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Wystan Hugh Auden

Publié le 09/12/2021

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Wystan Hugh Auden 1907-1973 Né à York, fils d'un médecin et d'une mère très dévote, Auden apporta à la poésie anglaise une sensibilité aiguë, angoissée, une haute intelligence et un don de synthèse exceptionnel, qui auraient pu laisser leur marque dans bien d'autres domaines. Issu de cette bourgeoisie aisée des Midlands, il reçoit l'éducation typique de l'intellectuel anglais ; pensionnat dans une de ces fameuses "public schools", suivi d'études supérieures à Oxford et de divers voyages en Europe ; il en sort particulièrement marqué de l'influence de l'Allemagne et de l'Italie. Formation, en somme, qui rappelle celle des poètes de la Renaissance. Lettres et langues anciennes et modernes, philosophie, économie, beaux-arts, rien n'échappe à sa curiosité insatiable. Plus tard, sa forte tête prématurément grise évoquait, déjà à quarante ans, celle du Docteur Faust, avec ces beaux yeux brûlants et brûlés contemplant tristement le monde, et ces rides comme une écriture secrète sillonnant un visage anormalement fatigué, patient et puissant, désabusé mais tendre. Mais cette lassitude n'est qu'apparente : ce poète la porte comme une sorte de distinction que confère une existence bien remplie, généreusement abandonnée à l'expérience, à la lutte, à la soif de la vérité et de la justice, à la création d'une belle œuvre. C'est ce profond regard de sage vulnérable, tout imprégné de souffrance et de joie, que nous retrouvons partout dans ses ouvrages.

« Wystan Hugh Auden1907-1973 Né à York, fils d'un médecin et d'une mère très dévote, Auden apporta à la poésie anglaise une sensibilité aiguë, angoissée, une hauteintelligence et un don de synthèse exceptionnel, qui auraient pu laisser leur marque dans bien d'autres domaines.

Issu de cettebourgeoisie aisée des Midlands, il reçoit l'éducation typique de l'intellectuel anglais ; pensionnat dans une de ces fameuses "publicschools", suivi d'études supérieures à Oxford et de divers voyages en Europe ; il en sort particulièrement marqué de l'influence del'Allemagne et de l'Italie.

Formation, en somme, qui rappelle celle des poètes de la Renaissance.

Lettres et langues anciennes etmodernes, philosophie, économie, beaux-arts, rien n'échappe à sa curiosité insatiable.

Plus tard, sa forte tête prématurément griseévoquait, déjà à quarante ans, celle du Docteur Faust, avec ces beaux yeux brûlants et brûlés contemplant tristement le monde, et cesrides comme une écriture secrète sillonnant un visage anormalement fatigué, patient et puissant, désabusé mais tendre.

Mais cettelassitude n'est qu'apparente : ce poète la porte comme une sorte de distinction que confère une existence bien remplie, généreusementabandonnée à l'expérience, à la lutte, à la soif de la vérité et de la justice, à la création d'une belle oeuvre.

C'est ce profond regard desage vulnérable, tout imprégné de souffrance et de joie, que nous retrouvons partout dans ses ouvrages. Auden débuta à un moment où la poésie cherchait de nouvelles voies ; où la conscience britannique reculait devant le spectacle de troismillions de chômeurs affamés ; où les voix de Mussolini, Hitler et Staline tonnaient sur l'Europe ; où les destins de notre payssemblaient être échoués entre des mains impuissantes et veules.

À Oxford — et partout dans les universités — la jeunesse se trouvaitdéchirée entre le pacifisme, le fascisme, le communisme et l'éternel laisser-faire.

Il fallait absolument que chacun s'engageât, pour lemal ou pour le pire. Son premier recueil de poèmes, paru en 1930, s'annonça comme une prière et une bombe.

Je n'oublierai jamais ce frémissement del'âme que produit la présence inattendue et bénie d'un esprit génial, de celui qui apporte courage et lumière.

C'était un appel au coeur,à la révolte.

C'était une encyclopédie des maux de ce temps-là, avec, en même temps, le portrait exact de notre pays et de sondilemme social et spirituel.

Il offrait aussi le portrait intime et amer de l'intellectuel moderne, parfaitement avisé de sa mission detransformer le monde, mais également conscient des contingences qui l'empêcheraient, fatalement, d'accomplir son glorieux destin.Une poésie instruite, honnête enfin.

Avec cela, une virtuosité extravagante, pastiches et parodies de Shakespeare, Tennyson, Graves,Eliot et de tant d'autres idoles. Auden avait réussi, du coup, l'immense gageure de distiller en une trentaine de poèmes, tout le climat social et politique du temps ; defaire la synthèse de la pensée de Marx et de Freud, et de donner au monde la couleur de son propre esprit.

