduit dans toutes les langues. Le premier en France, Renan vulgarisait les travaux de l’exégèse allemande, reprenait la théorie mythique de David Strauss, et posait le problème du Christ en rejetant l’intervention de tout surnaturel particulier. Mais, quoi qu’il en fût de cette position doctrinale, amis et adversaires pouvaient difficilement résister au style plein d’émotion et de poésie de cette œuvre, à la puissance d’évocation avec laquelle Renan avait su restituer le milieu physique, intellectuel et moral de la vie du Christ. Pour les générations venues à l’âge d’homme après 1870, il allait être l’« enchanteur », comme l’avait été, cinquante ans plus tôt, Chateaubriand. Malgré l’onction du style, la Vie de Jésus n’en était pas moins une œuvre de combat bien plus que de science pure. Une certaine fantaisie poétique et romanesque en faisait la faiblesse du point de vue des spécialistes. Avec son Histoire des origines du christianisme (1863-83), Renan revint à une érudition plus sérieuse, et le combattant fit place en lui à l’historien des idées. Il restait naturellement fidèle à sa méthode directrice, rejetant toute notion du mystère et n’acceptant que les faits « scientifiquement » explicables et prouvés. Mais l’esthète, le poète ne cessaient point de disputer en lui avec le savant; cela même qu’il critiquait, Renan ne renonçait pas à en aimer et a en faire aimer la beauté. Si à Athènes, qu’il visite en 1865, il exalte le « miracle grec » — la Prière sur l’Acropole (1883) — il garde également la sensibilité chrétienne et, rejetant les dogmes du catholicisme, il continue d’admirer l’histoire judéo-chrétienne, et la montre si bien dans ses sommets que le lecteur de l'Histoire des origines ou de l'Histoire du peuple d’Israël (1887-93) pourrait être amené à juger cette histoire incomparable, surhumaine, et à aboutir finalement à cette présence du mystère que rejetait le sourcilleux scientisme de l’auteur. C’est que pas un esprit ne fut moins sectaire que celui de Renan; d’une nature essentiellement féminine, son rêve était de tout éprouver, de concilier toutes les grandes œuvres, toutes les expressions religieuses et philosophiques de l’humanité qu’il concevait, a la manière hégélienne, comme les diverses manifestations, également nécessaires et belles, de la réalité totale : Infini, Dieu, à la recherche d’elles-mêmes et de leur pleine conscience. Rien ne serait plus difficile que d’essayer de fixer Renan dans un point de vue particulier, car ce qu’il cherche précisément c’est à atteindre l’universalité en passant continuellement d’un point de vue à un autre. Aussi, après 1870, réintégré dans sa chaire du Collège de France, élu à l’Académie Française en 1879, vit-on cet homme de cabinet et de travail s’aventurer dans le monde, étaler malicieusement les paradoxes de son scepticisme, ironisant sur ses propres négations, donnant un tour frivole et désabusé aux vues les plus scandaleuses et souvent les plus profondes, charmant les mondaines de ses mots caressants, de cette fameuse « musique » dont tant d’adolescents allaient s’enivrer, tels un Bourget, un Maurras, et plus que tous peut-être le jeune Barrés qui ne se gênait point, cependant, pour décocher des traits mordants au dilettantisme du maître. Renan vit alors l’apogée de sa carrière d’artiste; chargé d’honneurs, pontife du laïcisme, il n’en critique pas moins rudement la démocratie — v. La Réforme intellectuelle et morale (1871) — et bafoue avec une parfaite élégance les poncifs officiels —Drames philosophiques (1888) et Le Prêtre de Nemi (1885). Personnage multiple, intelligence a facettes, Renan, qui parut en son temps le type du négateur, aura été également un convertisseur; il a attiré nombre d’esprits hors du christianisme, mais il a été aussi à l’origine du dilettantisme mystique de la fin du siècle. Il critiquait les dogmes, mais, presque seul parmi les grands écrivains de son temps, il entretenait la sensibilité chrétienne. Ayant formé la « génération du relatif », il donnait en même temps à cette génération la curiosité et même l’angoisse religieuses. Savant enfin, c’est surtout comme poète qu’il a fasciné son temps.
♦ « Renan est parfaitement incapable de formules précises, il ne va pas d’une vérité précisée à une autre. Il tâte, il palpe. Il a des impressions, ce mot dit tout... » Taine. ♦ « Une des lois de notre époque n’est-elle pas le mélange le plus chaotique des idées, le conflit dans nos cerveaux, à tous, des rêves de l’univers élaborés par les différentes races ? Qu’a fait d’autre M. Renan, que de servir de théâtre à un de ces mélanges et de raconter, avec une sincérité que nul n ’a le droit de suspecter, l’issue particulière d ’un de ces conflits ? » Paul Bourget. ♦ « Étranger à toute communion de fidèles, il a au plus haut point le sentiment religieux. Sans croire, il est infiniment apte à saisir toutes les délicatesses des croyances populaires. Si l’on veut bien me comprendre, je dirai que la foi ne le possède point, mais qu’il possède la foi » Anatole France. ♦ « Oui, le bienfait dont nous [le] remercions, c’est qu’il a trouvé un joint pour conserver à l’esprit moderne le bénéfice de cette prodigieuse sensibilité catholique dont la plupart d’entre nous ne sauraient se passer. La tâche de M. Renan fut de trouver quelque provisoire qui conciliât le sentiment religieux et l’analyse scientifique. » Maurice Barrés. ♦ « Ce monde hideux de... Renan et des autres Moloch du XIXe siècle, ce bagne... cette affreuse mécanique entièrement gouvernée par des lois parfaitement inflexibles et pour comble d’horreur connaissables et enseignables. » Paul Claudel. ♦ « Il y avait en Renan un très grand historien politique à côté d’un historien religieux bien inférieur... C’est Renan qui a dit le mieux comment toute œuvre civilisatrice, toute œuvre spirituelle, morale, digne de l’homme, est le fruit de l’éducation, qui ne va pas sans la tradition et l’hérédité, qui incorpore la durée des siècles à la courte existence des hommes. » Charles Maurras.
RENAN, Ernest (Tréguier, 1823-Paris, 1892). Ecrivain et historien français. Ancien séminariste détourné de sa vocation ecclésiastique, son Histoire des origines du christianisme, où il affirmait son refus du surnaturel et sa foi en la primauté de la raison, marqua profondément son époque. Destiné très jeune à la prêtrise puis convaincu, après des études de séminariste (1838-1845), de la fragilité des bases du christianisme, il rompit avec l'Église et se consacra à l'étude des langues sémitiques et à l'histoire des religions. Rationaliste convaincu {L'Avenir de la science, 1848) et philologue consacré, il fit scandale en 1862 lors de sa leçon inaugurale d'hébreu au Collège de France en parlant du Christ comme d'un « homme incomparable » ne participant pas de la divinité. L'année suivante, il publia la Vie de Jésus, premier tome d'une monumentale Histoire des origines du christianisme (1863-1881), qui suscita de vives polémiques à travers l'Europe et lui fit perdre sa chaire d'hébreu. Une Histoire du peuple d'Israël (1887-1894) compléta l'ouvrage. Renan évoqua la grave crise religieuse qui lui fit perdre la foi dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse ( 1883) dont la « Prière sur l'Acropole » est le passage le plus célèbre. Il fut élu à l'Académie française en 1878.