point de vue
point de vue
Angle de vue à partir duquel un romancier met en scène ses personnages.
Commentaire Le point de vue est l'une des clés de la technique romanesque. Qui raconte ? telle est en effet une des questions essentielles lors de l'élaboration de l'œuvre. Il existe trois points de vue essentiels à partir desquels un écrivain peut concevoir son roman. — Le point de vue omniscient : c'est celui qu'adopte, par exemple, Balzac, dont le regard suit les déplacements géographiques et les mouvances intellectuelles ou sentimentales de ses personnages. L'omniscience de l'auteur se manifeste par des commentaires directs sur leurs gestes et leurs pensées. — Le « réalisme subjectif » : c'est une technique qui consiste à montrer le monde à travers le regard d'un personnage. Tel est le point de vue adopté par Stendhal dans ses romans. — Le point de vue objectif : il consiste à neutraliser complètement la présence du romancier. C'est celui des romanciers naturalistes. On notera toutefois qu'il est possible, dans un même roman, de multiplier les points de vue. Le nouveau roman, notamment, joue indéfiniment sur ce type de variations.
Citations Le romancier naturaliste affecte de disparaître complètement derrière faction qu'il raconte. Il est le metteur en scène caché du drame. Jamais il ne se montre au bout d'une phrase. On ne l'entend ni rire ni pleurer avec ses personnages, pas plus qu'il ne se permet de juger leurs actes. (Émile Zola, les Romanciers naturalistes, 1881.) Romancier objectif ça veut dire que contrairement à la plupart des romanciers contemporains dont la matière est essentiellement de source intime, intérieure, moi, j'ai, avant de pouvoir mettre ma matière en oeuvre, à la créer hors de moi, à la poser devant moi, séparée, détachée de moi, presque étrangère à moi. J'ai à donner une vie propre à mes personnages, et pas seulement à me refléter plus ou moins en chacun d'eux. (Roger Martin du Gard, Lettre du 12 août 1 933 à André Gide.) Aussi est-il aisé de montrer que mes romans — comme ceux de tous mes amis — sont plus subjectifs même que ceux de Balzac, par exemple. Qui décrit le monde dans les romans de Balzac ? Quel est ce narrateur omniscient, omniprésent, qui se place partout en même temps, qui voit en même temps l'endroit et l'envers des choses, qui suit en même temps les mouvements du visage et ceux de la conscience, qui connaît à la fois le présent, le passé et l'avenir de toute aventure ? Ça ne peut être qu'un Dieu. C'est Dieu seul qui peut prétendre être objectif. Tandis que dans nos livres, au contraire, c'est un homme qui voit, qui sent, qui imagine, un homme situé dans l'espace et le temps, conditionné par ses passions, un homme comme vous et moi. Et le livre ne rapporte rien d'autre que son expérience limitée, incertaine. C’est un homme d'ici, un homme de maintenant, qui est son propre narrateur, enfin. (Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, « Nouveau roman, homme nouveau ».)
POINT DE VUE - Perspective à partir de laquelle, dans une fiction, la réalité est présentée au lecteur. Tout récit suppose un point de vue à partir duquel le monde de la fiction est saisi et présenté. On distingue classiquement deux types de point de vue. Dans le cas de la vision externe, la réalité est « vue » de l’extérieur, comme par un personnage omniscient dont le champ d’investigation et d’analyse peut ne connaître aucune limite dans le cas du narrateur omniscient. À l’inverse, dans le cas de la vision interne, nous ne voyons et nous ne savons que ce que voit et sait l’un des personnages mis en scène par le récit et que nous suivons pas à pas. Ces deux perspectives changent du tout au tout la nature d’une histoire que nous percevons soit de manière objective, soit de manière subjective. L’opposition entre ces deux cas de figures est souvent moins tranchée dans la réalité des textes. Les auteurs jouent de la multiplicité des points de vue pour nous faire saisir le récit sous des angles différents et complémentaires. Ainsi dans l’Ulysse de Joyce où les points de vue changent de chapitre en chapitre. De manière moins systématique, la plupart des fictions procèdent de même.
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- Rire de tout ce qui se fait ou se dit est d’un sot ; ne rire de rien est d’un imbécile. » affirme Érasme. En quoi votre lecture de Gargantua de Rabelais permet-elle de confirmer ce point de vue ?
- théorie et pratique Kant : pourquoi l’expression « cela vaut en théorie, mais pas en pratique » est-elle inacceptable au point de vue moral ?
- Dans son roman, les Faux-Monnayeurs, Gide prête à son personnage de romancier, Edouard la réflexion suivante : « Il se dit que les romanciers par la description trop exacte de leurs personnages, gênent plutôt l'imagination qu'ils ne la servent et qu'ils devraient laisser chaque lecteur se représenter chacun de ceux-ci comme il lui plaît ». Partagez-vous ce jugement ? Vous expliquerez et discuterez le point de vue énoncé par André Gide en vous appuyant sur vos lectures personnelles et l
- Commentez le point de vue du philosophe Alain : « Le thème de tout roman, c'est le conflit d'un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu'il découvre en perspective à mesure qu'il avance, qu'il connaît d'abord mal, et qu'il ne comprend jamais tout à fait ».
- « Jouer avec les mots, faire n'importe quoi avec les mots, c'est une délivrance. Donner aux mots une liberté entière, faites leur dire n'importe quoi, sans intention, il en sortira toujours quelque chose. Il y aura toujours des mots liés entre eux qui, par là, signifieront... » Ionesco. Défendez ce point de vue de l'auteur ?