En même temps, il ranimaitmaint élément précieux de la tradition poétique qui avait échappé à ses précurseurs.

Avec une élégance déroutante, il revêtait ses"pensers nouveaux" des modulations de voix disparues.

Virtuose du vers, il a parfois abusé de sa facilité linguistique ; il hésitaitsouvent entre le ton noble et le ton populaire ou vulgaire, et en faisait de curieux amalgames.On attendait donc dans l'impatience les nombreux ouvrages qui, pendant cette décennie, sortaient de sa plume ensorcelée.

Voici TheOrators, journal héroïque, genre un peu Saint-Exupéry, mais légèrement décevant ; puis, Look, Stranger (1936), poèmes vibrantscélébrant l'amour tout en esquissant un remarquable panorama de son pays.

Sa grande ode, Spain, l'un des poèmes les plusmémorables du siècle, interprétait sous une forme symphonique le drame espagnol qui a servi de catalyseur à sa génération.

Vintaprès son délicieux Trip to Iceland, pétillant d'esprit et d'humour : ici, il s'affuble du manteau de Byron pour se donner des allures deChilde Harold ; là, dans des vers cocasses, il emprunte le style de Villon pour léguer à ses amis d'Oxford des biens imaginaires.

Puis cefut Journey to a War, description en prose et en vers de sa visite en Chine qui nous rappelle sa volonté de rapprocher la poésie dureportage. À la veille de la guerre, pour des raisons sans doute très personnelles mais où il entrait un certain dégoût de l'Europe pour avoirabandonné l'Espagne à l'assassin, Auden avait déjà élu domicile en Amérique.

Sur le coup, cet éloignement, cette évasion, ont frappéses contemporains comme une trahison.

Nous avions trop compté sur lui pour faire front avec nous contre l'ennemi fasciste qu'il avaitété le premier à dénoncer.

J'ai exprimé ailleurs à cette époque (dans Auden and Afler) cette déception (mal comprise des jeunesd'aujourd'hui), à laquelle venait s'ajouter un autre sujet d'inquiétude : ce poète qui avait de si profondes racines en Angleterre,comment pourrait-il écrire quelque chose de valable, là-bas ? Ces craintes étaient en partie bien justifiées.

Son exil a mis fin, parexemple, à son théâtre expérimental.

Il avait débuté avec The Dance of Death, allégorie de la mort d'une société méchammentcapitaliste.

Vint ensuite The Dog beneath the Skin, allégorie politique prêchant une doctrine semblable mais que rachètent quelquesscènes d'un comique ineffable.

The Ascent of F6 (1936) est le drame psychologique de la jeunesse immolée aux fausses valeurs d'unesociété cruellement égarée.

Finalement, l'émouvant On the Frontier mettait en scène deux familles "ennemies", partageant la mêmemaison que traverse la frontière entre deux pays en état de guerre.

Toutes ces pièces, créées en collaboration avec Isherwood, sontmarquées de l'influence de Lorca, Toller, Brecht, mais pourtant très originales.

Écrites en un mélange de vers et de prose, pathétiqueset comiques à la fois et manifestant toujours une énorme vitalité lyrique, elles avaient toutes les qualités requises pour la création d'unthéâtre populaire mais intelligent.

La mort de cette collaboration a été un désastre.

Depuis, il est vrai, Auden a fait pour Britten lelibretto superbe du Rake's Progres ; il a traduit en anglais le Don Giovanni de Da Ponte. En 1940, Auden a sorti son meilleur recueil, Another Time, son adieu à l'Europe où il évoque l'essence de la civilisation occidentale.

NewYear Letter (1941), espèce de traité ou testament politique en vers, est peut-être moins réussi.

Désormais la manière et lespréoccupations d'Auden devaient subir une transformation.

Depuis la mort de sa mère, en 1941, il est obsédé par le problèmereligieux.

For the time being (1947) renferme un brillant commentaire de la condition humaine (sous forme d'une sorte d'épilogue à LaTempête de Shakespeare) et un bel ouvrage religieux, le "mystère" du Christmas Oratorio.

Son scénario quasi dramatique The Age ofAnxiety sonde les abîmes de la solitude de l'homme moderne et semble annoncer les Beatnik : les échos de divers philosophes del'existence y sont peut-être trop apparents.

Depuis, ses divers recueils (Nones, 1951 ; The Shield of Achilles, 1955 ; Homage to Clio,1960) offrent une poésie plutôt hermétique, bien que parfois légère : formes complexes, langage volontairement abstrait, syntaxenoueuse et touffue, strophes de vingt vers ou plus — tout cela contribue à rendre pénible la lecture de cette poésie savante.. »

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