Zola, Thérèse Raquin, Chapitre IV: Thérèse jouait avec une indifférence qui irritait Camille
Publié le 19/12/2021
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Zola, Thérèse Raquin, Chapitre IV
Thérèse jouait avec une indifférence qui irritait Camille.
Elle prenait sur elle François, le
gros chat tigré que Mme Raquin avait apporté de Vernon, elle le caressait d'une main,
tandis qu'elle posait les dominos de l'autre.
Les soirées du jeudi étaient un supplice pour
elle ; souvent elle se plaignait d'un malaise, d'une forte migraine, afin de ne pas jouer, de
rester là oisives, à moitié endormie.
Un coude sur la table, la joue appuyée sur la paume
de la main, elle regardait les invités de sa tante et de son mari, elle les voyait à travers
une sorte de brouillard jaune et fumeux qui sortait de la lampe.
Toutes ces têtes-là
l'exaspéraient.
Elle allait de l'une à l'autre avec des dégoûts profonds des irritations
sourdes.
Le vieux Michaud étalait une face blafarde, tachée de plaques rouges, une de ces
faces mortes de vieillard tombé en enfance ; Grivet avait le masque étroit, les yeux ronds,
les lèvres minces d'un crétin ; Olivier, dont les os perçaient les joues, portait gravement
sur un corps ridicule, une tête roide et insignifiante ; quant à Suzanne, la femme d'Olivier,
elle était toute pâle, les yeux vagues, les lèvres blanches, le visage mou.
Et Thérèse ne
trouvait pas un homme, pas un être vivant parmi ces créatures grotesques et sinistres
avec lesquels elle était enfermée ; parfois des hallucinations la prenaient, elle se croyait
enfouie au fond d'un caveau, en compagnie de cadavres mécaniques, remuant la tête,
agitant les jambes et les bras, lorsqu'on tirait des ficelles.
L'air épais de la salle à manger
l'étouffait ; le silence frissonnant, les lueurs jaunâtres de la lampe la pénétraient d'un
vague effroi, d'une angoisse inexprimable.
Contexte et éléments pour l'introduction
Thérèse Raquin est l'un des premiers romans d'Emile Zola, chef de file de l'école naturaliste
qui donne comme but à la littérature d'étudier le genre humain d'une manière réaliste et
quasiment scientifique.
Il faut avoir en tête cette visée particulière du naturalisme pour
commenter tout texte de Zola.
Ce roman assez bref raconte l’histoire du meurtre de son mari par Thérèse Raquin et son
amant, et de la lente et douloureuse expiation du couple adultère, qui aboutira à leur
suicide commun.
Le texte à commenter décrit une soirée monotone passée par Thérèse à
jouer aux dominos avec son mari, Camille, et leur entourage : cette scène est donc le
symbole de l’ennui qui poussera Thérèse à prendre un amant et qui entraînera le meurtre
de Camille.
Il apparaît à la fois comme une galerie de portraits de personnages ternes et
ennuyeux – c’est ainsi que Thérèse les perçoit – et comme une sorte d’étude de figures
naturaliste – les personnages sont en effet des types de l’humanité que Zola fait interagir
entre eux et soumet à certains déterminismes (sociaux, psychologiques, etc.), tel un
expérimentateur : il faudra interroger le texte sous ce double aspect, c’est-à-dire à la fois
en fonction de son rôle narratif, de ses caractéristiques formelles et de ses aspirations
théoriques et esthétiques.
L’axe de lecture pourrait donc être le suivant : montrer comment
Zola, à travers une peinture de l’entourage de Thérèse, dresse un portrait de cette dernière
et met en place les divers déterminismes, chez elle et dans son entourage, qui la
pousseront à l’adultère, au meurtre de son mari et à la déchéance.
Eléments pour le développement.
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