Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
Publié le 09/12/2021
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Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M.
Pascal écrivit cesPensées était de montrer l'homme sous un jour odieux.
Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux.
Ilécrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites.
Il impute à l'essence de notre nature cequi n'appartient qu'à certains hommes.
Il dit éloquemment des injures au genre humain.
» Expliquer et discuter cejugement.
Le sujet vous demande une dissertation explicative et une dissertation polémique.
Mais il ne faut pas vous trompersur cette explication et cette discussion.
Il ne s'agit pas d'expliquer, en les analysant, des expressions ou phrasescomplexes; Voltaire dit nettement ce qu'il veut dire.
Mais il faut expliquer comment ce jugement se rapporte, bien oumal, à l'œuvre de Pascal, comparer l'œuvre réelle à ce qu'en dit Voltaire.
Vous n'avez pas à nous dire si vous êtesd'accord soit avec Pascal, soit avec Voltaire, sur la nature humaine; mais simplement à chercher si le jugement de Voltaire est exact et complet.
On vous demande donc une explicationhistorique (C.
P., p.
150), une comparaison entre la description de Pascal parVoltaire et le vrai Pascal.Ce vrai Pascal a bien en effet voulu montrer à l'homme sa misère et cettemisère ne saurait être guérie par les moyens que l'on cherche en dehors de lareligion.
L'homme veut être heureux et il poursuit son bonheur dans les plaisirsde cette terre ; mais ces plaisirs lui paraissent sans saveur dès qu'il les aatteints-, au lieu du bonheur il ne trouve que la satiété et l'ennui.
Peut-il dumoins acquérir la sagesse que lui conseille Montaigne, ce scepticismebienveillant, cette modération prudente, ces plaisirs de l'esprit et du corpsjudicieusement choisis? Non, car une éternelle inquiétude le tourmente; il luifaudra aller de divertissements vains en divertissements plus vains encoresans trouver nulle part le repos.
S'il cherche à réfléchir, à se comprendre pouratteindre, par la raison, cette vérité certaine, tout lui échappe et la raison estimpuissante; nulle part il ne trouvera une vérité, une raison d'être :philosophies, sciences, lois, coutumes ne sont que des chimères, despuissances trompeuses, des conventions, des préjugés.Voltaire a donc parfaitement raison de dire que Pascal a voulu nous peindre «malheureux » et nous montrer que « l'essence de notre nature estmalheureuse ».
Mais il fausse le dessein de Pascal en prétendant qu'il a voulunous peindre « méchants ».
Pascal n'est pas un pessimiste absolu comme La Rochefoucauld.
Pour lui l'homme n'est malheureux et méchant que sans Dieu.
S'il se tourne vers Dieu, il retrouverasa grandeur et la seule forme de bonheur que la vie puisse lui donner.
Seulement ce bonheur est hors de cette terre; il a pour première condition le renoncement à toutes les joies qui sont de ce monde, même à celles qui semblentles plus innocentes.
Il n'y a de salut que dans une religion ascétique.
Or, Voltaire, comme tous les philosophes duxviiie siècle, veut enseigner une morale « laïque » qui assure, sur cette terre, le bonheur de chacun et de tous; ilest convaincu que l'homme, bien dirigé et bien gouverné, peut être bon, humain et heureux, et jouir légitimementdes biens de ce monde sans penser au ciel ni à l'enfer.
Il y a opposition absolue entre une pareille doctrine et ladoctrine de Pascal..
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