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PEREC Georges 1936-1982

PEREC Georges 1936-1982


Né à Paris, fils de juifs polonais (sa mère, sous l’Occupation, est arrêtée et mourra à Auschwitz).
On s’est interrogé sur les raisons de son apparent émerveillement sans cesse renouvelé pour la vie « de tous les jours » (Les Choses, son premier roman, 1965 ; Espèces d'espaces, 1974). Il s’en est expliqué à sa manière : il préférait le quotidien à L'Histoire avec sa grande Hache.
En vérité, il ne s’intéressait pas vraiment à son sujet ; et, par exemple, il ne critique nullement, dans Les Choses, les faux « besoins » qu’attise en chacun de nous la société de consommation : la « satire », la « sociologie », ce n’est pas une raison de vivre, c’est-à-dire pour lui une raison d’écrire : lui, il s’amuse, rien de plus.
Et ce, dès ses premiers livres qui sont conçus selon des « hyperstructures » comme dans les premiers romans de son maître Raymond Queneau. Il suivra celui-ci d’ailleurs, lorsque sera institué le très sérieux « Ouvroir de littérature potentielle » (abréviation : Ou-Li-Po) en 1960. On sait que pour les oulipiens fidèles et extasiés (c’est-à-dire Perec, mais aussi Jacques Roubaud, Italo Calvino...) la littérature est « un Jeu » et pas autre chose. Le plus grand poète n’est rien de plus qu’un artisan. Un « forgeron de rythmes » (selon Raymond Queneau ; Malherbe disait : un « arrangeur de syllabes »).

Georges Perec est bien le plus enragé - donc le plus joueur - des oulipiens : non content de se donner des contraintes « lipogrammatiques » dans de simples exercices, tels que les 176 brefs poèmes du recueil Alphabets (1976), il va poursuivre, sur toute la durée de tel roman, une féroce règle du jeu ; ainsi, en 1969, dans La Disparition, où la disparition en question est celle de la lettre e, tandis qu’il relèvera le « défi inverse » en 1972 (dans Les Revenentes, e est l’unique voyelle). Mais son chef-d’œuvre de « maître ouvrier » reste La Vie mode d'emploi (1978), roman dont les multiples éléments - les micro-romans successifs - s’emboîtent comme les pièces d’un jeu de patience. Pour ce faire, Georges Perec imagine [c’est lui qui parle] un immeuble parisien dont la façade à été enlevée de telle sorte que, du rez-de-chaussée aux mansardes, toutes les pièces qui se trouvent sur la rue soient immédiatement et simultanément visibles. Le plus étonnant, c’est qu’avec un point de départ aussi périlleux, nous le suivions sans faillir tout au long de cet énorme roman des romans, et que nous apprenions bientôt à «jouer », nous aussi. À jouer avec lui, Perec, qui connut là sa plus grande réussite (et pensait en tirer parti), devait mourir peu après d’un cancer, laissant inédits d’innombrables textes. Il ne s’était jamais pris au sérieux, il en fut bien puni.

Œuvres - En poche: les Choses (Le Livre de Poche). - La Vie mode d'emploi (id.). - La Disparition (coll. L'Imaginaire). - Un homme qui dort (Folio). - Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour? (id.).