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PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314) - Capétien

PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314) - Capétien

• Roi de France [1285-1314] Quand il accède au trône, Philippe IV, surnommé « le Bel »,a 17 ans. Il vient d’épouser Jeanne, qui lui a apporté en dot la Navarre et la Champagne. Il règle ensuite le conflit avec l’Aragon par le traité de Tarascon en 1291 (conflit durant lequel son père, Philippe III le Hardi, a laissé la vie) et abandonne la Sicile au roi d’Aragon, le royaume de Naples revenant à la maison d’Anjou. Mais deux difficultés surviennent : les Anglais (qui sont à l’origine des ennuis qu’il aura avec la Flandre) et l’état catastrophique des finances. Dès 1294, Philippe favorise une sorte d’impôt direct, les subsides. Puis, deux ans plus tard, il tente d’imposer le clergé -très riche-, ce qui le fait entrer en conflit avec Rome. En 1297, Philippe connaît un répit de la part du pape Boniface VIII, qui canonise Louis IX. Mais, en 1301, resurgissent les délicatesses avec Rome; le roi fait affirmer solennellement sa supériorité sur le pape dans le domaine temporel. Le pape riposte très vite en proclamant la prédominance du spirituel sur le temporel (bulle Ausculta, fili). Pour Philippe, l’heure est grave. Va-t-il se soumettre au pape? Il préfère tenter de s’emparer de lui. C’est l’attentat d’Anagni (7 septembre 1303). Le pape y échappe mais meurt peu après, le 11 octobre. En 1305, la situation change du tout au tout : est élu un pape français, Clément V, archevêque de Bordeaux, qui se révélera plus conciliant (il s’impliquera dans le procès de l’ordre du Temple, et en I 309 la papauté transportera son siège en Avignon). Durant la même période, Philippe IV aura à affronter un autre péril : les Flamands. En 1297, le roi bat le comte de Flandre et le fait prisonnier. Deux ans plus tard, un mariage habilement combiné entre les maisons régnantes de France et d’Angleterre isole la Flandre, qui se soumettra l’année suivante. En 1302, la Flandre se révolte (ce sont les Matines de Bruges, le 18 mai) ; la chevalerie française est défaite par les milices flamandes à Courtrai ( 11 juillet 1302). En 1304, Philippe bat les Flamands à Mons-en-Pevèle ( 18 août) et signe enfin, en 1305, la paix d’Athis, qui lui permet de gagner une partie de la Flandre. En 1306, une nouvelle dévaluation provoque des émeutes à Paris; Philippe le Bel a beau expulser les juifs en s’appropriant leurs biens au passage, puis les marchands italiens - appelés «Lombards» -, les finances vont toujours très mal. Aussi décide-t-il de s’approprier le trésor que les chevaliers du Temple ont accumulé. Ces derniers servent de banquiers à l’Europe entière et, depuis longtemps, gèrent les finances royales. Philippe veut en reprendre le contrôle. Le 13 octobre 1307, les Templiers sont arrêtés, chargés des accusations les plus noires. Sous la torture, ils avouent tout ce que l’on veut. Leurs biens sont confisqués. En 1310, un premier groupe est brûlé vif en même temps que le conflit avec la papauté se règle. Par la bulle Vox in excelso, Clément V annule toutes les dispositions prises par ses prédécesseurs. Le 22 mars 1312, il dissout l’ordre du Temple. Le 18 mars 1314, tous les grands dignitaires du Temple sont brûlés vifs. Mais le roi est près de sa fin, ainsi que l’a prédit le grand maître de l’ordre du Temple. Une ultime affaire vient ternir ses derniers mois de règne : l’affaire des brus. Ses trois belles-filles sont accusées d’adultère. Deux d’entre elles seront jetées en prison, leurs amants châtrés et exécutés. Victime d’un malaise cérébral au cours d’une partie de chasse, Philippe IV meurt le 29 novembre 1314 à Fontainebleau, en présence de son fils, Louis X. Sous son règne, un énorme travail en vue d’organiser l’Etat a été mené, tant par le roi que par ses conseillers, qui sont surtout des légistes méridionaux, des prélats et de petits nobles. L’administration centrale, avec le parlement et ses quatre cours de justice, ainsi que le Conseil royal, la Chambre des comptes et la Chancellerie, se sera considérablement renforcée. De bien des points de vue, le règne de Philippe le Bel marque une rupture par rapport à celui de Louis IX, qui était exemplaire du Moyen Age. Roi d’un nouveau modèle qui laisse pressentir que s’annonce une autre époque, Philippe le Bel innove en ayant plusieurs fois recours aux états généraux pour faire approuver, par une représentation la plus large possible de la population, la politique qu’il mène. Mais un point demeure faible de façon chronique : le Trésor royal. Plus le royaume s’étend et plus sa gestion centralisée, qui doit s’appuyer sur des gens de plus en plus nombreux qu’il faut payer, coûte cher. Or, Philippe le Bel et ses conseillers échouent dans leurs efforts pour instaurer un impôt direct, surtout à cause d’une méconnaissance en profondeur du royaume (population, richesse), qui rend impossible l’établissement d’une assiette pour ces impôts. Sans vraie fiscalité, et pour pourvoir à tout, les expédients que constituent dévaluations et jeux sur l’inflation ne pouvaient pas suffire.

