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Pierre Bourgeade

Né en 1927 à Marianne (Pyrénées-Atlantiques). Licencié en droit. Collabore à de nombreux journaux ou revues, notamment à la Quinzaine littéraire et à la N.R.F. Prix Hermès en 1966 pour son livre les Immortelles, il s’est consacré ces dernières années au théâtre. Dès ses premiers textes, se manifeste le souci d’une recherche d’un langage nouveau, mais non point rhétorique, qui explore, à travers un lyrisme exacerbé les possibilités d’un « chant » collectif. Celui que l’on trouve dans la Rose rose où le sujet singulier « je » disparaît au profit de « ils », ou encore dans sa pièce Orden. Là, c’est tout un groupe, tout un peuple, qui parle, chante, danse, souffre et clame sa révolte contre l’oppression franquiste. Il n’est pas étonnant que Bourgeade ait quitté la fiction romanesque, aussi éclatée fût-elle, pour les partitions à multiples voix que sont ses œuvres théâtrales. « Va-et-vient entre l’imaginaire et la matérialité » a-t-il dit lui-même à propos de l'Aurore boréale. Son maître, c’est Bataille. Et ses thèmes favoris : le sexe et la mort. Tout passe par une érotisation du monde, érotisation qui est aussi politisation, mise en évidence des terreurs convulsives qui secouent notre époque et des subversions qui permettent tant d’exprimer que de combattre ces fantasmes pervers. Car nous sommes, que nous le voulions ou non, habités par la perversité. L’érotisme policier exerce une fascination semblable aux fastes rituels et sadiques du fascisme. Deutsche Requiem, pièce expressionniste montée par Daniel Mesguisch au Théâtre Sorano de Vincennes, révèle cette fascination d’une parodie de pouvoir. Et New York Party, sous l’apparence d’un réquisitoire détaché, montre toute la violence, non seulement de l’Amérique, mais de notre univers mental tout entier qu’occupent cuisses de femmes, nègres lynchés, meurtres, argent, drogues et marchandises. Exercice et dénonciation du/des pouvoirs, l’œuvre de Bourgeade porte un regard trouble ou/et troublé, et de ce fait révélateur, sur les fantasmes de notre temps.