Zola, Nouveaux Contes à Ninon, « Le Forgeron ». Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
Zola, Nouveaux Contes à Ninon , « Le Forgeron » .
J’ai vécu une année chez le Forgeron, toute une année de convalescence.
J’avais
perdu mon c œur, perdu mon cerveau, j’étais parti, allant devant moi, me cherchant,
cherchant un coin de paix et de travail, où je pusse retrouver ma virilité.
C’est ainsi qu’un
soir, sur la route, après avoir dépassé le village, j’ai aperçu la forge, isolée, toute
flambante, plantée de travers à la croix des Quatre-Chemins.
La lueur était telle, que la
porte charretière, grande ouverte, incendiait le carrefour, et que les peupliers, rangés en
face, le long du ruisseau, fumaient comme des torches.
Au loin, au milieu de la douceur
du crépuscule, la cadence des marteaux sonnait à une demi-lieue, semblable au galop de
plus en plus rapproché de quelque régiment de fer.
Puis, là, sous la porte béante, dans la
clarté, dans le vacarme, dans l’ébranlement de ce tonnerre, je me suis arrêté, heureux,
consolé déjà, à voir ce travail, à regarder ces mains d’homme tordre et aplatir les barres
rouges.
J’ai vu, par ce soir d’automne, le Forgeron pour la première fois.
Il forgeait le soc
d’une charrue.
La chemise ouverte, montrant sa rude poitrine, où les côtes, à chaque
souffle, marquaient leur carcasse de métal éprouvé, il se renversait, prenait un élan,
abattait le marteau.
Et cela, sans un arrêt, avec un balancement souple et continu du
corps, avec une poussée implacable des muscles.
Le marteau tournait dans un cercle
régulier, emportant des étincelles, laissant derrière lui un éclair.
C’était « la Demoiselle »,
à laquelle le Forgeron donnait ainsi le branle, à deux mains ; tandis que son fils, un gaillard
de vingt ans, tenait le fer enflammé au bout de la pince, et tapait de son côté, tapait des
coups sourds qu’étouffait la danse éclatante de la terrible fillette du vieux.
Toc, toc, — toc,
toc, on eût dit la voix grave d’une mère encourageant les premiers bégayements d’un
enfant.
« La Demoiselle » valsait toujours, en secouant les paillettes de sa robe, en laissant
ses talons marqués dans le soc qu’elle façonnait, chaque fois qu’elle rebondissait sur
l’enclume.
Une flamme saignante coulait jusqu’à terre, éclairant les arêtes saillantes des
deux ouvriers, dont les grandes ombres s’allongeaient dans les coins sombres et confus de
la forge.
Peu à peu, l’incendie pâlit, le Forgeron s’arrêta.
Il resta noir, debout, appuyé sur
le manche du marteau, avec une sueur au front qu’il n’essuyait même pas.
J’entendais le
souffle de ses côtes encore ébranlées, dans le grondement du soufflet que son fils tirait,
d’une main lente.
Le soir, je couchais chez le Forgeron, et je ne m’en allais plus.
Il avait une chambre
libre, en haut, au-dessus de la forge, qu’il m’offrit et que j’acceptai.
Dès cinq heures, avant
le jour, j’entrais dans la besogne de mon hôte.
Je m’éveillais au rire de la maison entière,
qui s’animait jusqu’à la nuit de sa gaieté énorme.
Sous moi, les marteaux dansaient.
Il
semblait que « la Demoiselle » me jetât hors du lit, en tapant au plafond, en me traitant
de fainéant.
Toute la pauvre chambre, avec sa grande armoire, sa table de bois blanc, ses.
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