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propriété

La propriété est globalement une qualité du style ; elle relève donc de l’élocution. Mais, pratiquement, sa mesure se réduit au lexique : on la mettra en rapport, pour la sélection des mots, avec les exigences de pureté et de clarté. Se pose alors le problème des relations possibles avec les ornements qui, en ce qui concerne précisément le lexique, ont toutes chances de ne pouvoir se déployer que dans un minimum, ou un maximum de distance vis-à-vis de la propriété ; c’est tout le problème des termes recherchés et du style élevé, notamment pour l’emploi des figures. On notera qu’il existe une tendance assez rémanente, dans la culture rhétorique, dont l’apogée se situe pour nous du xvie au xviiie siècle (du moins pour certains théoriciens ou praticiens), à préférer la propriété à l’ornement; cette tendance est aussi profondément rhétorique. Néanmoins, il faut être prudent pour en bien apprécier la portée. Traquer le mot propre, c’est traquer le mot juste. Cette justesse implique une conception du langage selon laquelle il existe à la fois une différence entre le langage et le monde et une correspondance symbolique à trouver exactement entre l’univers mondain et les signes verbaux ; et cette idée de justesse implique aussi (et ce n’est pas la même chose) que les expressions se déploient d’une manière plus ou moins naturelles en harmonie et en conformité avec le génie de chaque langue. Le goût de la propriété joue en effet sur deux registres, parfois confondus par les rhétoriciens eux-mêmes : le refus de l’ornement, la recherche du naturel et de l’authentique (du naïf). C’est ce second aspect qui est le plus problématique ; il est lié, pour nous modernes, au développement d’une écriture plus fondamentalement française que latine, donc à l’idée d’un génie de la langue actuelle de chaque écrivain, voire à une relative propension à la singularité individuelle, libérée à l’égard des codes anciens. En ce sens, la propriété peut s’assortir de l’originalité, et elle implique une conception assez progressiste et fort élaborée de l’élégance, aussi opposée à l’esthétique du grand style qu’à celle de la simplicité. La philosophie verbale de la propriété est donc grosse d’autant d’artifices et d’académismes que chacun des autres radicalismes rhétoriques. => Style, élocution; qualité, clarté, pureté, naturel, élégance, simple; ornements, figure, grand style, recherché, élevé.

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