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PROTESTANTISME

Au sens religieux, le mot protestant fit son apparition à l'issue de la seconde diète de Spire (1529) ; les princes luthériens du Saint Empire y avaient « protesté », au sens ancien du terme, c'est-à-dire « promis solennellement » d'appeler à un concile général du décret de l'empereur après les décisions de la majorité catholique qui abrogeaient les libertés obtenues par les réformés à la première diète de Spire (1526). • La naissance du mouvement luthérien • La Réforme en Allemagne et dans l'Europe du Nord • Évolution spirituelle du luthéranisme depuis le XVIIe s. • La Réforme en Suisse au XVIe s. Calvin à Genève • Diffusion et évolution du calvinisme depuis le XVIe s. • En France au XVIe s. • En France, du XVIIe s. à nos jours • L'Église d'Angleterre et les « dissidents » anglo-saxons La naissance du mouvement luthérien Préparée par une douloureuse crise de conscience, la révolte du moine augustin Martin Luther (v.) éclata à l'occasion de l'affaire des Indulgences (v.). La veille de la Toussaint 1517, Luther afficha ses 95 thèses contre les indulgences à la porte de l'église du château de Wittenberg. Cette protestation eut un grand retentissement en Allemagne et valut à son auteur la sympathie des humanistes (Reuchlin, Ulrich von Hutten). Au cours des discussions, colloques et controverses qui se succédèrent, Luther eut affaire à des théologiens thomistes qui se montrèrent réfractaires à ces thèses. Ainsi, bien que les idées qu'il avait exprimées dans ses 95 thèses ne fussent nullement irréconciliables avec la doctrine de l'Église, Luther fut amené à rejeter toute autorité ecclésiastique pour ne plus s'en remettre qu'à la Bible (dispute de Leipzig avec le dominicain Johann Eck, juin/juill. 1519). Tandis que Rome le condamnait par la bulle Exsurge Domine (15 juin 1520), Luther développa sa doctrine dans ses trois ouvrages fondamentaux, les « grands écrits réformateurs ». Mis au ban de l'Empire (diète de Worms, avr. 1521), Luther trouva refuge à la Wartburg, sous la protection de l'Électeur Frédéric de Saxe ; c'est alors qu'il entreprit sa traduction allemande de la Bible, qui devait lier pour toujours la Réforme à la culture germanique. Pendant le séjour de Luther à la Wartburg (avr. 1521/mars 1522), un de ses disciples les plus radicaux, Karlstadt, imposa à Wittenberg la suppression du célibat ecclésiastique, la sécularisation des biens religieux, l'abolition des images de saints et le remplacement de la liturgie catholique par une « messe évangélique » réduite à un sermon et à la communion sous les deux espèces. Luther jugea ces mesures excessives, mais, à sa sortie de la Wartburg, il se trouva aux prises avec des problèmes plus brûlants. Les « pauvres chevaliers » de l'Allemagne du Sud (Franz von Sickingen, Ulrich von Hutten), qui avaient été parmi ses premiers partisans, profitèrent de la Réforme pour se jeter sur les possessions de l'archevêque de Trèves, mais ils furent écrasés par la haute noblesse (1523). Luther se détourna d'eux, de même qu'il condamna, en 1524/25, la guerre des Paysans (v.) inspirée par les doctrines communistes des anabaptistes (v.). Dans ces deux circonstances, Luther prit le parti des grands seigneurs allemands, ce qui eut des conséquences capitales pour l'avenir de la Réforme en Allemagne. Beaucoup de princes de l'Allemagne du Nord et du Centre se rallièrent au réformateur pour s'emparer des biens ecclésiastiques ; la plus importante de ces sécularisations fut opérée en 1525 par Albert de Brandebourg, dernier grand maître de l'ordre Teutonique (v.), qui s'assura la possession des immenses domaines de l'ordre et les transforma en duché héréditaire, le duché de Prusse. Dans les villes, souvent en lutte avec leurs évêques, Luther trouva aussi de fermes appuis : à Breslau, Erfurt, Magdebourg, Brême, Hambourg, mais également en Allemagne du Sud, à Nuremberg, à Constance... Les princes