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Poésies de François de MALHERBE, 1587-1628

• Relativement peu abondante, l'oeuvre de ce poète courtisan parvenu en 1605 à la dignité de poète officiel a cependant joué un rôle important dans le développement de la poésie française.

• Après avoir sacrifié dans sa jeunesse au goût baroque italien quand il peignait la trahison du Christ par saint Pierre (Les Larmes de saint Pierre, 1587), il a renié ce style pour viser à la simplicité, à la rigueur et à la clarté. Sans doute ne faut-il pas chercher une pensée originale dans les odes et les stances qu'il adresse à ses amis (Consolation à M. du Perrier sur la mort de sa fille) ou au souverain (Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin, 1605, Ode à la reine mère du roi pour l'heureux succès de sa régence, 1610, Pour le roi allant châtier la rébellion des Rochelois, 1628). Il se contente de solenniser des lieux communs, mais son style offre une pureté et une tension soutenues que les auteurs classiques prendront pour modèle.

• Ainsi, ce poète orgueilleux de sa maîtrise du langage (Ce que Malherbe écrit dure éternellement...), sans avoir laissé une oeuvre précieuse en elle-même, se trouve avoir exercé sur la poésie française une influence déterminante pour deux siècles.

XVIIe siècle. « Les ouvrages communs durent quelques années, / Ce que Malherbe écrit dure éternellement. » Malherbe. ♦ « Malherbe nous a appris ce que c'était qu’écrire purement et avec un soin scrupuleux. Il nous a appris que, dans les expressions et dans les pensées, le choix était le principe de l’éloquence, et que même la propre et juste disposition des mots et des choses avait d’ordinaire plus d’importance que les choses mêmes et les mots. » Guez de Balzac. ♦ « Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, / Fit sentir dans ses vers une juste cadence, / D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, / Et réduisit la muse aux règles du devoir. / Par ce sage écrivain la langue réparée / N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée. / Les stances avec grâce apprirent à tomber / Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber. / Tout reconnut ses lois; et ce guide fidèle / Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle. » Boileau. ♦ « Malherbe... a connu la nature... et d’un style plein et uniforme montre tout à la fois ce qu’elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; il en fait la peinture et l’histoire. » La Bruyère.

XVIIIe siècle. ♦ « Malherbe répara un peu le tort de Ronsard... et montra le premier ce que peut le grand art des expressions placées, il est donc le premier qui fut élégant. » Voltaire.

XIXe siècle. ♦ « Malherbe a chassé les sujets étrangers à nos mœurs et fait retrouver à nos lettres la voie naïve, originale et simple d’Amyot, de Rabelais, de Marot et de Montaigne. » Chateaubriand. ♦ « Il a trop supprimé sans doute, il s’est trop retranché de ce qui avait précédé; mais il a fondé quelque chose de noble et de juste, et qui est bien dans le sens de la nation. » Sainte-Beuve.

XXe siècle. ♦ "C’est quelqu’un, c’est même un étrange original, que ce gentilhomme de Normandie, si fier de sa race, d ’un si robuste orgueil, au verbe rude et incivil, autoritaire, brusque, indifférent en religion, mais respectueux de la croyance du prince et de la majorité de ses sujets, très soumis à l’usage et très épris de raison, disputeur, argumenteur, philosophe et fataliste, plus stoïcien que chrétien, très matériel et positif, au demeurant honnête homme et de plus riche sensibilité qu’on ne croirait d’abord." Lanson. Malherbe, d’une belle pierre grise, a pavé notre cour, établi les fondements et bâti la demeure où chaque mot a sa dimension juste. Il a tout ordonné, a coupé ce qu’il fallait des mots, les a assurés, équarris, ajustés et polis, juste comme il faut. Il a indiqué leur alignement. Jamais plus, sinon chez Montesquieu peut-être, la même ordonnance, la plus simplement superbe. » Francis Ponge.

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