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PLOTIN

PLOTIN. Philosophe grec (204-270), suivit l’Empereur Gordien en Perse, puis fut ami de l’Empereur Gallien. Il vécut à Rome de 245 à sa mort. L'époque était fort troublée : nombreuses guerres et révoltes ; la civilisation antique s'effondre sous les coups des Barbares, des Perses, tandis qu'elle est minée de l'intérieur par la désagrégation des valeurs morales. La vie de Plotin nous est connue par la biographie qu'a écrite son disciple Porphyre. Plotin fut à la fois mystique et philosophe, cas très rare. Directement ou indirectement, il aura une influence considérable, jusque sur Hegel et en notre siècle (travaux de Jean Trouillard). Sa philosophie comprend deux aspects. ♦ 1° Une spéculation sur les «choses divines» : l'Un (ou Bien) ; l'intelligence ; l'Âme (ces trois réalités divines sont appelées les trois hypostases). ♦ 2° De nombreuses analyses psychologiques. Les deux premières hypostases sont le Bien (ou Un), appelé ausi Père, et l'intelligence, appelée aussi Fils (il y eut peut-être une influence de la théologie chrétienne) ; la troisième est l'Âme, qui est le monde intelligible se divisant, sans perdre tout à fait son unité, pour animer les êtres ; elle est intermédiaire entre le monde intelligible et le monde sensible. Elle garde une certaine unité du fait qu'elle anime en contemplant l’intelligence, et parce quelle contemple (ce qui lui donne le pouvoir d’animer, d’unifier chaque être dans une certaine mesure, pour qu’il soit). Enfin vient la matière, réalité mauvaise, qu'il faut fuir. D'où une conception particulière du salut, qui traversera l'histoire de la spiritualité jusqu'à nos jours : le salut consiste à s'écarter de la dispersion pour aller vers l'Unité ; pour cela, il faut vivre en se détournant des sollicitations du monde pour se concentrer en soi. Dans l'état de concentration spirituelle, on connaît en profondeur. «Alors, tout est présent à la vie à tel point que rien ne diffère plus d'elle ; une telle vie est la vie totale, la vie claire et parfaite qui a en elle toute l'âme et toute l'intelligence. C'est alors qu'elle se suffit à elle-même et ne recherche plus rien» (V, 3). Il faut aller au-delà de l’intelligence elle-même : «Il faut contracter sa pensée jusqu'à l'Un véritable, étranger à toute multiplicité, l'Un qui a toute simplicité et qui est réellement simple» (traduction d'Émile Bréhier, dans l'édition «Guillaume Budé», Société d'édition Les Belles Lettres).

PLOTIN, philosophe néo-platonicien, de l'école d'Alexandrie (Lycopolis ?, Egypte, v. 205 apr. J.-C.- en Campanie v. 270). Il vint à Rome en 244, où il tint école avec succès. A partir de quarante-huit ans, il rédigea les traités que son élève Porphyre corrigeait et les édita sous le titre d'Ennéades : il les rangea en six parties, composées chacune de neuf livres. La première Ennéade traite surtout de la morale, la deuxième et la troisième du monde, la quatrième de l'âme, la cinquième de l'intelligence, la sixième de l'Un (l'intelligence universelle). La doctrine plotinienne retient de Platon l'idéalisme et la célèbre dialectique de l'amour, qui permet au philosophe de s'élever jusqu'à l'intuition du Souverain Bien. Sa théorie des « hypostases », âme, intelligence, unité, recouvre une conception très vivante de l'activité intellectuelle. Sa doctrine de l'« Un au-delà de l'Etre » implique une profonde théorie du fondement de la connaissance, qui restera méconnue par Hegel et tout le rationalisme classique, et s'oppose à l'idée de la raison comme faculté de représentation. L'idée d'une appréhension intuitive de l'Absolu divin influencera les Pères de l'Eglise. Sa philosophie très suggestive, nourrie aux doctrines présocratiques (Parménide), inspirera, à travers saint Augustin, la philosophie réflexive et la conception de la raison comme « activité » (Kant, Fichte). Les richesses de Plotin sont loin d'être toutes explorées.