devaient jouer un rôle très important dans l'organisation de l'Église luthérienne. La première Église d'État fut mise sur pied en Saxe, en 1525, et l'exemple fut suivi par le landgrave de Hesse et par les autres princes. Brouillé avec les humanistes, qui ne voulaient pas rompre avec l'Église catholique et défendaient la liberté humaine (querelle avec Érasme 1524/25), Luther donna à son Église une nouvelle réglementation liturgique (1526). La doctrine luthérienne trouva son expression systématique dans divers formulaires importants : d'abord les deux Catéchismes de Luther lui-même (1529) ; puis la Confession d'Augsbourg, rédigée et lue par Melanchthon (v.) devant la diète d'Augsbourg (1530) ; les Articles de Smalkalde (1537) ; le Livre de la concorde (1580). 000200000CD80000122C CD2,La Réforme en Allemagne et dans l'Europe du Nord Du vivant même de Luther, des tendances doctrinales divergentes se firent jour : sur le problème moral, les radicaux, comme Agricola, s'opposèrent aux conciliateurs, restés plus proches de la tradition catholique, comme Melanchthon et Osiander ; le problème sacramentaire, d'autre part, opposa Luther au réformateur suisse Zwingli (v.) et à Bucer. Le luthéranisme ayant, dès 1525, noué des liens étroits avec les princes allemands, l'histoire de son développement au XVIe s. se confond en partie avec l'histoire politique de l'Allemagne. À la première diète de Spire (juin 1526), Ferdinand de Habsbourg, vicaire impérial pour Charles Quint, dut accorder aux protestants la liberté, pour chaque dynaste ou pour chaque ville, d'adopter la Réforme. Celle-ci fit de rapides progrès, et, quand la seconde diète de Spire (juin 1529) voulut supprimer les concessions accordées par la première, les villes et les princes luthériens émirent une « protestation » solennelle. Luther essaya cependant d'éviter la rupture complète avec l'empereur. C'est dans un esprit de conciliation que Melanchthon rédigea la Confession d'Augsbourg, lue devant la diète le 25 juin 1530 ; mais les théologiens catholiques refusèrent de l'accepter. Voyant Charles Quint décidé à des mesures de rigueur, les protestants formèrent la ligue de Smalkalde (v.) (1530), et l'empereur, absorbé par sa lutte contre François Ier, dut renoncer pour le moment à combattre le protestantisme (paix de Nuremberg, 1532). Vers 1540, les luthériens prédominaient dans la plus grande partie de l'Allemagne, où seules la Bavière et quelques principautés ecclésiastiques constituaient encore de solides bastions catholiques. Ayant fait la paix avec François Ier (1544), Charles Quint put se retourner vers l'Allemagne, bien décidé à y rétablir le catholicisme : mais, dans la guerre de la ligue de Smalkalde (1546/55), les princes protestants, vaincus à Mühlberg (1547), purent cependant, avec l'aide de la France, tenir l'empereur en respect. La lutte se termina en 1555, par la paix d'Augsbourg, qui consommait la division religieuse de l'Allemagne et laissait à chaque prince le droit de choisir entre le catholicisme et le luthéranisme, et d'imposer dans ses États la religion de son choix (cujus regio, ejus religio). D'Allemagne, le luthéranisme gagna l'Europe du Nord, du vivant même du réformateur. Au Danemark, il se répandit entre 1520 et 1540, grâce aux efforts de l'ancien moine Hans Tausen, qui avait été étudiant à Wittenberg. Il rencontra les sympathies d'un haut clergé depuis longtemps politisé ; un symbole luthérien, la Confessio Hafnica, fut adopté en 1530. À la diète de Copenhague (1536), le roi Christian III introduisit officiellement la Réforme ; les biens des églises et des monastères furent confisqués ; un disciple de Luther, Bugenhagen, prépara la constitution et la liturgie de la nouvelle Église. Comme la Norvège se trouvait alors sous la domination danoise, elle passa également au luthéranisme en 1537. Les activités catholiques furent progressivement interdites dans les deux pays : en 1624, la peine de mort fut édictée contre les prêtres catholiques, et, en 1683, on décida la confiscation des biens des Danois convertis à la religion romaine. 