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RÉGIMES POLITIQUES

RÉGIMES POLITIQUES

« L’homme est un animal politique », écrit Aristote. Non seulement il vit en groupe, mais il crée des institutions politiques, chargées de gérer la polis ou cité. Existe-t-il des sociétés sans pouvoir politique ? Certains anthropologues ont observé des sociétés sans État ou des sociétés à « gouvernement diffus ». Même les « gouvernements primitifs » sont une forme de pouvoir politique. La diversité des formes d’organisation du pouvoir politique correspond à la diversité des régimes politiques.

La distinction fondamentale sépare les gouvernements autocratiques et démocratiques. Les premiers imposent l’obéissance à leurs sujets. Les seconds sont issus des citoyens et contrôlés par eux. Dans une démocratie, les citoyens obéissent à une loi à l’élaboration de laquelle ils ont participé.

Si la distinction entre régimes autocratiques et démocratiques s’impose, il faut l’affiner. Comment isoler, au sein de chacune de ces deux grandes catégories, des ensembles homogènes, qui constituent un type de régime ? En recherchant leur ressort, leur « principe », selon Montesquieu, ce qui fait fonctionner les gouvernements.

Les fondements de la démocratie.

Les démocraties se caractérisent par la volonté des citoyens de contrôler et limiter le pouvoir politique. La diversité des démocraties tient à la diversité des moyens mis en œuvre pour limiter le pouvoir. Au xviiie siècle, les Constitutions eurent pour fin d’organiser à la fois la séparation fonctionnelle des pouvoirs, entre pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire, et la division territoriale du pouvoir. Le modèle en fut la Constitution américaine de 1787, qui crée des pouvoirs séparés et un système fédéral.

Au xxe siècle, ce partage se fait entre les partis politiques, dont le pluralisme est la marque de la démocratie. De ce point de vue, on peut distinguer plusieurs types de régimes. On parle de régime d’alternance quand des partis se succèdent au pouvoir de façon régulière. L’exemple type en est le Royaume-Uni, où parti conservateur (Tories) et parti travailliste (Labour Party) ont alterné au pouvoir après la Seconde Guerre mondiale.

Dans le régime de concordance, les différents partis sont au pouvoir en même temps. Cela a été le cas en Suisse à compter de 1959 : les sept sièges du Conseil fédéral, qui est le gouvernement, sont répartis entre les principaux partis selon la formule magique : deux sièges pour les démocrates-chrétiens, deux pour les radicaux démocrates, deux pour les socialistes, un pour les démocrates du centre.

On peut aussi voir un parti dominant : un seul parti monopolise le pouvoir durablement, sans être unique. La Guerre froide a eu cet effet en Italie et au Japon. En Italie, la Démocratie chrétienne a détenu la réalité du pouvoir pendant près de cinquante ans, de 1947 à 1994. Au Japon, le Parti libéral démocrate (PLD) a été au pouvoir à partir de 1955. Il n’en a été écarté, par une coalition de sept partis, qu’entre 1993 et 1994.

Un autre critère est le sort réservé à la minorité, puisque, comme l’écrit le juriste Hans Kelsen (1881-1973), « la démocratie n’est pas la dictature de la majorité, mais un compromis entre majorité et minorité, qui se réalise dans le cadre parlementaire ». Dans le parlementarisme britannique, l’opposition a un statut officiel. Au Danemark, depuis 1953, la minorité parlementaire peut demander un référendum abrogatif. L’usage de telles procédures de référendum introduit une distinction entre démocratie représentative et démocratie directe, ou semi-directe.

Le caractère des gouvernements autocratiques.

Les gouvernements autocratiques se maintiennent tant qu’ils parviennent à imposer l’obéissance à leurs sujets. Ils se distinguent par la nature des moyens qu’ils utilisent pour l’obtenir. Les régimes autocratiques anciens pouvaient avoir des titres divers de légitimité pour obtenir cette obéissance. Max Weber (1864-1920) a distingué des types de domination selon la nature de la légitimité invoquée : rationnelle, traditionnelle, charismatique.

Les régimes autocratiques modernes mettent en œuvre des procédés particulièrement énergiques, capables de museler les forces démocratiques nouvellement apparues. On peut ainsi les distinguer selon les moyens d’oppression qu’ils utilisent de façon privilégiée. Une force traditionnelle, l’armée, peut être associée à la police ou au parti unique, pour mater toute velléité démocratique. On peut citer, comme exemple, l’Amérique du Sud ou les États d’Afrique, après leurs indépendances.

Le parti unique, outil d’endoctrinement idéologique, est un nouvel instrument d’oppression. Il est assisté, dans ses basses œuvres, par une police politique structurée et diversifiée. Le régime soviétique, en URSS, comme le régime nazi, ont assis leur pouvoir grâce à de tels moyens. Certains auteurs ont considéré qu’ils constituaient un nouveau type de régime, le régime totalitaire.

Le terme de « totalitaire » est d’abord employé par Mussolini, qui, en 1925, exalte la « farouche volonté totalitaire » de son mouvement, l’opposant à la démocratie libérale, coupée de la société. L’« État total » est un État fort d’un type nouveau, qui est une réaction contre à la fois l’individualisme, le libéralisme et la démocratie. Le mouvement fasciste adopte la devise « Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État ».

L’analyse du totalitarisme, si elle est née dès 1929, s’est développée avec la Guerre froide. Elle réunit dans une même catégorie les régimes apparemment opposés que furent le nazisme et le stalinisme. En 1951, Hannah Arendt, dans Le Système totalitaire, expose les caractères communs du stalinisme et du nazisme. Il s’agit d’un « type de régime entièrement nouveau ».

On a pu poser la question de la portée explicative du concept. Les régimes qu’il réunit n’ont-ils pas une singularité qu’il ne permet pas de rendre ? Si les point communs existent, comme le fondement idéologique et la terreur organisée, les formes gouvernementales diffèrent. Le nazisme se caractérise par une absence de formes, par une « jungle organisationnelle », tandis que le parti communiste structure durablement la vie politique.

Une autre question se pose : ce concept permet-il de classer d’autres régimes que le nazisme et le stalinisme ? Le fascisme italien a été classé dans la catégorie des dictatures avec d’autres régimes de l’Europe méditerranéenne, comme le Portugal de Salazar (1932-1970), l’Espagne de Franco (1939-1975), la Grèce des colonels (1967-1974). Le concept survit-il à la Guerre froide ? Pour des régimes comme celui de la Révolution culturelle en Chine ou celui des Khmers rouges au Cambodge (1975-1979), on a pu forger le terme de « processus de radicalisation ».

La mondialisation économique modifie-t-elle la donne ? Dans les années 1970, les « développementalistes » ont vu un progrès linéaire de la démocratie, s’implantant dans les pays au fur et à mesure de leur développement économique. On a daubé sur leur américano-centrisme, prétendant imposer la forme politique américaine à l’ensemble de la planète, comme terme d’une évolution. Ils reprenaient le propos de Sieyès, pour qui, après la Révolution, il ne pouvait y avoir, « chez les hommes, qu’un gouvernement légitime ».

Pourtant, sans souscrire aux thèses sur la fin de l’histoire, il est difficile de discerner des raisons culturelles qui feraient que certains peuples seraient voués à une soumission sans fin. Les États qui entrent dans l’économie-monde doivent bien se plier à des règles de « gouvernance » qui sont, au fond, un minimum démocratique. Toutefois, les États constituent, entre eux, des unions régionales, comme l’Union européenne, qui ne sont pas régies par les règles de la démocratie représentative. De nouvelles formes politiques apparaissent, au-delà des États-nations.

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