 

Plotin

Philosophe grec (vers 205-270). • Maître du néoplatonisme, Plotin de Lycopolis cherche à concilier ses aspirations mystiques avec les exigences de rationalité de la pensée grecque. • Pour lui, l’Un-Dieu, parfait et transcendant, est le principe de toutes choses. Mais comme nul ne possède ses qualités, la philosophie ne peut dire que ce qu’il n’est pas, non ce qu’il est. • De l’Un, suprême hypostase (ou substance), émane d’abord l’intellect, deuxième hypostase, d’où découle ensuite l’Ame, troisième hypostase, qui relie le monde intelligible au monde sensible. Enfin, aux antipodes de l’Un gît l’obscure matière, siège du néant et du mal. • Pour s’élever jusqu’à Dieu (qui est aussi le Bien et le Beau), l’âme doit se purifier par l’amour et la contemplation de ce qu’il y a de divin en elle. Elle peut aussi, dans l'extase, entrer immédiatement en osmose avec son créateur.

Principales œuvres : Ennéades.

PLOTIN. Philosophe grec. Il naquit sans doute en 203, probablement à Lycopolis Magna, et mourut en Campanie en 269 ou 270. Exemple même de la pensée grecque vieillissante qui se refuse de mourir avant d’avoir donne au monde, déjà conquis par le christianisme, une œuvre suprême de synthèse, il fut incontestablement le penseur le plus représentatif du IIIe siècle, car il réunissait en lui les traditions les plus élevées du monde antique. De sang égyptien, alexandrin par son éducation philosophique, romain, car selon saint Augustin, qui le préférait à tous les autres Grecs, son école aurait « fleuri » à Rome de 244 à 269, il se montra cependant grec par ses aspirations et, tout en étant ouvert à la culture orientale, il n’en subit pas l’influence. Son platonisme ne l’empêcha pas de rechercher les aventures, d’accomplir des voyages et d’aller jusqu’à prendre part, lui ami de la paix, du silence et de la contemplation, à la malheureuse expédition militaire de Gordien contre les Perses (243-244). Alors que Platon ne dissimule pas ses appétits charnels qu’il entend seulement transcender, son disciple n’a que mépris pour la chair et ressent, presque comme saint Paul, le poids mortel de son corps; il a honte de sa condition d’homme. « Il se retenait — au dire de Porphyre — de parler de sa naissance, de ses parents, de sa patrie. » Il ne prenait point de viande; sa pudeur approchait de l’ascétisme, il n’allait pas toutefois jusqu’à défendre le suicide stoïcien. Quand Porphyre atteint de neurasthénie voulut mettre fin à ses jours, il le persuada de vivre et le poussa à faire un voyage en Sicile. Il haïssait les peintres et les sculpteurs parce qu'ils représentaient des ombres de couleurs et il ignora toujours que son fidèle disciple Amélios avait introduit secrètement dans son école le peintre Carterius qui, après l’avoir observé attentivement, s’en allait peindre chez lui son portrait de mémoire. Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de ce tableau; on prétend que l’homme barbu, figure centrale du sarcophage dit du philosophe (musée du Latran), représenterait Plotin. L’époque où vécut Plotin est sombre, aride, désordonnée et sans véritable grandeur. Le caractère du philosophe, son œuvre s’en ressentent. Plotin fut toujours un solitaire; sa philosophie mystique comporte un renoncement beaucoup plus profond et réel que celui des épicuriens. Ses aspirations se trouvent exprimées dans la phrase qui termine les Ennéades : « envol de l’esprit seul vers Lui seul » et sert de conclusion à l’exposé de l’idéal mystique qui débute l’exhortation : « Détache-toi de toute chose. » De son enfance égyptienne, il nous conte-une seule anecdote. Très attaché à sa nourrice, il ne la quittait pas; à l’âge de huit ans encore, il lui découvrait le sein et cherchait à la téter; un beau jour, la nourrice perdit patience et le traita d’impudent. Plotin en fut si mortifié qu’il ne le fit plus jamais. Comme Aristote, il ne fut pas un philosophe précoce ; après être passé d’un maître à un autre, déçu par les célébrités de son temps, il rencontra enfin, à l’âge de vingt-huit ans, Ammonios Saccas, le Socrate alexandrin. « Voilà l’homme que je cherchais », dit-il, et il fut son disciple pendant onze ans, jusqu’à sa campagne de Perse. Lors de la retraite, il