000200000D9B00001EFE D95,En Suède, la Réforme fut introduite par les frères Olaus et Laurentius Petri. Le nouveau roi, Gustave Vasa, rompit avec Rome à la diète de Västeras (1527), surtout pour briser l'influence et la puissance économique du clergé. Le luthéranisme ne pénétra que lentement en Suède, où l'Église réformée conserva l'épiscopat, le sacerdoce et la plupart des cérémonies liturgiques de la religion traditionnelle. Le passage à la Réforme fut ainsi progressif, et l'Église de Suède n'a jamais adopté officiellement l'épithète de « luthérienne ». Évolution spirituelle du luthéranisme depuis le XVIIe s. Le piétisme se développa en Allemagne dès la fin du XVIIe s. ; il mettait l'accent sur le sentiment religieux, la nécessité de la prière et la sanctification personnelle. Ses principaux représentants furent P.J. Spener, H. Francke et la communauté des frères moraves (v.) de Zinzendorf. Le piétisme joua en Allemagne un rôle analogue à celui du méthodisme (v.) dans les pays anglo-saxons. La diffusion du calvinisme, dans la seconde moitié du XVIe s., accentua encore l'émiettement religieux. Au XVIIe s., plusieurs conférences furent organisées pour rapprocher les deux confessions, mais sans succès. Conformément à l'organisation ecclésiastique fixée par Luther, ce furent les chefs d'État, détenteurs de l'autorité suprême dans les Églises, qui prirent l'initiative de réunir tous les protestants des diverses dénominations, au besoin par la force de la loi. Ces réunions eurent lieu en Prusse en 1817, dans le Nassau (1817), en Hesse (1823), en Anhalt (1827)... Elles se heurtèrent souvent à de vives résistances (vieux-luthériens). Après 1918, le régime de Weimar essaya de relâcher les liens. Le IIIe Reich soutint au contraire le mouvement des Chrétiens allemands, qui tenta d'infléchir la doctrine chrétienne dans le sens du racisme hitlérien. Mais les meilleures autorités spirituelles du luthéranisme animèrent la résistance dans le mouvement de l'Église confessante (Bekennende Kirche), fondé au synode de Barmen (mai 1934). Depuis 1945, un grand nombre de luthériens allemands se sont regroupés dans l'Église unie évangélique luthérienne d'Allemagne (Vereinigte Evangelische Lutherische Kirche Deutschlands, VELKD), tandis que l'Église évangélique d'Allemagne (Evangelische Kirche Deutschlands, EKD), constituée en 1948, rassemblait, mais en moins grand nombre, luthériens et autres réformés. Au Danemark, après le déclin rationaliste du XVIIIe s., la renaissance luthérienne du siècle dernier fut l'œuvre de Grundtvig. Malgré les brimades de l'orthodoxie, il remit en valeur le sacramentalisme et donna un vif essor à l'enseignement populaire. L'influence de Kierkegaard et de Barth s'est accentuée à l'époque contemporaine. Bien que la Constitution de 1849 ait assuré la liberté religieuse, les catholiques restent, au Danemark, une infime minorité, et l'Église luthérienne est étroitement liée à l'État. En Norvège, l'Église luthérienne, seule autorisée jusqu'en 1845, rassemble encore la quasi-totalité de la population. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, elle fut étroitement soumise à l'État, mais les conditions créées par l'occupation allemande (au cours de laquelle l'Église, et en particulier l'évêque d'Oslo, Eivind Berggrav, joua un rôle important dans la Résistance) lui permirent de prendre plus d'indépendance. Les luthériens norvégiens ont mené depuis le XIXe s. un grand effort missionnaire, notamment en Afrique du Sud, à Madagascar, en Chine, en Inde. 000200000CDB00002C93 CD5,En Suède, où une tentative de réunion avec Rome avait eu lieu sous le règne de Jean III (1569/92), l'Église adopta officiellement la Confession d'Augsbourg en 1593, mais elle a gardé jusqu'à nos jours, dans son organisation et sa liturgie, de fortes survivances catholiques. Le renouveau du XXe