  Dates de règne : 1285-1314 Épouse : Jeanne de Navarre-Champagne (1270-1304). Grâce à son mariage avec Jeanne de Navarre-Champagne, il est le premier roi de France à porter le titre de roi de Navarre. Il met fin à la guerre d'Aragon par le traité de Tarascon en 1291, et s'entoure des meilleurs légistes pour gouverner les affaires intérieures. Il réunit à plusieurs reprises les trois ordres pour entériner ses décisions. Il renforce les institutions et agrandit le domaine royal. La guerre avec Édouard Ier, le roi d'Angleterre, s'est déplacée vers le nord. En 1305, la paix d'Athis lui garantit l'annexion de la Flandre. Il confie à des officiers la gestion du Trésor royal, jusque-là assurée par les templiers. Mais cette réforme ne suffit pas à renflouer les caisses de l'État, et il cherche à créer de nouveaux impôts. Néanmoins, face à l'impopularité de ces mesures, il s'en prend aux usuriers traditionnels que sont les Lombards et les Juifs, menant une politique de persécutions et de confiscations. Celle-ci rencontre un large agrément dans la population, puisque les débiteurs se voient de facto débarrassés de leurs usuriers. Le cours de la monnaie subit des dévaluations qui pousseront certains à traiter le roi de faux-monnayeur. Toujours en quête d’argent, le roi ne cache plus sa volonté de lever des taxes exceptionnelles sur le clergé. Sa décision entraîne un conflit ouvert avec la papauté. Boniface VIII prend le parti de l'évêque Bernard Saisset (il traite le roi de faux-monnayeur), poussant le roi à se venger. Le pape est fait prisonnier en 1303, et meurt peu de temps après. L'éphémère Benoît XI lui succède et, après lui, l'élection d'un pape français - jugé plus docile - est favorisée. Clément V, l’ancien archevêque de Bordeaux, est intronisé, mais le nouveau souverain pontife préfère s’installer en Avignon, aux frontières du royaume. En 1307, Philippe fait démanteler l'ordre des templiers. Il ne s’agit d abord que de confisquer les biens de Tordre mais, par la suite, ses membres sont arrêtés et accusés d’hérésie. En 1312, le pape prononce la dissolution de Tordre. Le procès-fleuve dure sept ans, et la plupart des membres de Tordre sont envoyés en prison ou conduits sur le bûcher. Les dernières années du règne de Philippe IV sont marquées par l’affaire de ses brus : Marguerite de Bourgogne, Jeanne de Bourgogne et Blanche de Bourgogne. Toutes trois sont accusées d’adultère et contraintes de comparaître devant un tribunal en 1314. Marguerite et Blanche sont enfermées à Château-Gaillard. Blanche doit accepter l’annulation de son mariage et finit ses jours à l’abbaye de Maubuisson. Marguerite périt étranglée en 1315, probablement sur ordre de son époux. Quant à la troisième, Jeanne, elle est finalement acquittée et se retire à la tour de Nesle, en face du Louvre. Philippe IV meurt en 1314 des suites d’un accident de chasse. Il n’a que quarante-six ans, mais son long règne contrasté laisse une empreinte profonde dans l’histoire. Peu de souverains ont légué pareil héritage, marqué à la fois d’avancées et d’obscurantisme, de violence et de sagesse.

