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RAMUZ Charles Ferdinand

RAMUZ Charles Ferdinand 1878-1947
Quand bien même la plupart des œuvres de ce suisse d’expression française — il est né à Lausanne — portent le titre de romans, elles sont d’un poète. D’un poète qui puise dans la vie de la terre l’essentiel de sa substance poétique. Dans ses poèmes proprement dits, Le Petit Village (1903), Les Pénates d’Argile (1904), Chansons (1914), Chant de notre Rhône (1920), les phrases sacrifient à la beauté du mot et l’image, pour la joie qu’on en tire. D’où une poésie à la fois rustique et savante, teintée de baroque et de mysticisme, intime et lyrique.
RAMUZ Charles-Ferdinand. Écrivain suisse d’expression française. Né à Cully, près de Lausanne (canton de Vaud), le 24 septembre 1878, mort au même lieu le 23 mai 1947. Sorti d’une famille modeste, il prit sa licence ès lettres à l’Université de Lausanne et devint maître d’étude au Collège d’Aubonne. Peu fait pour ce métier, dès Page de vingt-quatre ans, il résolut de partir pour Paris sous prétexte d’y préparer son doctorat ès lettres. « J’y étais venu pour six mois et avec quelques absences j’y suis resté plus de douze ans », dit-il lui-même dans Paris (Notes d’un Vaudois). De sa thèse, dont le sujet était Maurice de Guérin, il n’écrivit jamais une ligne. Aux cours de la Sorbonne, il préférait toujours le spectacle que lui donnaient les divers quartiers de la capitale. Disposant de peu d’argent et enclin à la solitude, d’autant qu’il avait parfois le mal du pays, il noircit alors beaucoup de papier : Le Petit Village (1904), Aline (1905), La Grande Guerre de Sonderbond (1905), Les Circonstances de la vie (1907), Jean-Luc persécuté (1909), Aimé Pache, peintre vaudois (1910), Vie de Samuel Belet (1913), Adieu à beaucoup de personnages (1914). Il n’obtint avec ses romans qu’un maigre succès. Au début de 1914, sentant l’imminence de la guerre, il quitta Paris sans esprit de retour et vécut désormais dans le canton de Vaud. Il ne devait plus en bouger jusqu’à sa mort. Ayant compris que sa vocation était de chanter son terroir, Ramuz, dès lors, sera tout acquis à ce qu’il veut édifier : à l’œuvre, on connaît l’artisan. C’est dire que sa vie est pauvre en événements. En 1916, il fonde avec Edmond Gil-liard et Paul Budry les Cahiers Vaudois, revue où il donnera ses nouveaux romans : La Guérison des maladies (1917), Le Grand Printemps (1917), Les Signes parmi nous (1919), Salutation paysanne (1921), Terre du ciel (1921), paru en 1925 sous le titre Joie dans le ciel et La Séparation des races (1923). S’étant par là même acquis l’audience d’un nombre croissant de lettrés, Ramuz fit, dès 1924, la conquête du public français grâce à l’éditeur parisien Bernard Grasset. Du coup sa vie matérielle, jusque-là plutôt difficile, s’améliora sensiblement. Sitôt paru, chacun de ses livres est traduit en plusieurs langues. Il faut citer : Passage du Poète (1923), paru à Paris sous le titre La Fête des vignerons (1929), La Grande Peur dans la montagne (1926), La Beauté sur la terre (1927), Farinet ou la fausse monnaie (1932), Taille de l’homme (1933), Derborence (1934), Le Garçon savoyard (193o), Besoin de grandeur (1937), Si le soleil ne revenait pas (1937). Porté aux plus graves réflexions par la menace d’une nouvelle guerre, le romancier se mua parfois en moraliste : témoins Questions (1935) et Fragments de journal (1941). Rappelons qu’il fournit à Igor Stravinski le livret d’une de ses plus belles compositions : l’Histoire du soldat (1920). De parti pris naturel, Ramuz fut ce qu’on peut appeler un écrivain immobile. Incrusté dans le décor qui se trouve en porte à faux sur le haut Léman, il y a puisé sans relâche toute sa matière de romancier, comme sa matière de moraliste. Peignant des êtres poussés d’abord par leur instinct, Ramuz a mis la main sur mainte vérité qu’on doit bien tenir pour incontestable. Il s’est peint plus d’une fois lui-même dans ses héros. Témoin ce vigneron : « Il est grand, il est maigre... il se tient face à la bise qui vient d’en haut, levant la tête, les mains autour du manche du fossoir, sous le soleil, contre la terre; et il est lui-même la terre où seulement l’esprit vivrait... » Quoiqu’on ait souvent critiqué son style, on a dû admettre, en fin de compte, qu'il avait su plier la langue à l’objet même de son étude : paysages et créatures. Qu’on le veuille ou non, l’influence de l’auteur a été considérable sur tout le roman paysan, y compris l’œuvre de Giono. Tempérament exceptionnel, Ramuz est bien, comme on l’a dit, « l’écrivain le plus représentatif de la Suisse romande depuis Benjamin Constant ».


♦ « On rira bien dans quelque cinquante ans, en feuilletant les gazettes, de voir à combien de médiocres on fit des célébrités dans les années mêmes où un Ramuz publiait pour la joie d'un tout petit nombre Joie dans le ciel ou La Guérison des maladies. » Paul Claudel. ♦ « Parce qu 'il ignore les limites de notre art traditionnel, Ramuz va au-delà : il a la force et l'ingénuité du regard de certains primitifs, son secret ne procède d'aucune esthétique. » Daniel Halévy. ♦ « Je ne l'ai vu que secret, réservé, mais non pas froid ni distant. Sous l'apparence, il y avait toute cette ferveur, ce pouvoir de poésie, cet amour pour le créé qui sont la chair vive de son œuvre. Il y avait ce cœur fait pour aimer, pour désirer d'être aimé, et qui demeura inassouvi. Et cette grande tristesse d'une solitude qui ne peut être rompue jamais, sinon par l'acte même du romancier inventant ses personnages pour qu'autour de lui ils fussent présence et image de la communion des vivants et des morts. » Albert Béguin.