Phèdre de Jean RACINE, 1677, Classiques Hachette
Cette tragédie en cinq actes et en vers est inspirée de Hippolyte d'Euripide (428 av. J.-C.) et de la Phaedra de Sénèque (v. 55 apr. J.-C.), ainsi que de la peinture de la passion amoureuse chez les poètes latins Virgile (Enéide, IV) et Ovide (Héroïdes) [fin du ie' siècle av. J.-C.]. Nourri de mythologie grecque, Racine prête à ses héros un sentiment de la fatalité inspiré de la tragédie antique, tout en décrivant le mécanisme des passions avec une sévérité apprise de la pensée chrétienne. L'action se déroule à Trézène dans les temps légendaires de la Grèce. Le jeune prince Hippolyte veut quitter la ville sous prétexte de chercher Thésée, son père, qui a disparu. En réalité, il cherche à échapper au sentiment qui le porte vers Aricie, non pour obéir à Thésée qui a interdit tout mariage à cette princesse, mais parce qu'il s'est juré de résister aux faiblesses de l'amour (l,1). Phèdre, sa belle-mère, seconde femme de Thésée, fille de la criminelle Pasiphaé et de Minos, incarnation de la justice,, est rongée par un mal secret qu'elle finit par avouer à oenone, sa nourrice; victime de Vénus comme Pasiphaé, sa mère, et comme sa soeur Ariane, elle est prisonnière d'un amour coupable : elle aime Hippolyte (l,3). À la fin de l'acte, on apprend que Thésée serait mort; oenone affirme à sa maîtresse qu'elle peut rencontrer Hippolyte sans se rendre coupable (I, 5). Alors qu'il veut régler la succession de Thésée, Hippolyte trahit son coeur devant Aricie (II, 2). De même, Phèdre cède à sa passion pour Hippolyte et lui parle, comme en rêve, du bonheur qu'elle aurait voulu connaître; alors qu'Hippolyte, frappé de stupeur, tente de se retirer, elle lui confesse toutes ses souffrances et lui arrache son épée pour se suicider (II, 5). C'est alors qu'on vient annoncer le retour de Thésée (II, 6). Désemparée, égarée, Phèdre laisse Oenone accuser Hippolyte d'avoir voulu la séduire (III, 3). Le prince est trop scrupuleux pour rétablir brutalement la vérité, si bien que son père, troublé par l'étrange atmosphère du palais, aveuglé par la colère, appelle sur lui le courroux de Neptune (IV, 2). Au moment où elle va intervenir pour sauver Hippolyte, Phèdre découvre que celui-ci est amoureux d'Aricie; la jalousie la paralyse (IV, 5-6), de sorte que le destin s'accomplit : Hippolyte périt, traîné par ses chevaux qu'un monstre marin a effrayés (V, 6). Pour expier, Phèdre absorbe du poison et vient confesser ses fautes devant Thésée qui reste écrasé par le sentiment de son erreur. Peut-être faut-il expliquer par l'influence du jansénisme cette vision terrible de la faiblesse de la créature humaine, prisonnière de ses passions, et à qui le bonheur est refusé. Les Poèmes antiques, au nombre de trente et un en 1852, complétés de pièces nouvelles dans l'édition de 1874, sont presque tous inspirés par l'Antiquité hindoue et l'Antiquité grecque. Écrivain pessimiste qui se détourne du monde moderne, Leconte de Lisle se réfugie dans le rêve de la sagesse hindoue (Bhagavat) ou dans celui de la beauté grecque (Niobé, L'Enfance d'Héraclès, Les Plaintes du cyclope). Mais le recueil se termine sur un aveu de désarroi et un appel à la mort (Dies Irae). Cette poésie de solide facture n'est point impassible malgré son tour impersonnel, mais elle peut être jugée un peu trop apprêtée par souci de la dignité de l'art. Elle a servi de modèle aux Parnassiens (Théodore de Banville, Sully Prudhomme, François Coppée, José-Maria de Heredia). Elle a tenté Verlaine (Poèmes saturniens).