Philippe IV le Bel (1268-1314); roi de France [1285-1314].

Né et mort à Fontainebleau, P. est le fils de Philippe III le Hardi et d’Isabelle d’Aragon ; son mariage avec Jeanne de Navarre (1284) lui apporte, avant son accession au trône, la Champagne et la Navarre. L’historiographie s’est depuis longtemps penchée sur la personnalité de P. La question posée est de savoir s’il gouverne ou laisse gouverner ses « légistes » et des hommes qu’il a choisis. La polémique est alimentée par les témoignages des contemporains du roi : « Ce n’est ni un homme ni une bête, c’est une statue », dit en effet Bernard Saisset, qui eut à souffrir de lui, ajoutant : « Notre roi ressemble au grand-duc, le plus beau des oiseaux, mais qui ne vaut rien. Il ne sait que regarder fixement les gens, sans parler.» En fait, le roi fait traiter les affaires par des hommes dans lesquels il met sa confiance ; mais il n’en reste pas moins le roi par la vertu du sacre ; fidèle au souvenir de son père et de son grand-père, Louis IX, dont il obtient la canonisation, il attache une grande importance à la lignée capétienne ; l’idéologie royale connaît sous son règne une nouvelle extension. Les affaires pourtant sont menées par d’autres ; P. apparaît lorsque c’est nécessaire mais il n’en est pas pour autant absent. Il sait déléguer, mais en suivant les dossiers importants et en prenant les décisions préparées par d’autres. Les guerres mêmes sont dirigées par son frère ou par le connétable, ce qui lui sauve probablement la vie à Courtrai. À la bataille de Mons-en-Pevèle, en revanche, il donne de sa personne. Bon père de famille, attaché à son épouse, il est fort pieux, dévot même à la fin du règne. En quelques circonstances, il est le « jouet de ses passions », la chasse par exemple. Dans l’affaire dite des Brus du roi, son extrême piété a dangereusement laissé le royaume sans héritier pendant longtemps. Cette même piété a dû jouer aussi un rôle important, avec bien évidemment d’autres motifs, plus intéressés, dans l’affaire des Templiers. Médiéval par sa piété, parfois sa vaillance, P. a, en bref, une conception déjà moderne du gouvernement, ce qui a dérouté les historiens comme ses contemporains. Son règne est aussi le moment où l’idée d’État telle qu’elle apparaît dans le droit romain resurgit et où commencent à se mettre en place les institutions administratives de l’État moderne. Sur le plan de la politique extérieure, P. liquide rapidement la malencontreuse croisade d’Aragon, par laquelle s’ouvre son règne. Le traité d’Anagni (1295) y met fin.

