Victor HUGO, Ruy Blas, acte III, scène 5 (vers 1395 -1431) : lecture analytique.
Publié le 15/05/2020
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Victor HUGO, Ruy Blas, acte III, scène 5 (vers 1395 -1431) : lecture analytique.
Problématique : Analysez le caractère diabolique de don Salluste dans cet extrait.
Introduction :
En 1838, lorsque le drame romantique Ruy Blas de Victor Hugo est joué sur scène au théâtre de la Renaissance àParis, le spectateur savoure ce moment du nœud de l’intrigue où le héros éponyme est parvenu au faîte de lapuissance politique et du bonheur après l’aveu d’amour de la reine.
Mais, dans la dernière scène de l’acte III, leretour soudain sur scène de don Salluste, son véritable maître, le ramène brutalement à sa situation de laquaismanipulé par le redoutable Grand d’Espagne et constitue un coup de théâtre fondé sur le décalage entre lesaspirations idéalisées de Ruy Blas et la vengeance savamment orchestrée de don Salluste à l’égard de la Reine.
Nousnous attacherons à analyser le caractère diabolique (= maléfique, pervers, inquiétant, à l’image du diable) de cepersonnage manipulateur.
Pour ce faire, nous étudierons tout d’abord le portrait de don Salluste, maître implacableet inhumain, puis nous analyserons sa détermination machiavélique, enfin ses conséquences sur l’esprit de Ruy Blas,anéanti par ce retour dévastateur.
I ) Don Salluste, un maître implacable et inhumain :
Don Salluste apparaît comme un homme redoutable à la parfaite maîtrise à travers un double portrait qui se faitécho.
Ainsi l’extrait s’ouvre sur une réplique de Ruy Blas, marquée par le champ lexical de la peur lorsqu’il compose leportrait de son maître :• « un homme effrayant » (v.1396)• « je suis dans une main terrible » (v.1398)• « Vous avez des projets monstrueux » (v.1399)• « quelque chose d’horrible » (v.1400) les quatre adjectifs qualificatifs et la métonymie du v.1398 soulignent et renforcent la puissance de don Sallusteen deux temps : tout d’abord ils traduisent le sentiment de grande peur qu’inspire le personnage puis ilscaractérisent son projet de vengeance comme un acte abominable.
Ils donnent tout leur sens à la didascalie qui lesintroduit : « chancelant et le regardant avec épouvante » : l’épouvante est l’expression d’une terreur soudainecausée par qc d’inattendu et de dangereux, ici le retour inopiné de don Salluste qui a brisé par sa seule présence lagrandeur politique et sentimentale de Ruy Blas.
A ce portrait du maître par le valet répond celui du valet par le maître dans la tirade de don Salluste qui clôtl’extrait.
Don Salluste développe alors la métaphore du potier (v.1421-1422) : selon les récits antiques etmythologiques qui expliquent l’origine de l’humanité, l’argile est la matière dont les hommes ont été formés : Sallustese compare alors à un démiurge, un nouveau dieu mais malfaisant puisqu’introduit par la mention du diable au débutdu vers 1421, et qui reprend la métonymie du vers 1398.
Il réduit ainsi Ruy Blas à un simple objet de sa création qu’ilmanipule à son gré et le ramène à son statut de laquais sans détour : « un laquais » (v.1421), « vous autres »(v.1423, reprise pronominale qui inclut l’idée de serviteur) , « mon valet » (v.1428) : l’emploi de l’adj poss « mon »renforce l’état d’objet dépourvu de volonté propre comme le prouve l’image du marionnettiste qui précède: Sallusteest celui qui tire les ficelles dans l’ombre, celui qui dirige ses pantins.
RB se croyait libre mais il participait à uncomplot et a parfaitement rempli sa part du contrat énoncé dans le dernier vers du 1er acte : « Et que m’ordonnez-vous, seigneur, présentement ? / De plaire à cette femme et d’être son amant.
» : et c’est ce que lui rappelle donSalluste : « Je vous ai fait seigneur […] Mais ne l’oubliez pas, vous êtes mon valet ».
: ce qu’entrevoyait Ruy Blasau vers 1399 devient de plus en plus clair…
II ) De plus, la détermination machiavélique de don Salluste est d’entrée de jeu visible et audible :
Un jeu de scène sobre mais parfaitement maîtrisé caractérise le personnage de don Salluste qui est assis dans unfauteuil quand Ruy Blas se tient debout et a déjà subi deux humiliations sur ordre de don Salluste (fermer la fenêtreet ramasser son mouchoir).
Don Salluste se montre alors implacable :
• dans sa gestuelle : « Don Salluste, qui jouait avec un couteau d’ivoire sur la table » (après v.1395) : le couteau,arme de l’assassinat, évoque la lâcheté à la différence de l’épée que les nobles portent sur le côté) et ajoute à latorture morale qu’il inflige à Ruy Blas, par une menace physique réelle.• dans le ton qu’il emploie : l’adverbe « froidement » ouvre la seconde réplique de Don Salluste et reflète soncynisme : « Mais si.
Je le savais » (v.1403) : ces deux phrases brèves, d’une grande simplicité lexicale, tombentcomme un couperet dans les oreilles de Ruy Blas : don Salluste devient l’incarnation de la manipulation parfaite quimaîtrise toutes les ficelles de sa vengeance, déstabilisant encore davantage physiquement et moralement soninterlocuteur : Ruy Blas est contraint de s’appuyer « au mur pour ne pas tomber » (après v.1404) et fait en mêmetemps l’amer constat de la manipulation dont il est victime.
Sa prise de conscience se trouve exprimée dans les vers1404-1406 : les substantifs « lâche » et « jeu » reflète la situation de don Salluste à son égard ; les GN « cettetorture » et « une affreuse aventure » reflètent les effets de la machination sur lui-même.
Enfin, don Salluste balaie par une attitude méprisante tous les espoirs de Ruy Blas : pour ce faire, il emploie :.
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