Zola: deuxième chapitre de La Curée. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
[Introduction]
D'aucuns se sont souvent intéressés aux frères ennemis (Caïn et Abel, Etéocle et
Polynice), aux jumeaux (Les Météores de Michel Tournier), au bâtard face aux fils
légitimes (Les Frères Karamazov de Dostoïevski).
Zola cherche plutôt à montrer les
orientations très différentes prises par des enfants issus du même lit : Etienne Lantier
incarne l'idéal révolutionnaire (Germinal), Jacques Lantier la folie homicide (La Bête
humaine) et Claude Lantier le génie de l'artiste-peintre (L' Œ uvre).
Du côté des Rougon,
la volonté de puissance se traduit chez Pierre par l'ambition politique, chez Aristide par la
soif de l'or, tandis que Pascal, le médecin, représente le désintéressement de l'homme de
science.
Dans le deuxième chapitre de La Curée, Aristide ronge son frein en silence, mais
un jour Pierre le convoque pour lui offrir une nomination.
Le dialogue inséré dans la
narration éclaire le lecteur sur la nature des rapports entre les deux frères et sur leur
décision de changer de patronyme, mais il a surtout pour fonction d'éclairer les
caractères.
[I.
Les relations entre les deux frères]
[1.
Le protecteur]
D'emblée, le dialogue instaure des relations de protecteur à protégé.
Pierre, le
protecteur, exerce son ascendant sur son cadet par ses cadeaux et ses conseils avisés,
mais lui fait savoir clairement qu'il exige de lui une bonne conduite et l'obéissance.
Avec
habileté, il commence par donner à Aristide la nomination qu'il vient d'obtenir pour lui,
faisant de son frère un obligé et l'incitant ainsi à la reconnaissance.
Non seulement il
attend l'expression de cette reconnaissance (« tu me remercieras un jour »), même s'il la
repousse à plus tard, mais il insiste sur l'excellence du choix, puisqu'il a pris soin de le
faire lui-même, ce qui justifie doublement la gratitude d'Aristide.
Ce sont deux moyens
de bien faire comprendre à Aristide qu'il a eu tort d'être déçu par la modestie de sa place
de commissaire voyer adjoint à l'Hôtel de Ville.
Dans un deuxième temps, il prodigue des conseils à Aristide, afin qu'il exploite au mieux
les avantages liés à sa nouvelle fonction.
Les futurs (« Tu n'auras qu'à...
», « tu
comprendras et tu agiras ») expriment des ordres dont il veut atténuer le caractère
impératif, 'habitude de commander reprend vite le dessus et les impératifs font leur
apparition : « retiens bien », « gagne beaucoup d'argent ».
Mais les conseils sont suivis d'une menace de mort : « seulement pas de bêtise, pas de
scandale trop bruyant, ou je te supprime ».
L'ellipse du verbe, la répétition de la
négation, la gradation de « bêtise » à « scandale » et la restriction « pas trop bruyant »
vont tous dans le même sens : signifier clairement à Aristide qu'il doit marcher droit et
renforcer la brutalité des derniers mots.
[2.
Le protégé]
Pendant que Pierre parle, Aristide l'écoute attentivement, sans l'interrompre, parce qu'il
éprouve du respect pour son aîné, qui a réussi, qui est proche du pouvoir et qui peut le
faire bénéficier de ses relations.
Il subit son ascendant sans amertume, car il sait qu'il
peut attendre beaucoup de lui.
Il se montre d'ailleurs de bonne composition : quand
Eugène propose le changement de patronyme, il en accepte l'idée sans hésitation : «
Comme tu voudras ».
En réalité, il entre dans cette placidité une part de dissimulation :
ayant eu la maladresse de manifester sa déception au début de la scène, il s'était fait
vertement reprendre par Eugène.
Il a donc appris les vertus du silence.
Les rapports de protecteur à protégé sont des rapports de supérieur à inférieur.
Aristide
sait qu'il doit accepter momentanément cette position subalterne et montrer de la
patience s'il veut réaliser ses ambitions.
Il sait se taire quand il le faut, mais dès qu'on le
sollicite, il ne se fait pas prier pour énoncer ses idées.
Dans la suite de la conversation, il
regagnera du terrain sur son frère.
[II.
La décision de changer de patronyme].
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