s. est représenté avant tout par les évêques N. Söderblom (qui a joué un grand rôle dans le mouvement œcuménique) et G. Aulen. L'Église de Suède rassemble nominalement 95 % de la population, mais la déchristianisation est, en fait, très étendue. D'après la Constitution de 1809, le roi et les membres du gouvernement doivent obligatoirement appartenir à l'Église de Suède. En Finlande également, la quasi-totalité de la population appartient à l'Église luthérienne ; la succession apostolique, interrompue en 1884, a été rétablie par des évêques suédois et, en 1934, une intercommunion établie avec l'Église anglicane. En dehors de ces pays, on trouve d'importantes communautés luthériennes aux États-Unis, en France, en Suisse et en Hongrie. La Réforme en Suisse au XVIe s. Calvin à Genève En 1519 la Réforme fut introduite en Suisse par Zwingli, prédicateur à Zurich. Zwingli se situait beaucoup plus près de l'humanisme que Luther, ce qui l'amena à être beaucoup plus radical dans les manifestations extérieures de sa réforme. La Réforme commençait à pénétrer dans le pays romand, qui ne faisait pas encore partie de la Confédération. Son premier propagateur dans cette région fut le Dauphinois Guillaume Farel, établi à Aigle à partir de 1526. Soutenu par les Bernois, il se livra à une prédication inlassable. Dès 1530, il rallia Neuchâtel à la Réforme, puis, avec Pierre Viret, il entreprit la conquête spirituelle de Genève (1532/33) : après la fuite de l'évêque, la ville devint une république, et le conseil des bourgeois genevois adopta solennellement la Réforme (21 mai 1536). Quand le duc de Savoie vint bloquer Genève, les Bernois se portèrent aussitôt au secours de leurs frères protestants ; ils conquirent Lausanne et tout le pays de Vaud, d'où le catholicisme fut éliminé (1536). Appelé par Guillaume Farel, Calvin vint s'établir à Genève en 1536 (v. SUISSE. La Réforme en Suisse. GENÈVE. L'adoption de la Réforme). Diffusion et évolution du calvinisme depuis le XVIe s. Le calvinisme, qui avait trouvé sa plus complète expression dogmatique dans la Seconde Confession helvétique (1566), allait surtout se distinguer par sa vitalité dans le domaine des œuvres (plus importantes que dans le luthéranisme, non à cause de leur valeur méritoire, mais comme manifestation de la prédestination) et par son organisation à la fois démocratique et aristocratique (gouvernement par les « anciens »), qui a pris dans les pays anglo-saxons le nom de presbytérianisme (v.). De Genève, le calvinisme rayonna largement sur la France. En Allemagne, il a fait des progrès, notamment au Palatinat, dans le Nassau, mais a perdu du terrain devant le luthéranisme dès la fin du XVIe s. L'Électeur de Brandebourg, Jean Sigismond, adhéra au calvinisme (1613), mais il ne fit pas jouer dans ses États le principe cujus regio, ejus religio, et ses sujets restèrent luthériens. En Anhalt, en Hesse-Kassel, le souverain devint également calviniste, mais le luthéranisme conserva de fortes positions. 00020000108100003968 107A,La Bohême, qui avait d'abord subi les influences germaniques luthériennes, fut pénétrée par les doctrines de Calvin au début du XVIIe s. et, lors de la révolte protestante contre l'empereur, c'est un calviniste, l'Électeur palatin Frédéric V, que les luthériens eux-mêmes placèrent à leur tête (1619). En Hongrie, le calvinisme trouva son centre à Debrecen et son principal propagateur fut le pasteur Juhasz, surnommé Melius ; peu après 1550, il établit un système presbytérien synodal qui dure encore aujourd'hui ; le calvinisme, dont les principes avaient été proclamés dans la Confessio hungarica de 1557, submergea presque complètement le luthéranisme. Dans les Pays-Bas, encore soumis, au XVIe s., à la domination espagnole, le luthéranisme n'eut jamais une grande influence, mais le calvinisme fit beaucoup d'adeptes dans les milieux populaires. Le pasteur wallon Guy de Bray formula la Confessio belgica (1561), qui fut confirmée par