dut fuir en Mésopotamie, puis à Antioche, d’où il se rendit à Rome. Ceci se passait dans la première année du règne de Philippe l’Arabe, celui qui devait célébrer le millénaire de Rome (247). Dans l’école romaine de Plotin qui compta parmi ses disciples Porphyre, Amélios et Eutychès, de nombreux sénateurs, des femmes illustres et en général toute la société cultivée de l’époque, régna d’abord l’esprit de l’enseignement d’Ammonios : doctrine secrète, interdite aux non-initiés. Après la maladie qui contraignit Plotin à se rendre de Rome à Mintumes dans la propriété champêtre de Zéthos, l’école fut dissoute; Eutychès, médecin alexandrin, accourut de Pouzzoles au chevet de son maître mourant : « Tu vois, je t’ai attendu », dit le philosophe, et il ajouta une de ces phrases profondes qui résument toute une philosophie : » J’essaie de faire remonter le divin qui est en nous au divin qui est dans l’Univers. » Et il mourut, âgé de soixante-six ans. Tandis que certains de ses disciples, tel Amélios, participaient avec empressement aux rites sacrés, Plotin s’y refusait en termes qui parurent hautains et ne furent pas compris : « C’est aux dieux de venir vers moi, et non pas à moi de monter vers eux. » C’était parce que pour Plotin la divinité se trouvait partout. Il était un contemplatif pur et non un dialecticien au sens moderne; il ignora l’histoire et la politique. C’est pourquoi la cité idéale, Platonopolis, que, selon le naïf Porphyre, il aurait voulu fonder en Campanie, n’est pour nous qu’un symbole, celui d’une cité de l’esprit (comme la République de Platon) où les intellectuels seraient réunis par la poursuite d’un idéal purement contemplatif. Encore une fois Plotin ne fut pas compris non seulement de l’empereur Gallien et de son épouse Salonine, mais également de son biographe et de ses disciples. Plotin, il est vrai, était très hospitalier et il accueillait les jeunes élèves qui lui étaient confiés. Il leur lisait des vers, tes initiait à la philosophie, veillait sur eux avec un grand scrupule mais il tenait éloignés tous ses disciples, vieux et jeunes, de la politique qu’il haïssait autant que la guerre, l’astrologie, le fanatisme et l’hypocrisie. Si dans l’interprétation de Porphyre nous éliminons tout ce qui est légendes et oracle et tout ce qui réduit l’austère fils de Platon à un homme qui tient du magicien et du thaumaturge, du médecin et du saint, nous aurons une image qui correspondra, avec plus de vérité, à celle qui se dessine dans son œuvre même. Et, avec Hegel, nous n’hésiterons pas à classer cette œuvre parmi les plus grandes de la pensée humaine. Le sens religieux de la vie qu’il y exprime eut une grande influence sur la renaissance platonicienne en Italie.

♦ « Grâce à cette illumination démonique qui remonte souvent par l’intelligence jusqu au premier dieu, et jusqu’à l’au-delà, en suivant la voie prescrite par Platon dans le Banquet, il vit le Dieu qui n’a ni forme ni essence... [il] eut la vision du but tout proche. La fin et le but, c’était pour lui l’union intime avec le Dieu qui est au-dessus de toutes choses. Pendant que je fus avec lui, il atteignit quatre fois ce but, grâce à un acte ineffable, et non pas en puissance. » Porphyre. ♦ « Le trait le plus important et caractéristique chez Plotin, c’est son haut et pur enthousiasme pour l’élévation de l’esprit vers ce qui est bon et vrai, vers l'Absolu... toute sa philosophie nous achemine vers la vertu et vers la contemplation intellectuelle de l’Eternité. » Hegel. ♦ « Il lui fut donné de voir la terre promise, mais non pas d’en fouler le sol. Il alla jusqu’à l’extase; un état où l’âme se sent ou croit se sentir en présence de Dieu, étant illuminée de sa lumière; il ne franchit pas cette dernière étape pour arriver au point où la contemplation venant s’abîmer dans l’action, la volonté humaine se confond avec la volonté divine. Il se croyait au faîte : aller plus loin eût été pour lui descendre... » Henri Bergson. ♦ « Ce qui donne, pour nous, à la philosophie de Plotin un incomparable pouvoir de séduction, ce n’est pas seulement le souffle de vie intérieure qui l’anime, c’est que l’esprit moderne y retrouve ses préoccupations essentielles. » L. Robin.


