POSITION SCHIZO-PARANOÏDE
Pour Mélanie Klein, il y a une homogénéité fondamentale entre le champ de la névrose et celui de la psychose. Sous les termes de position schizo-paranoïde et de position dépressive, elle a étudié les deux formes les plus archaïques, matricielles en quelque sorte de la psychose qui est pour elle le lot commun et fondamental de tout être humain ; la symptomatologie névrotique comme la normalité n’étant que des modes de dépassement, plus ou moins réussis, des positions psychotiques. Les fantasmes psychotiques du nourrisson ont, avec la psychose adulte, le même rapport que la sexualité infantile avec les perversions adultes. Mélanie Klein aurait pu parler de l’enfant comme d’un psychotique polymorphe. Lors de la position schizo-paranoïde qui s’étend sur le premier trimestre de la vie humaine, le nouveau-né ne perçoit que des objets partiels (le « bon » et le « mauvais » sein) ; les angoisses dominantes sont d’ordre paranoïde : la crainte d’être persécuté par de mauvais objets internes et externes, et d’ordre schizoïde : en effet, le Moi et ses objets sont à cette phase du développement divisés, clivés — mécanisme schizoïde par excellence. Le pré-Moi, le Moi rudimentaire de l’enfant, s’intégrera, se constituera grâce aux processus d’introjection, de projection et de clivage, les trois processus les plus primitifs de la psyché. Le premier objet que l’enfant va rencontrer est le sein maternel. Ce sein, il va l’incorporer, le mettre au-dedans de lui ; il fantasmera un « bon » sein, source de tout plaisir, de toute vie. Le sein absent, le sein frustrant, sera le « mauvais > sein, celui sur lequel il projettera sa colère, sa haine, sa destructivité, son avidité. Le < bon > sein et le « mauvais » sein sont des objets partiels ; des objets internes également, puisqu’ils font partie de son univers intérieur. Au cours des premiers mois de la vie, l’enfant n’a pas de relations avec des personnes en tant que telles, mais seulement avec des objets partiels : sein idéal et sein persécuteur. Lors de la position schizo-paranoïde, l’angoisse pour le Moi prédomine ; le sujet craint d’être coupé en morceaux, empoisonné, dévoré, etc. Selon Mélanie Klein, c’est parce que le bébé projette sa propre agressivité sur ses objets qu’il les ressent comme « mauvais » et pas seulement parce qu’ils frustrent ses désirs : l’enfant conçoit ses objets comme effectivement dangereux, comme des persécuteurs dont il craint qu’ils ne le dévorent, qu’ils n’évident l’intérieur de son corps, ne le coupent en morceaux, ne l’empoisonnent, bref qu’ils ne préméditent sa destruction par tous les moyens que le sadisme peut inventer. Il s’ensuit que de très petits enfants traversent des situations d’angoisse dont le contenu est comparable à celui des psychoses de l’adulte.
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