le premier synode national de Dordrecht (1578). Dans les provinces septentrionales qui ont formé les Pays-Bas actuels, la lutte pour la liberté religieuse s'est confondu avec la lutte nationale contre les Espagnols. Après la proclamation de l'Union d'Utrecht (1579), l'exercice du culte catholique fut interdit dans les nouvelles Provinces-Unies. Mais les théologiens calvinistes, dans les premières années du XVIIe s., furent profondément divisés par les discussions sur la prédestination, que les partisans d'Arminius atténuaient à l'extrême, alors que ceux de Gomarus la défendaient dans toute sa rigueur. Les « arminiens » ou « remontrants » furent en fin de compte condamnés par le synode de Dordrecht (1618/19) et leurs chefs furent exécutés ou durent s'exiler (Oldenbarnevelt). Le calvinisme le plus strict devint la religion nationale des Pays-Bas. L'Église et l'État ne furent séparés qu'en 1848. En Écosse, où l'Église catholique souffrait, au XVIe s., d'abus particulièrement graves, le calvinisme fut introduit en 1560 par John Knox (v.). En Angleterre, les doctrines de Calvin furent répandues sous le règne d'Élisabeth Ire par des ministres qui avaient dû s'exiler sur le continent durant la réaction catholique de Marie Tudor. On peut trouver l'influence de ces doctrines dans les Trente-Neuf Articles de 1563, mais les tendances antiépiscopales des calvinistes furent énergiquement combattues par le pouvoir royal. La persistance de l'influence calviniste se manifesta dans le presbytérianisme, chez les puritains (v.) et chez les autres non-conformistes (v.) ou « dissidents » anglo-saxons du XVIIIe s. Aujourd'hui, les calvinistes prédominent toujours en Suisse, en Écosse, aux Pays-Bas ; ils forment le groupe le plus important des protestants français. En France au XVIe s. Les doctrines réformatrices, qui avaient pénétré en France dès les années 1520, bénéficièrent de la bienveillance active de la sœur du roi, Marguerite de Navarre. Dans le climat de désarroi qui suivit le désastre de Pavie (1525) et la captivité du roi en Espagne, la régente Louise de Savoie, sous la pression du parlement, prit les premières mesures répressives. Le cénacle de Meaux fut dispersé, Lefèvre d'Étaples dut s'enfuir. Le prêtre Jacques Pauvent (1526) et l'humaniste Berquin (1526) périrent sur le bûcher. Les novateurs trouvèrent asile auprès de Marguerite, à la petite cour navarraise de Nérac (v.). L'affaire des Placards (v.), en 1534, décida François Ier à sévir : une vingtaine d'hérétiques furent exécutés à Paris avec des raffinements de cruauté. Le roi parut ensuite vouloir revenir à la conciliation (édit de Coucy, 1535 ; édit de Lyon, 1536), mais l'édit de Fontainebleau (1er juin 1540) instaura une législation régulière pour réprimer l'hérésie. François Ier choisissait finalement le parti de la sévérité pour se faire pardonner les aspects insupportables aux catholiques de sa politique étrangère (alliance avec les protestants allemands et avec les Turcs). Les vaudois (v.) de la vallée de la Durance furent les victimes d'une véritable guerre d'extermination, et des bûchers s'élevèrent dans les divers points du royaume pour les protestants : on devait compter soixante-six exécutions de protestants sous François Ier et quatre-vingt-huit sous Henri II. 000200000ED1000049E2 ECB,Malgré la persécution, la Réforme faisait des progrès : l'influence luthérienne resta très limitée en France, mais le calvinisme, à partir de 1540, se répandit dans toutes les couches de la société. On estime que, vers 1569, le calvinisme comptait dans ses rangs environ un tiers de la noblesse française. En 1563, huit évêques français avaient été invités à se rendre à Rome pour se justifier du soupçon d'hérésie. Sous François II, les protestants formèrent la conspiration d'Amboise (1560), qui échoua. Le colloque de Poissy (v.) (1561) leur laissa espérer la tolérance, que Catherine de Médicis leur accorda en effet par l'édit de Saint-Germain (17 