pronomination
La pronomination est une figure microstructurale. Elle consiste en ce que, dans un segment de discours, un objet quelconque est désigné non par le mot habituel, mais par un autre qui correspond à la présentation d’un attribut seulement, d’une qualité particulière, intrinsèques à la dénomination commune de l’objet, et sur quoi le locuteur veut précisément attirer l’attention dans la situation occurrente. Malgré toute la tradition, qui voit dans la pronomination une figure d’élocution, on a toutes les raisons techniques d’y voir un trope, et plus exactement même une métonymie. Une forme embryonnaire de pronomination peut être illustrée dans les fameuses paroles de Phèdre à Oenone :
J’aime... Oenone Qui? Phèdre Tu connais ce fils de l’Amazone, Ce prince si longtemps par moi-même opprimé? Œnone Hippolyte? Grands Dieux! Phèdre C’est toi qui l’as nommé.
Phèdre ne veut pas nommer Hippolyte, comme il apparaît dans sa réplique-commentaire à l’exclamation d’Oenone. Elle utilise donc des indications qui désignent des attributs de la personne Hippolyte, attributs non quelconques, mais spécialement sélectionnés pour leur valeur significative dans les relations familiales et sentimentales autour de Phèdre. On note qu’il s’agit de la désignation d’une personne, et d’un contexte général de refus vis-à-vis du nom propre. Mais il n’y a pas de jeu oppositif entre deux attributs essentiels du sujet. On verra une autre manipulation de la figure dans l’enchaînement de l’échange suivant, entre Iphigénie et Achille, dans l’Iphigénie du même Racine.
Iphigénie Hélas! si vous m'aimez, si pour grâce dernière Vous daignez d’une amante écouter la prière, C’est maintenant, Seigneur, qu’il faut me le prouver. Car enfin ce cruel, que vous allez braver, Cet ennemi barbare, injuste, sanguinaire, Songez, quoi qu’il ait fait, songez qu’il est mon père. Achille Lui, votre père? Après son horrible dessein, Je ne le connais plus que pour votre assassin.
Ici, le système est plus clair. Il ne s’agit pas seulement de ne pas dire Agamemnon, forme générale et simple de la désignation de qui l’on parle. Le point est d’opposer diverses qualités fondamentales du même personnage : celle de père, revendiquée et affirmée par Iphigénie, violemment et explicitement niée par Achille ; celle qui admet les qualifiants barbare, injuste, sanguinaire, et dont la dénomination globale se présente sous les noms ennemi ou même assassin, ces nominations-là étant à la fois reconnues mais réfutées par Iphigénie, exclusivement affirmées par Achille, et communément opposées, contradictoirement, par les deux interlocuteurs, à la nomination de père. Dans ce second exemple, sans doute plus typique, de pronomination, le thème est toujours un nom de personne (cela semble général), et les deux appellations attributives, ou spécialement caractérisantes, s’opposent entre elles et sont l’une et l’autre occurrentes dans le discours.
=> Figure, microstructurale, élocution, trope, métonymie.