Philosophe grec et principal représentant du néo-platonisme*. Sa formation s'effectue dans un milieu traversé par les influences orientales, et il suit pendant dix ans les leçons d'Ammonius Saccas, le fondateur du néo-platonisme à Alexandrie. Mais il connaît aussi les textes stoïciens ou gnostiques. C'est en 244 qu'il commence à enseigner à Rome, où il aura un succès considérable, rassemblant des disciples fidèles à ses cours. L'empereur Gallien envisagea même de construire pour lui une cité idéale : Platonopolis. Son œuvre unique, les Ennéades, a été titrée et organisée (en six groupes de neuf livres) par son élève Porphyre à partir de cinquante-quatre traités initialement dispersés. Plotin y affirme l'existence, par-delà le monde sensible, de trois hypostases fondamentales : ♦ Il y a, au-dessus de tout et même de l'Être, l'Un lui-même - assez identique au Bien dans République - qui est le point de départ de la « procession » des deux autres hypostases : il les laisse émaner de sa propre surabondance. Cet Un parfait, au-dessus des vertus, ineffable, est le « proto-père », aussi bien non-être que sur-être. ♦ En second vient le Logos, l'intellect, dont le principal caractère est de se connaître soi-même, d'être conscience de soi. En contradiction avec Platon, Plotin affirme que les Idées, les intelligibles, ne lui sont pas supérieurs, ni même extérieurs. En fait, les Idées ne font qu'un avec l'intellect, qui s'auto-découvre en les parcourant, étant radicalement « un-multiple ». ♦ La troisième hypostase est l'Âme qui, soucieuse d'action, « ne reste pas en repos » . Facteur d'harmonie, elle « n'a pas oublié les réalités d'en haut ». Mais d'un autre point de vue, parce qu'elle contient tous les corps et anime toutes les âmes d'un monde sensible lié au mal, elle est aussi audace. L'âme individuelle, quant à elle, doit se remémorer sa « noble origine », c'est-à-dire son rapport initial à la troisième hypostase, pour ne pas s'égarer en vain dans le monde. Par un mouvement de conversion (et non de réminiscence comme chez Platon - avec lequel Plotin est là aussi en désaccord), elle peut, prenant appui sur sa participation à l'Âme du monde, triompher des passions et du corps (d'après Porphyre, Plotin « avait honte d’être dans un corps ») et faire en sorte que son versant « raisonnable » l'emporte sur le « déraisonnable ». L'intelligence ne doit pas être conçue comme une partie de cette âme personnelle : elle est nôtre quand nous en faisons usage, sinon nous ne la possédons pas. Mais en faire usage, c'est-à-dire penser conformément à elle, c'est se trouver « transporté dans la région intelligible, et... attirant la meilleure partie de l'âme », jouir d’une pensée intuitive qui exclut la raison discursive. Ainsi, tant que l'âme cherche à s'unir à l'Âme universelle, elle exerce son pouvoir sur les choses. Mais si à l'inverse elle s'attache à un corps singulier par suite d’une fascination naturelle, elle s'y perd. Toutefois il lui reste possible de se purifier à travers des vies successives, puisqu’elle est immortelle, pour s'unir finalement à l'Un-Dieu. Une telle doctrine influencera fortement le mysticisme occidental (J. Boehme, peut-être saint Augustin), mais aussi, de diverses façons, des philosophes comme Leibniz, Schopenhauer ou Bergson.

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