janv. 1562). Mais le massacre de Wassy (1er mars 1562) déclencha les longues guerres de Religion (huit au total) qui, pendant plus de trente ans, opposèrent huguenots et catholiques, en jetant la France dans une terrible anarchie et en l'exposant à l'intervention des puissances étrangères. Au cours de ces luttes entrecoupées de trèves, les calvinistes organisèrent leurs Églises dans le cadre d'un véritable État protestant dont l'extension géographique était extrêmement mouvante, mais qui possédait ses armées, son administration, ses assemblées générales et provinciales. Une série d'édits de pacification et de trêves (édits ou traités d'Amboise, 1563 ; de Longjumeau, 1568 ; de Saint-Germain, 1570) précédèrent l'édit de Nantes (v.) (1598), que le roi Henri IV, protestant converti, dut imposer, non sans difficulté, aux catholiques et aux protestants. Au principe allemand cujus regio, ejus religio, la France, en maintenant son unité politique, substituait une idée vraiment neuve en Europe, celle d'une certaine tolérance religieuse. Le catholicisme restait religion d'État, mais Henri IV reconnaissait, dans ses éléments essentiels, l'État protestant qui s'était constitué peu à peu au cours des guerres de Religion. Les calvinistes obtinrent des garanties territoriales (plus de cent places de sûreté, parmi lesquelles La Rochelle, Saumur, Montauban, Montpellier) ; ils gardèrent le droit de tenir leurs assemblées politiques, qui déléguaient de véritables ambassadeurs auprès du roi ; ils eurent même leurs tribunaux particuliers. En France, du XVIIe s. à nos jours Pour des raisons moins religieuses que politiques, Louis XIII et Louis XIV, soutenus jusque dans leurs erreurs par l'immense majorité de l'opinion publique, allaient s'efforcer de réduire à l'extrême la tolérance accordée par Henri IV. La résistance protestante, acharnée, soutenue d'ailleurs par l'Angleterre, fut finalement brisée par la prise de La Rochelle (1628). L'édit d'Alès ruina l'organisation politique protestante et la puissance militaire calviniste, mais confirma le régime de la tolérance religieuse (1629). Cependant, les catholiques ne voyaient là qu'un compromis provisoire, et Louis XIV crut pouvoir rétablir par la force l'unité de foi. Dès 1665, le roi prit l'offensive contre « la religion prétendue réformée » en utilisant à la fois les moyens de séduction les plus grossiers (la « Caisse des conversions » de Pellisson) et les persécutions (v. DRAGONNADES). La révocation de l'édit de Nantes (1685) valut à Louis XIV un concert de louanges à peu près unanimes, mais le calvinisme résista héroïquement à la destruction de ses cadres ecclésiastiques. Tandis que de nombreux protestants choisissaient l'émigration (surtout en Prusse et en Hollande), ceux qui restèrent trouvèrent dans la persécution une ardeur nouvelle qui fit ses preuves dans la guerre des Cévennes et la révolte des camisards (v.). Sous l'impulsion d'Antoine Court, le protestantisme se réorganisa, dès les premières années du XVIIIe s., dans le midi de la France (« assemblées du Désert »). Une persécution sporadique devait pourtant continuer longtemps encore. 000200000CA0000058AD C9A,Après 1750, sous l'influence des idées nouvelles répandues par les philosophes (intervention de Voltaire dans l'affaire Calas) (v.), les textes répressifs furent peu à peu délaissés ; mais comme l'état civil appartenait alors à l'Église, les familles protestantes ne pouvaient faire légitimer leur mariage, leurs enfants ou leurs testaments. L'édit de tolérance de Louis XVI (29 nov. 1787) rendit l'état civil aux protestants, auxquels la Révolution apporta bientôt une liberté complète. Napoléon Ier, dans un esprit analogue à celui du concordat catholique de 1801, régla les rapports de l'État avec les protestants ; les ministres furent astreints au serment, aux prières publiques, mais reçurent un traitement de fonctionnaires. Bien que ne constituant en France qu'une minorité établie surtout