Vivre sans l'écrit est-il concevable ?
Publié le 09/12/2021
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La querelle entre la civilisation de l'écrit et celle de l'audiovisuel n'est pas nouvelle, pas plus que la polémique à propos de la baisse deniveau et de l'inculture.
Un phénomène nouveau apparaît cependant, celui de l'illettrisme par manque de pratique.
Il touche un grandnombre d'individus, dans des pays privilégiés, qui historiquement pensaient avoir depuis longtemps réglé le problème del'analphabétisme.
Le fléau est réel, témoin cette série d'émissions de télévision qui montraient les multiples problèmes quotidiensauxquels sont confrontés ces nouveaux exclus.Peut-on pratiquement, intellectuellement, moralement vivre ou survivre dans une société « sans l'écrit » ou est-ce, comme le pensel'auteur de l'article, « inconcevable » ?
I.
Problèmes pratiques.
A.
La vie quotidienne.• En dépit des apparences, la plupart des gestes élémentaires demande de savoir lire et écrire.
L'émission de télévision précédemmentcitée insistait sur les problèmes quotidiens.Exemples : noter un message téléphonique, lire une recette de cuisine (une des personnes interviewées montrait ses recettesdessinées), lire un mode d'emploi, un plan de ville, de métro, un nom de rue, une direction d'autobus, une ordonnance, une posologie,etc.• Dans le monde du travail, les problèmes s'aggravent et la nécessité de maîtriser l'écriture et la lecture devient impérieuse.Exemples : circulaires, rapports, notices d'emploi de machines, curriculum vitce, lettres d'embauché et, lors du chômage, formulairesdivers...
B.
Conséquences.Insertion difficile sinon impossible.
Difficultés sans nombre.
Honte.Adaptation perpétuelle pour remédier à une situation intenable.Noter que l'écriture et la lecture sont donc indispensables même dans une société qui adopte de plus en plus de codes imagés, parexemple les nombreux logos (dessins pour indiquer les parties non-fumeurs, fumeurs, les zones pour handicapés, la protection de laterre contre les produits détruisant la couche d'ozone, etc.).
II.
Le vide intellectuel.
A.
Manque de structures.
• Origines de l'illettrisme :- structures familiales culturelles insuffisantes ;- échec scolaire à l'origine ;- toute-puissance de l'audiovisuel.• Conséquences intellectuelles :- incapacité à formuler une pensée sans passer par l'image ;- difficulté à élaborer des concepts abstraits ;- difficulté à analyser l'image elle-même (qui est abordée, consommée sans regard critique).
B.
Pas de lecture : conséquences.Linguistique : vocabulaire, syntaxe, orthographe.Intellectuelle : méconnaissance de tout un patrimoine artistique, du plaisir de lire, de discuter, d'opposer des idées.Individuelle : le silence, la solitude, la concentration que requiert la lecture, exercice peut-être de plus en plus difficile à mener dansnotre société.
Le danger est non seulement d'ordre social et culturel, mais également individuel.
L'abus du tout audiovisuel mutile l'être, comme entémoigne le cri d'alarme de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury par exemple.
III.
Dangers de la manipulation.
A.
L'abus engendré par l'image.Contrairement à l'opinion générale, l'image n'est pas le symbole de l'objectivité.
Coupée, présentée et commentée de telle ou telleautre pensée, elle sert le discours de celui qui la prononce.Le consommateur d'images ne réfléchit plus, ne réagit plus, il absorbe passivement.Exemple : la mort filmée en direct d'Omeyra, la petite Colombienne ; la tuerie du stade du Heysel ; les images en direct de larévolution roumaine...
B.
Danger de la médiatisation.• En politique, par exemple, une bonne « prestation » télévisée est un gage de réussite pour un candidat : est-ce le seul et le meilleurcritère d'appréciation ?• Dangers accrus de la propagande qui dispose de moyens techniques supérieurs à ceux mis en place par un Goebbels par exemple.
C.
Danger social.L'abus de tout audiovisuel creuse l'écart social, accentue les clivages.
L'écrit doit être le partage de tous ; favoriser l'oral chez certains,c'est refuser l'accès à la culture pour tous.
Conclusion.
Notre société a, pour sa plus grande honte, ressuscité une nouvelle forme d'analphabétisme.
Né de la désaffection de la chose écrite etlue, c'est le symptôme le plus criant des abus de la société audiovisuelle.
Nombreux sont les problèmes pratiques, intellectuels etsociaux de ces marginaux, de ces parents pauvres de l'ère de la prétendue communication.
En effet, vivre sans l'écrit paraît impossibledans notre société, même si elle multiplie les gadgets sonores et visuels, les logos qui font l'économie des mots et assassine l'imprimépar tous les moyens.Aux problèmes pratiques s'ajoute une véritable mutilation intellectuelle qui enferme ces nouveaux illettrés dans un ghetto, les prive dela culture et les livre sans défense à la première image ou au premier amalgame sonore, le slogan, dans sa forme la plus oppressive..
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