Vous allez prochainement exercer une activité professionnelle. Qu'en attendez-vous personnellement ? Quelle place lui consacrerez-vous dans la vie ?
Publié le 16/07/2020
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« LE TRAVAIL Texte. - -Notre atelier est immense, barré de poutrelles de fer entre lesquelles zigzaguent des courroies tournant à pleine . vitesse. On dirait une fantastique forêt dont le vent tordrait en sifflant les branches dénudées et noires. Quand nous travaillons, nous nous confondons avec les machines. De loin, l'atelier paraît désert. A la sortie, nous sommes A l'usine, on fabrique des avions des voitures et du matériel d'armement... On s'installe. Les tours ronflent. Les courroies tournent. L'atelier vibre. On plonge les mains dans l'huile. On en a les doigts qui dégouttent comme les feuilles après la pluie. L'huile clapote. Elle mouille nos bras, nous saute au visage et nous envahit. A mesure que les tours ronflent, que les courroies tournent, que l'atelier vibre, que l'huile nous trempe ; à mesure que le rythme nous prend et nous emporte, notre vie, avec ses joies et ses peines, ses souvenirs, ses soucis et son destin, se retire de nous. Elle va rejoindre au vestiaire notre robe personnelle et nous l'y retrouvons collée à ses plis. En attendant, elle nous quitte. Trempées d'huile et de sueur, chacune devant sa machine, les mains promptes, l'oeil attentif, l'effort tendu, nous sommes entraînées par la même cadence, et comme roulées toutes ensemble par le même flot. Il n'y a plus la brune, la blonde, la rouquine, ni Mariette, ni Laura, ni Mathilde. Il y a l'atelier où Jes machines et les femmes forment un tout obéissant au même mouvement. Nous n'aimons pas notre travail. On aime ce qu'on fait en y mettant de soi. Pas le reste. On aime une besogne si on la domine, et si, par cela même, on la peut perfectionner. On aime coudre, laver, tricoter, cuisiner. On aime ce qu'on façonne, ce qu'on crée. On aime étaler de la couleur sur une planche, de la cire sur un meuble, de l'eau savonneuse sur un parquet. On peut aimer lessiver, repasser, cirer des souliers ou éplucher des légumes, créer de la propreté, de la beauté, de la nourriture, si humbles soient-elles. Et l'on s'y attache d'autant plus qu'on y met plus de goût, plus de coeur, plus d'esprit. On n'aime pas servir une machine qui est réglée une fois pour toutes,. à laquelle on ne comprend rien et qui débite des choses, toujours les mêmes. On adapte ses mouvements à son mouvement. Ni le coeur ni l'esprit n'entrent en jeu. Seulement les muscles qui se contractent ou se rétractent selon un même rythme, et le sang qui bat et s'enfièvre également selon ce même rythme. C'est le rythme qui commande. Il nous possède et nous sommes comme fondues en une même obéissance inconsciente une obéissance de la chair et du sang qui fait de tout l'atelier un seul corps. Quand la cadence s'apaise, elle demeure encore en nous, un moment. Si à ce moment une bouche crie, toutes crient. Si une gorge lance un rire, toutes lui font écho. Puis le silence nous sépare. Et nous reprenons chacune notre vie personnelle en nous rhabillant au vestiaire. Marcelle Carpy, Avec les travailleuses de France. ...»
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