à l'Est (Alsace et Lorraine), dans le Midi (Nîmes, Montpellier, région des Cévennes) et dans le Sud-Ouest (Bordeaux, La Rochelle), les protestants devaient jouer un rôle de plus en plus important au cours du XIXe s. Alors que beaucoup de catholiques, tout au long du XIXe s. et au début du XXe s., manifestaient leur hostilité à la démocratie et aux institutions républicaines, la plupart des protestants accueillaient avec sympathie les transformations politiques de la France ; certains d'entre eux (les Monod, Pressensé) furent parmi les plus ardents défenseurs de Dreyfus. Dès le milieu du XIXe s., de fortes tendances se manifestèrent en faveur d'un rassemblement des Églises protestantes de France. Ce mouvement eut pour premiers animateurs Tommy Fallot, Vinet, Brant, Wilfrid Monod. En 1907, la Fédération protestante de France tint ses premières assises (le pasteur Bœgner devait en être le président de 1929 à 1961). Une union plus étroite fut réalisée à l'assemblée de Lyon (mai 1938), qui vit naître l'Église réformée de France (v. ŒCUMÉNISME). L'Église d'Angleterre et les « dissidents » anglo-saxons Préparée par plusieurs siècles de difficultés avec Rome, la Réforme ne fut d'abord, en Angleterre, qu'un schisme dont l'occasion fut le divorce d'Henri VIII, en 1533 (v. ANGLICANISME). Contre l'épiscopalisme se dressa alors l'opposition des presbytériens, des puritains et du congrégationalisme - ces trois tendances se recouvrant en partie les unes les autres. Persécutés par les premiers Stuarts, les « dissidents » (c'est-à-dire tous les chrétiens, catholiques exclus, qui n'appartenaient pas à l'Église anglicane) l'emportèrent lors de la révolution d'Angleterre, et l'Église anglicane fut abolie en 1643. Restauré en 1660, Charles II essaya d'abord d'amener les « dissidents » et l'épiscopat à une entente (conférence du Savoy, 1661), puis, cette tentative ayant échoué, il rétablit officiellement l'Église anglicane par l'Acte d'uniformité (1662). Après la révolution de 1688, le nouveau roi, Guillaume III, ramena enfin la paix entre anglicans et puritains par l'Acte de tolérance de 1689. Pendant le XVIIIe s., cet antagonisme parut s'effacer, car le courant alors dominant était celui du latitudinarisme, qui, dans son indifférence aux dogmes, acheminait les esprits vers le déisme rationaliste. En réaction, se développèrent des mouvements piétistes comme le méthodisme et le mouvement des quakers (v.). 00020000022A00006547 224,Au cours des XVIIe/XVIIIe s., les « dissidents » acquirent des positions très fortes dans les colonies anglaises d'Amérique (v. PURITAINS). Héritiers des anabaptistes (v.) allemands et hollandais, les baptistes, qui firent leur apparition en Angleterre vers 1612, connurent, à la fin du XVIIIe s., un puissant renouveau missionnaire sous la direction de William Carey. Les progrès de ce mouvement furent particulièrement spectaculaires aux États-Unis. Les mennonites, qui pratiquent l'objection de conscience, sont également issus de l'anabaptisme.



PROTESTANT. Le mot vient de la protestation de certains États du Saint Empire à la diète de Spire (1529) où les princes luthériens s'étaient rebellés, non en faveur de la liberté de conscience, mais contre le fait que les questions religieuses y aient été décidées à la majorité des voix (catholiques). Il désigne aujourd'hui celui qui adhère à l'une des confessions chrétiennes qui se rattache à la Réforme du XVIe siècle. L'ensemble des protestants, y compris les anglicans, représente de nos jours environ 28 % des chrétiens (au total environ 200 millions de personnes). Voir Anglicanisme, Protestantisme.


PROTESTANTISME. Nom donné aux doctrines et aux communautés chrétiennes issues directement ou non de la Réforme (anabaptistes, anglicans, luthériens, méthodistes, presbytériens, puritains, quakers, et réformés). Voir Anglicanisme, Luthéranisme, Presbytérianisme, Religion (Guerres de).

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