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Quatrième mur Querelle des Anciens et des Modernes Quiproquo

Quatrième mur. Terme forgé par Diderot pour distinguer le mur fictif qui est supposé fermer le cube de la scène dans le dispositif «à l’italienne». Infranchissable, le quatrième mur sépare le monde des acteurs et celui des spectateurs, rendant l’illusion maximale. «Soit que vous composiez, soit que vous jouiez, ne pensez pas plus au spectateur que s’il n’existait pas. Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre. Jouez comme si la toile ne se levait pas. » (Diderot, De la poésie dramatique, 1758.)


Querelle des Anciens et des Modernes. Conflit littéraire qui oppose, de 1650 environ à 1715, deux groupes d’écrivains et qui se fait l’écho de la «crise de la conscience européenne» que décrit Paul Hazard. Les Modernes, parmi lesquels se rangent Corneille et son neveu Fontenelle, Donneau de Visé, Perrault, Bayle, Houdart de la Motte, etc., sont désireux de s’affranchir de l’esthétique classique de l’imitation. Ces esprits, pétris de cartésianisme, luttent pour que triomphe la raison et que se développe l’esprit de libre examen. Passionnés par les progrès scientifiques, ils ouvrent la voie des Lumières. Les Anciens, chez qui on trouve, parmi les plus célèbres, Boileau, Racine, La Fontaine, Bossuet, La Bruyère, Fénelon, ont le sentiment qu’ils doivent beaucoup aux écrivains grecs et latins dont ils sont nourris. Ils louent la simplicité avec laquelle ces derniers ont imité la nature. Ce goût du «naturel» est exacerbé chez eux par la répugnance qu’ils éprouvent devant les boursouflures de style qui foisonnent dans la littérature de l’époque, tant chez les précieux que chez les burlesques. La querelle se déroule en quatre phases. L’épopée de Desmarets, Clovis (1657), est l’un des premiers textes à illustrer les thèses des Modernes. Il contient un éloge des auteurs contemporains, tout comme le refus des modèles anciens. Survient ensuite un grand débat sur le choix du français ou du latin, déclenché par l’érection d’un monument en l’honneur de Louis XIV. Quelle langue fallait-il choisir pour l’inscription qu’il devait comporter? On renonça finalement à toute inscription, mais l’affaire marqua le triomphe du français, grâce aux Modernes, ardents défenseurs du français comme l’étaient les hommes de la Renaissance et tout particulièrement les poètes de la Pléiade. Plus tard, Charpentier écrira, en 1683, L’Excellence de la langue française. La troisième joute, qui se déroule dans la dernière décennie du siècle, oppose les Académiciens entre eux. Perrault, dans Le Siècle de Louis le Grand (1687), affirme la supériorité du siècle de Louis XIV sur celui d’Auguste, Fontenelle, dans sa Digression sur les Anciens et les Modernes (1688), défend le cartésianisme contre les superstitions des Anciens. A ces critiques, La Fontaine riposte par son Epître à Huet (1687), Boileau par ses Réflexions sur Longin (1694).
Après un long apaisement, la querelle renaît, dans un dernier sursaut, lors de la parution en 1711 de la traduction de l'Iliade par Mme Dacier, helléniste célèbre qui voue à Homère un véritable culte. Houdart de la Motte, pillant sa traduction, écrit, à l’indignation des Anciens, une Iliade abrégée, en vers français. Les passions s’apaisent avec la mort des principaux protagonistes. La querelle s’essouffle et se termine peu à peu par le triomphe des Modernes, qui lèguent au xviiie siècle le culte de la raison.


Quiproquo. Erreur qui, sur scène comme dans la vie, consiste à prendre une personne ou une chose pour une autre. Il peut engendrer le comique comme le pathétique. Il est un des ressorts verbaux de la comédie les plus exploités. Dans L’Avare, à Maître Jacques qui lui parle d’un cochon de lait, Harpagon, qui suit son idée, répond en pensant au voleur de sa cassette :
maître JACQUES ... Qu’on me l’égorge tout à l’heure (aussitôt) ; qu’on me lui fasse griller les pieds, qu’on me le mette dans l’eau bouillante, et qu’on me le pende au plancher. harpagon Qui ? Celui qui m’a dérobé? maître JACQUES Je parle d’un cochon de lait que votre intendant me vient d’envoyer. (V,2) Si le quiproquo est moins fréquent dans la tragédie, il y joue toutefois un rôle important. Ex. : Pauline éclate en sanglots lorsqu’elle se méprend sur les propos de sa confidente venue lui raconter l’acte iconoclaste qu’a commis Polyeucte au temple : STRATONICE Tout votre songe est vrai, Polyeucte n’est plus... PAULINE II est mort ! STRATONICE Non, il vit; mais ô pleurs superflus ! Polyeucte, III, 2. L’une des fonctions majeures du quiproquo est de faire connaître les sentiments que les personnages auraient peut-être gardés secrets. Ex. : Chimène, lorsqu’elle voit Don Sanche apporter son épée au roi, commet une méprise. Elle pense, à tort, que Rodrigue a trouvé la mort dans le duel et laisse éclater son amour. DON SANCHE Obligé d’apporter à vos pieds cette épée CHIMÈNE Quoi ! Du sang de Rodrigue encore toute trempée?
Perfide, oses-tu bien te montrer à mes yeux,
Après m’avoir ôté ce que j’aimais le mieux?
Eclate mon amour, tu n’as plus rien à craindre. (Le Cid, V, 5)


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