Victor Hugo - Les Contemplations : « On vit, on parle, on a le ciel et les nuages »
Publié le 15/05/2020
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Victor Hugo - Les Contemplations : « On vit, on parle, on a le ciel et les nuages »
On vit, on parle, on a le ciel et les nuagesSur la tête ; on se plaît aux livres des vieux sages ;On lit Virgile et Dante ; on va joyeusementEn voiture publique à quelque endroit charmant,En riant aux éclats de l'auberge et du gîte ;Le regard d'une femme en passant vous agite ;On aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois !On écoute le chant des oiseaux dans les boisLe matin, on s'éveille, et toute une familleVous embrasse, une mère, une sœur, une fille !On déjeune en lisant son journal.
Tout le jourOn mêle à sa pensée espoir, travail, amour ;La vie arrive avec ses passions troublées ;On jette sa parole aux sombres assemblées ;Devant le but qu'on veut et le sort qui vous prend,On se sent faible et fort, on est petit et grand ;On est flot dans la foule, âme dans la tempête ;Tout vient et passe ; on est en deuil, on est en fête ;On arrive, on recule, on lutte avec effort… –Puis, le vaste et profond silence de la mort !
11 juillet 1846, en revenant du cimetière.
1.
Deux séries de pronoms sont utilisées : le pronom personnel indéfini « on » est employé 22 fois, complété par leréfléchi « se » (3 fois) ; par ailleurs, on trouve trois fois « vous », aux vers 6, 10, 15.
La surabondance de « on »traduit la valeur universelle de la réflexion de Hugo ; mais complété par les trois « vous », il évoque l'emploi familierde « on », c'est-à-dire un remplacement impropre de « nous ».
Pour qui connaît la vie de Hugo, le texte peut passerpour une autobiographie.
Le poète décrit donc la vie de l'homme, c'est-à-dire de chacun de nous, lecteurs.2.
Comme souvent, Hugo ménage une fin surprenante : après les innombrables verbes d'action, il conclut par unephrase nominale, donc sans verbe et sans pronom.
Dans l'édition originale, le hiatus est renforcé par un tiret à la findu vers 19, comme dans un dialogue, comme une réponse finale.
Après toute cette activité dispersée, la mort, lieud'absence et de néant.
I.
La vie : suractivité
1.
Le déroulement : l'ordre de la vieLa formation (2-3) ; la vie sociale (3-5) ; les amours (6-8) ; la famille (9- 12) ; l'engagement (13-19) ; on note laprogression, les « épisodes » sont de plus en plus longs.
2.
Une vie heureuse et active : différents champs lexicaux- La joie : « se plaît, joyeusement, charmant, riant aux éclats, bonheur ».
Toutefois, ce champ lexical est surtoutabondant au début, dans l'évocation de la première jeunesse.- L'activité : « on va, passant, jette, recule, lutte », etc.
À l'inverse, ce champ est plus net dans la deuxièmemoitié, celle de l'homme actif.L'activité désordonnée est également visible dans le rythme poétique, les rejets (vers 1 et 2, 9-10), contre-rejets(3-4, 11-12), les coupes remarquables : le vers 13 impose une coupe forte mais surprenante après « arrive » — 4/8— et la diérèse de « passions », ou celles du vers 1 : 2/2/8.
3.
Un mouvement d'expansionOn repère très peu de liens entre les différentes actions mentionnées ; elles sont juxtaposées, comme une longueénumération, en une seule phrase de dix-neuf vers.
En revanche, on distingue une progression dans l'espace ;l'homme occupe de plus en plus l'espace : en hauteur, dans les deux premiers vers, en largeur, les promenades dansla nature, l'intérieur et l'extérieur, la foule, la tempête, pour finir par se dissoudre dans le néant du dernier vers.Les références temporelles sont plus diffuses : la démarche générale correspond clairement à la chronologie de la vie; mais il n'y a pas d'indicateurs de cette évolution.
En revanche, on trouve des mentions des moments de la journée: le matin, tout le jour, et le très sobre « puis » pour finir.
Cette simplicité contribue à donner au poème sa valeuruniverselle d'éternel recommencement.
II.
Un regard critique et rétrospectif.
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