Wilhelmine

« Wilhelmine Le 6 septembre 1898, appelée à dix-huit ans à régner sur les Pays-Bas, la jeune reine Wilhelmine, devant lesmembres des États Généraux, prêta serment en ces termes : "Je jure au peuple néerlandais que je maintiendrai etsauvegarderai en toute circonstance la Constitution.

Je jure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pourdéfendre et respecter l'indépendance du royaume et de son territoire, que je protégerai la liberté de tous et dechacun et les droits de tous mes sujets et que j'utiliserai tous les moyens que les lois mettent à ma disposition pourfavoriser la prospérité nationale, comme il est du devoir de tout bon roi.

Je jure de régner comme on l'attend d'unesouveraine issue de la maison d'Orange." Cinquante ans plus tard, en transmettant de propos délibéré le lourd fardeau du pouvoir à Juliana, son uniqueenfant, Wilhelmine, renonçant au titre de reine pour reprendre celui de princesse, trouva les mots qui traduisaientles aspirations de son cœur au terme d'un demi-siècle de règne : "La confiance et l'appréciation sont des biensprécieux qu'il ne faut pas laisser se dissoudre dans la discorde et la prépondérance d'intérêts personnels.

Montrez-vous à la hauteur de la grande époque que nous vivons, l'esprit ouvert en face des événements internationaux.Faites votre devoir envers vous-mêmes et envers la patrie, envers nos alliés et la grande communauté des peuples." Entre ces deux engagements publics, séparés par cinquante ans de règne, s'est déroulée une vie de femme et dereine qui fut le reflet d'une existence de Grande Dame et d'un exceptionnel destin d'homme d'État. Au déclin du XIXe siècle, l'avenir de la maison d'Orange semblait irrémédiablement compromis.

L'épouse du roiGuillaume III était morte en 1877.

Leurs deux fils, Guillaume et Alexandre, disparurent en peu d'années, ainsi que lepopulaire prince Henri, frère du roi.

La dynastie des Pays-Bas fut sauvée par une princesse de vingt ans, Emma deWaldeck-Pyrmont, qui épousa le vieux monarque, dernier descendant de la lignée des princes d'Orange, étroitementassociés pendant trois siècles aux destinées du peuple néerlandais.

De cette union naquit, le 31 août 1880,Wilhelmine, princesse d'Orange-Nassau. L'enfant de l'État, comme on l'appelait, eut une prime jeunesse heureuse bien que solitaire.

Une stricte éducation deprince fit d'elle une petite fille douée pour les beaux-arts, les sciences morales et politiques, les belles-lettres.

Elleéprouva bientôt une véritable passion pour la peinture et, pendant toute sa vie, elle exécuta des tableaux d'honnêtequalité qu'elle exposa souvent au bénéfice d'œuvres de bienfaisance. En 1890, l'enfance de Wilhelmine prit fin par la maladie du roi.

Guillaume III renonça au pouvoir, confia la régence àla reine Emma, et deux mois plus tard, s'éteignit.

Wilhelmine, princesse héritière, allait, dès l'âge de dix ans, au côtéde sa mère, connaître les devoirs de la charge qu'elle assumera pleinement à dix-huit ans.

La régence d'Emma futune époque heureuse pour le pays.

Lorsque la reine mère abdiqua en faveur de Wilhelmine, elle eut ce mot qui estresté célèbre : "Que notre nation soit grande dans tous les domaines où une petite nation peut être grande." Ilsemble bien que sa fille prit à tâche de pratiquer cette philosophie malgré les temps troublés qui marquèrent sonrègne. Dès le début de son règne, les difficultés ne firent pas défaut.

Le socialisme naissant avait décliné, pour ses troisélus aux États Généraux, l'honneur d'être présent au couronnement, car "l'utilisation faite de la tradition d'Orangenous oblige à nous tenir éloignés des lieux où l'on acclame ce nom". Reine constitutionnelle, Wilhelmine allait démontrer bientôt que la monarchie, telle qu'elle s'est développée aux Pays-Bas, pouvait être, à une époque où l'ingérence de l'État dans la vie nationale ne cessait de grandir, la conscience dugouvernement en régime parlementaire et la sauvegarde de la gestion démocratique. Dès 1899, Wilhelmine accueille pendant deux mois, à La Haye, la Conférence de la Paix à laquelle assistent lesreprésentants de vingt-six États.

Les deux républiques des Boers le Transvaal et l'État libre d'Orange n'ont pas étéinvitées sous la pression de l'Angleterre.

La même année, la guerre paraissait inévitable en Afrique du Sud et lajeune Wilhelmine écrivit à la reine Victoria une lettre personnelle lui demandant d'éviter un conflit.

Les Boersproposèrent de soumettre le différend à un arbitrage (la Conférence de la Paix avait obtenu comme seul résultatpositif la création d'une Cour permanente d'arbitrage) mais en vain.

Wilhelmine envoya au-devant du présidentKrüger un bâtiment de guerre le croiseur Gelderland et lui offrit asile aux Pays-Bas.

Cet acte de courage, salué avecferveur dans le monde non britannique, forgea le caractère de la jeune femme, à laquelle les épreuves n'allaient pasmanquer.

Un an plus tard éclatèrent les premières grèves ouvrières aux Pays-Bas. La nation faisait avec étonnement son entrée dans le XXe siècle.

L'essor considérable de l'industrie, les rapportstraditionnels entre le travail et le capital, les intérêts divergents des individus et de la collectivité, la fragilité del'équilibre politique international, autant de soucis pour les gouvernements successifs de la jeune souveraine.

SonPremier ministre Pierson note l'intérêt qu'elle porte aux questions budgétaires, au problème des logements populaires,aux activités sociales du gouvernement, à l'instruction publique, aux événements d'outre-mer.

La Conférence de laPaix de La Haye donne à la jeune fille de dix-huit ans l'occasion d'affronter les tensions, les discordes, les offensesdiplomatiques que les ministres et les militaires ont transportées sur le forum des Pays-Bas. La reine Wilhelmine épousa, le 7 février 1901, le duc Henri de Mecklemburg-Schwerin, "un bon jeune homme sans. »