Zaïre (Congo-Kinshasa) 1994-1995
Publié le 13/09/2020
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Zaïre (Congo-Kinshasa) 1994-1995
En juin 1994, a été inauguré ce que l'on a appelé la "troisi
ème voie", c'est-à-dire une voie médiane entre
la mouvance du président Mobutu Sese Seko (au pouvoir depuis 1965)
et celle de l'opposition radicale,
menée principalement par l'opposant Étienne Tshisekedi.
Ainsi s'es
t trouvé remis en selle l'ancien Premier
commissaire d'État (Premier ministre en fonction de 1982 à 1986,
puis de 1988 à 1990) Kengo wa Dondo,
souvent considéré comme l'interlocuteur privilégié des insti
tutions financières internationales et des
coopérations bilatérales, et formellement apparenté à l'"uni
on sacrée" de l'opposition, avec laquelle son
parti, l'UDI (Union des démocrates indépendants), avait pris ses
distances depuis le début de l'année
1994.
Le label de "troisième voie" est toutefois sujet à caution.
Tout d
'abord, le mode de désignation de Kengo
Wa Dondo à la tête de l'exécutif zaïrois a été entaché
d'irrégularités.
Par ailleurs, la composition même de
la nouvelle équipe dirigeante, forte de 44 membres - chiffre qui rapp
elle les gouvernements "mammouth"
de la IIe République -, a laissé apparaître une forte prépon
dérance des membres de la nomenclature
politique des années quatre-vingt, aux principaux postes économiqu
es et financiers de l'État (Finances,
Économie, Plan, Coopération internationale).
Par ailleurs, 9 des
28 titulaires de postes ministériels sont
mentionnés dans la liste des 149 "barons", établie fin 1991 par la
Conférence nationale souveraine (CNS):
ils sont suspectés d'enrichissement personnel suite à leur partici
pation à la gestion de l'État.
Profitant de sa réputation de gestionnaire, le nouveau Premier minist
re a entrepris de restaurer la
crédibilité de l'État zaïrois.
Il a été décidé d
e geler toutes les transactions de la Banque centrale, de saisir
un avion transportant 30 tonnes de nouveaux billets de banque imprimé
s en Argentine sur décision du
précédent gouverneur de la Banque, d'expulser en février 1995 p
lusieurs centaines de Libanais accusés
de saboter l'économie zaïroise.
Enfin, en mars 1995, le licencieme
nt de 300 000 employés de l'État, fictifs
pour la plupart, a été annoncé.
Pendant que Kengo Wa Dondo s'évertuait, parfois théâtralement,
à faire montre d'autorité sur un État qui
a implosé, le président Mobutu continuait à arbitrer des jeux d
e cour entre clans rivaux ("clan" Bemba
Saolona, "clan" Seti, "clan" Kengo...) à partir de ses quartiers de
Kawele et Gbadolite, dans sa région
d'origine.
Il escomptait sans doute ainsi rester "incontournable" - surt
out grâce à sa division présidentielle
-, dans un pays en voie d'éclatement régional virtuel et où cer
taines dynamiques peuvent cependant voir
le jour à l'abri des lieux institutionnels du pouvoir.
L'année 1995 a cependant commencé sous le signe de l'accalmie, mê
me si on ne pouvait encore affirmer
qu'elle perdurerait.
Le président Mobutu a insensiblement renoué d
es liens à l'extérieur, notamment avec
le gouvernement français d'Edouard Balladur: on l'a même revu au "
sommet" social de Stockholm.
La
diplomatie de la Belgique (ancienne métropole coloniale) a, quant à
elle, continué à le bouder.
Sur le plan intérieur, l'opposition radicale ne s'est plus manifesté
e, sauf pour tenter de trouver un appui
auprès des forces politiques opposées au Premier ministre, y compr
is auprès de certains éléments de la
mouvance présidentielle.
A l'est, la situation s'est aggravée depuis la fin 1994 par la pré
sence de près de 1,5 million de réfugiés
rwandais (400 000 dans les environs de Bukavu, 800 000 à 900 000 à
la périphérie de Goma).
Bien que
les retours de Rwandais aient été nombreux dans le nord-ouest de l
eur pays, la plupart des réfugiés
regroupés autour de leurs bourgmestres ont persisté dans leur refu
s de retourner au pays
consécutivement aux rumeurs, souvent vérifiées, d'exécutions
sommaires perpétrées par l'Armée
patriotique rwandaise.
Beaucoup de ces réfugiés ont formé des b
andes de pillards armés, semant le
désordre dans la région, tandis que d'autres occupaient manu milit
ari des terres appartenant à des
villages zaïrois.
Une situation d'exception a été décrété
e dans le Kivu où les militaires zaïrois
(parachutistes et gardes civils), sans solde depuis plusieurs mois, so
nt apparus constituer un facteur
d'insécurité supplémentaire.
Les mesures prises par le gouvernement Kengo (rappel d'unités zaï
roises peu "sûres", déclarations
médiatisées sur l'obligation des réfugiés de rentrer chez eu
x) n'ont été que théoriques.
L'ancien
gouvernement rwandais en exil, dont les membres, accusés d'avoir inci
té au génocide de 1994, se sont
dispersés au Kivu et à Kinshasa, d'où ils ont continué à
diffuser des communiqués réclamant le retour.
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