Voltaire, Micromégas, chapitre 3. VOYAGE DES DEUX HABITANTS DE SIRIUS ET DE SATURNE. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
Voltaire, Micromégas , chapitre 3.
VOYAGE DES DEUX HABITANTS DE SIRIUS ET DE SATURNE
Nos deux philosophes étaient prêts à s'embarquer dans l'atmosphère de Saturne
avec une fort jolie provision d'instruments mathématiques, lorsque la maîtresse du
Saturnien qui en eut des nouvelles, vint en larmes faire ses remontrances.
C'était une jolie
petite brune qui n'avait que six cent soixante toises, mais qui réparait par bien des
agréments la petitesse de sa taille.
«Ah! cruel! s'écria-t-elle, après t'avoir résisté quinze
cents ans lorsque enfin je commençais à me rendre, quand j'ai à peine passé cent ans
entre tes bras.
tu me quittes pour aller voyager avec un géant d'un autre monde; va, tu
n'es qu'un curieux, tu n'as jamais eu d'amour : si tu étais un vrai Saturnien, tu serais
fidèle.
Où vas-tu courir ? Que veux-tu ? Nos cinq lunes sont moins errantes que toi, notre
anneau est moins changeant.
Voilà qui est fait, je n'aimerai jamais plus personne.» Le
philosophe l'embrassa, pleura avec elle, tout philosophe qu'il était; et la dame, après s'être
pâmée, alla se consoler avec un petit-maître du pays.
Cependant nos deux curieux
partirent; ils sautèrent d'abord sur l'anneau., qu'ils trouvèrent assez plat, comme l'a fort
bien deviné un illustre habitant de notre petit globe; de là ils allèrent de lune en lune.
Une
comète passait tout auprès de la dernière; ils s'élancèrent sur elle avec leurs domestiques
et leurs instruments.
Quand ils eurent fait environ cent cinquante millions de lieues, ils
rencontrèrent les satellites de Jupiter.
Ils passèrent dans Jupiter même, et y restèrent une
année, pendant laquelle ils apprirent de fort beaux secrets qui seraient actuellement sous
presse sans messieurs les inquisiteurs, qui ont trouvé quelques propositions un peu dures.
Mais j'en ai lu le manuscrit dans la bibliothèque de l'illustre archevêque de..., qui m'a laissé
voir ses livres avec cette générosité et cette bonté qu'on ne saurait assez louer.
Mais
revenons à nos voyageurs.
En sortant de Jupiter, ils traversèrent un espace d'environ cent
millions de lieues, et ils côtoyèrent la planète de Mars, qui, comme on sait, est cinq fois
plus petite que notre petit globe; ils virent deux lunes qui servent à cette planète, et qui
ont échappé aux regards de nos astronomes.
Je sais bien que le père Castel écrira, et
même assez plaisamment, contre l'existence de ces deux lunes; mais je m'en rapporte à
ceux qui raisonnent par analogie.
Ces bons philosophes-là savent combien il serait difficile
que Mars, qui est si loin du soleil, se passât à moins de deux lunes.
Quoi qu'il en soit, nos
gens trouvèrent cela si petit qu'ils craignirent de n'y pas trouver de quoi coucher, et ils
passèrent leur chemin comme deux voyageurs qui dédaignent un mauvais cabaret de
village et poussent jusqu'à la ville voisine.
Mais le Sirien et son compagnon se repentirent
bientôt.
Ils allèrent longtemps, et ne trouvèrent rien.
Enfin ils aperçurent une petite lueur:
c'était la terre: cela fit pitié à des gens qui venaient de Jupiter.
Cependant, de peur de se
repentir une seconde fois, ils résolurent de débarquer.
Ils passèrent sur la queue de la
comète, et, trouvant une aurore boréale toute prête, ils se mirent dedans, et arrivèrent à.
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