A l’égard de l’Angleterre, après avoir d’abord reçu l’hommage du roi anglais Edouard Ier, P., dans une sorte d’avant-propos à la guerre de Cent Ans, fait envahir la Guyenne (1294-1299). La paix est rétablie en 1303 (traité de Paris). Le conflit le plus important se déroule en Flandre. Le roi prend d’abord le parti du riche patriciat urbain contre le comte Guy de Dampierre. Celui-ci cherche l’alliance du roi d’Angleterre qui ne répond que mollement à ses demandes. En 1297, l’ost royal pénètre en Flandre, qui est confisquée et occupée. Guy de Châtillon en est nommé gouverneur. Mais les Flamands ne supportent pas l’occupation française qui se solde par les Mâtines brugeoises (17-18 mai 1302), où les Français sont massacrés à Bruges. L’armée envoyée pour riposter à cet événement est taillée en pièces par les communes flamandes à la bataille de Courtrai, appelée aussi des Eperons d’or (11 juill. 1302). La victoire royale à Mons-en-Pevèle (18 août 1304) rétablit l’honneur du roi et le traité d’Athis (juin 1305) rétablit la paix. La ratification et l’application du traité ne se font que très lentement. Lors du « transport » de Flandre (1309), Robert de Béthune, successeur de Guy, cède au roi de France les châtellenies de Lille, Douai et Béthune. Trois osts sont à nouveau réunis contre la Flandre, en 1312, 1313 et 1314. Mais ils ne parviennent pas à régler la situation du comté, attiré hors du royaume par de puissantes forces centrifuges. Du côté de l’Empire, le comte Othon de Bourgogne cède au roi la comté de Bourgogne, actuelle Franche-Comté (mars 1295). La noblesse comtoise s’en indigne mais l’alliance entre le roi et Albert d’Autriche (1299) calme les esprits. Le comte de Bar prête désormais hommage pour le « Barrois mouvant » (1301). La souveraineté des Capétiens est reconnue à Viviers et Lyon (1307). Malgré ces empiétements et l’échec de la candidature de Charles de Valois à l’Empire (1308), les relations avec l’Empire demeurent sereines jusqu’à la fin du règne. En revanche, les relations entre P. et le pape Boniface VIII sont conflictuelles. En 1296, le roi ayant voulu imposer des impôts au clergé, Boniface VIII publie la bulle Clericis laicos qui affirme qu’aucun impôt ne peut être levé sur les clercs sans l’accord du pape. Mais par les bulles Romana mater (févr. 1297) et Etsi de statu (juill. 1297) le pape cède. Nouvelle crise en 1301 provoquée par le procès de Bernard Saisset, évêque de Pamiers, accusé de trahison et emprisonné par le roi. Le pape fulmine la bulle Ausculta, fili (déc. 1301) qui définit les droits du Saint-Siège par rapport aux gouvernements temporels et appelle les évêques à un concile. Le roi et ses conseillers, Guillaume de Nogaret en tête, réagissent vivement. Dans une assemblée publique (avr. 1302), ils présentent un résumé des positions pontificales (Scire te volumus) et déclenchent une campagne de propagande. Le pape réplique par la bulle Unam Sanctam (nov. 1302) qui renouvelle, avec dureté, l’affirmation de la théocratie pontificale. Lors d’une nouvelle assemblée (mars 1303), la déposition du pape et son jugement par un concile sont proposés. C’est alors que Nogaret, Thierry d’Hirson, Jacques de Jasseines et Mouche se rendent en Italie, déclenchant l’« attentat d’Anagni » (7 sept. 1303). La mort de Boniface VIII (11 oct. 1303) met un terme au conflit. L’élection de Benoît XI (dès le 7 juill. 1304) puis de Clément V (élu le 5 juin 1305) rétablit entre le roi de France et la papauté des relations d’autant plus calmes que le nouveau pape ne sait résister à P. La dernière affaire du règne est l’attaque qui mène à la suppression de l’ordre du Temple. En octobre 1307, les Templiers sont arrêtés et après un long procès, l’ordre est supprimé lors du concile de Vienne par Clément V (1312). Il faut citer encore, au plan des affaires de politique intérieure, les relations tendues entre le roi, les hérétiques et l’inquisition en Languedoc, illustrées par l’affaire Bernard Délicieux. P. est aussi connu comme un roi « faux monnayeur » : en effet, lors de son règne, plusieurs mutations monétaires eurent lieu. Mais il faut distinguer des mesures qui relèvent de l’assainissement économique de la monnaie, frappée déjà par le début d’une instabilité chronique, d’autres qui relèvent du besoin d’argent du roi. L’expulsion des juifs (1306), les mesures prises contre les Lombards (1291, 1311), de même que les tentatives de lever des impôts sur les clercs, ne sont que des expédients pour trouver des revenus, nécessités par l’alourdissement des besoins financiers de l’Etat. Lorsque P. meurt, le 29 novembre 1314, un mécontentement multiforme est prêt à éclater.

Bibliographie : J. Favier, Philippe le Bel, 1978.

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