VOLTAIRE POÈTE

« VOLTAIRE POÈTE A).

Le poète épique. — Voltaire manquait trop de sensibilité naïve et d'imagination, il avait trop de bon sens ironique, il avait aussi le goûttrop étroit pour réussir dans l'épopée.— La Henriade est un poème épique en dix chants, construit sur un sujet historique.

Le héros principal est Henri deNavarre conquérant le trône d'Henri IV.

Les autres héros sont Henri III, Henri de Guise, Mayenne, Du.

plessis-Mornay.

Les épisodes historiques marquants sont la Saint-Barthélemy, les assassinats de Guise et d'Henri III, labataille d'Ivry, la bataille sous les murs de Paris, la conversion d'Henri IV.— A ce sujet historique et sans éléments légendaires, il fallait donner tout de même une valeur épique.

Voltaire s'yest employé par divers moyens.Il a élevé les hommes et les événements à la dignité de symboles : Henri IV, roi populaire, est le héros de clémenceet d'humanité qui triomphe du fanatisme, et tout le poème tend à donner une haute leçon de tolérante; moyenheureux, grâce auquel Voltaire aurait pu écrire une belle épopée philosophique, s'il n'avait gâté son oeuvre pard'autres moyens trop artificiels.Il a en effet inventé des épisodes, pour les charger de significations partisanes et politiques (par exemple, Henriallant en Angleterre demander des secours à Elisabeth sert de prétexte à décrire et à louer lé gouvernement libéraldes Anglais) et même de visions purement allégoriques (par exemple, saint Louis fait contempler à Henri IV,transporté au ciel pendant son sommeil, la lignée des futurs grands hommes de la France, de Charlemagne à LouisXV, de la Trémoille à Villars).

De tels épisodes font disparate dans un récit qui reste essentiellement historique, ils yintroduisent de la fausseté et de la froideur.Le merveilleux n'a pas été oublié.

C'est la Vérité, qui décide les Parisiens à ouvrir leurs portes à Henri; c'est, laDiscorde, qui arme le bras de Jacques Clément pour abattre Henri III; c'est l'Amour, qui, sur les instances de laDiscorde, séduit Henri et l'enlève à l'armée pour le retenir auprès de Gabrielle d'Estrées à qui l'austère Duplessy-Mornay viendra l'arracher.

Ce, merveilleux, fait de pur procédé, est je glace du poème.Enfin, les imitations de l'Enéide et les procédés vieillis (songes, prédictions, descriptions) achèvent d'étouffer toutevie véritable dans ce 'poème, qui, par surcroît, a été écrit en alexandrins assez monotones.— Néanmoins la Henriade célèbre un grand roi, une haute pensée l'anime, ses vers montrent çà et là de la vigueur,et nous ne devons pas oublier que cette épopée acquit à Voltaire vivant une gloire européenne. B).

Le poète philosophe.

— Voltaire obtint presque autant de succès avec ses poèmes philosophiques qu'avec sa Henriade.

Il fut, au XVIIIesiècle le prince des poètes.— Ses grands poèmes philosophiques sont les Discours sur l'Homme, La loi naturelle, le Poème sur le désastre deLisbonne.a) Les Discours sur l'Homme, au nombre de sept (de l'égalité des conditions, de la liberté, de la modération, etc.),expriment les idées de Voltaire sur Dieu, la sagesse, l'espoir humain.b) Le poème de la Loi naturelle contient le credo de Voltaire, plus élevé que ne le laissaient entrevoir les autrespoèmes.c) Le poème sur le Désastre de Lisbonne, connu contre les optimistes qui prétendaient, à la suite de Leibnitz, quetout est bien dans ce monde, atteignait de ses coups la Providence des chrétiens et souleva la protestation deRousseau.

Les poèmes philosophiques de Voltaire sont plus idéologiques que vraiment poétiques, ils contiennent de la raison envers plutôt que de la poésie proprement dite.

Néanmoins ils se développent avec une éloquence harmonieuse, etcette éloquence atteint à la poésie véritable dans certains pas sages.

Par exemple, à la fin du poème sur ledésastre de Lisbonne, quand Voltaire s'émeut de la misère de l'homme et de son ignorance, du mystère de ladestinée et de l'espérance en Dieu, nous avons la surprise d'entendre des vers magnifiques qui semblent annoncerLamartine. C).

Le poète satirique. — Les satires de Voltaire sont le Mondain, le Pauvre diable, la Vanité, le Russe à Paris.

— a) La Vanité est unediatribe contre le poète Le Franc de Pompignan.

— b) Le Pauvre diable est l'odyssée d'un déclassé qui passe àtravers tous les métiers et sert de secrétaire à différents ennemis de Voltaire, lequel en profite pour les bafouer :Fréron offre la meilleure cible.

— c) Le Russe à Paris s'en prend, sous forme de dialogue, à tous les ennemis deVoltaire : Pompignan, Fréron, le jésuite Nonotte.

— d) Dans le Mondain, Voltaire raille les moralistes chagrinsoccupés à regretter toujours le bon vieux temps et fait l'apologie de son siècle où le bien-être, le luxe, les arts, lescommodités et les plaisirs rendent la vie douce.

Chemin faisant, il glisse à l'irrévérence impie en évoquant la barbaried'Adam et d'Eve.

Tel vers :. »