Verlaine - Sagesse: Le son du cor s'afflige vers les bois...
Publié le 09/12/2021
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«
PLAN DETAILLE INTRODUCTION Le recueil Sagesse marque pour son auteur, Paul Verlaine, un tournant décisif.
Il s'agit d'abord de la conversion du poète des Fêtes galantes au catholicisme, conversion à l'époque particulièrement retentissante puisqu'elle fait suite au fameux coup de pistolet tiré sur Rimbaud et qui valut àVerlaine dix-huit mois d'emprisonnement.
Mais les poèmes de Sagesse sont avant tout les fruits d'une longue période d'isolement, de claustration (la prison, la T rappe), d'un moment de retour sur soi et de convalescence après une grave crise affective.« Le son du cor s'afflige...
» est à cet égard très significatif de l'ensemble du recueil dont il est extrait.
Verlaine y brosse un paysage imaginaire où souffle l'esprit de décadence et grâce auquel le poète évoque un état d'âme déliquescent.
« Un paysage est un état d'âme » écrivait quelques années auparavant Amiel.
Paul Verlaine n'a pas oublié cette maxime des romantiques et ce sonnet peut être lu après certaines pages des Mémoires d'Outre- Tombe ou même Le Lac de Lamartine. I.
UN PAYSAGE DECADENT
1.
Le « paysage lent »
Le dernier vers du s onnet semble indiquer que V erlaine s'est efforcé de peindre un « paysage ».De fait, le poème plante un décor : une colline (vers 3), des bois (vers 1), une plaine (vers 9).
On notera que les mots « colline » et « bois » sont particulièrement mis en valeur à la rime.
Dans ce décor on devine une scène de chasse : le « son du cor », les « courts abois », « l'âme du loup » etc. L'ensemble évoque fugacement un tableau qui ressemblerait, par exemple, à la « Mort du loup » de Vigny.
Mais ce paysage, en dépit de l'usage que Verlaine fait de l'indicatif pour nous le décrire (l'indicatif est le mode de la réalité, de ce qui est tenu pour réel), ce paysage est imaginaire.Paradoxalement, la lenteur que lui attribue le dernier vers l'anime.
C 'est un paysage d'automne (vers 12), au soleil couchant (vers II), mais sur lequel il neige (vers 10) : c'est une vision surréaliste, quasiment unehallucination.
Ce « paysage lent » est sous l'influence d'une véritable « saison intérieure ». 2.
Un paysage crépusculaireUne double agonie :l'agonie du loup, suggérée au vers 5,la fin du jour (le soleil décline).Le poète évoquant c e « couchant sanguinolent », les deux agonies se confondent dans une commune hémorragie. Une atmosphère très lugubre : agonie, douleur, plainte, chute.
Le sonnet est baigné de ce soleil rouge de la décadence (on pourrait relever les notations quisuggèrent un mouvement descendant).Le poète au terme de sa propre chute (le bas de la colline) la transfigure et la fixe dans une image surprenante et brutale (contrastes, violence sous-jacente,etc.).3.
Un paysage-refuge : l'hôpitalS'il est un lieu familier des poètes « décadents », c'est évidemment l'hôpital.
Le « paysage lent » est aussi un hôpital : la couleur blanche, les connotations attachées au mot « charpie » (il s'agissait de bandes effilochées, déc hirées dans la toile pour faire des pansements improvisés sur les c hamps de bataille ou dans les hôpitaux militaires), cette atmosphère feutrée grâce à quoi tous les sons paraissent étouffés.
Bref, le paysage est un asile où l'homme blessé sauralaisser mourir peu à peu la douleur que lui causent ses blessures.C'est aus si l'hospic e pour l'orphelin (image de l'abandon et de la solitude même).
C ette douleur « orpheline » du vers 2 appelle le chant de Gaspard Hauser,dans ce même recueil, Sagesse : « Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles...
» Donc un paysage-refuge. II.
UN ETAT D'AME DELIQUESCENT Ce paysage, on l'a vu, remplit de nombreuses fonctions d'ordre symbolique ; il nous permet surtout de compatir avec ce que l'on peut appeler un « état d'âme déliquescent ».
V erlaine cultive en effet le goût de l'incertitude, et les ambiguïtés.1.
IncertitudesLe sonnet tout entier baigne dans le flou et l'incertain.
Une perception incertaine : vers 2, vers 7, vers 12.Des sensations incertaines : alliances de mots c urieuses, voire provocatrices (vers 7, 9). — Une langue incertaine : aux vers 2 et 7, ruptures de construction syntaxique (anacoluthe).
Le poète n'a, semble-t-il, plus jusqu'à l'énergie de subordonner! 2.
Complaisances et ambiguïtésVerlaine se trouve donc à une période charnière de son existence lorsqu'il rédige ces vers.
Il res sent à la fois de la douleur et un désir d'apaisement, lecouchant sanguinolent et la neige pour en étouffer la « cruauté » (remarque : les longs traits de charpie blancs sont comme le négatif des barreaux quistrièrent l'horizon du poète).Davantage qu'un état d'âme, Verlaine cherche à restituer un moment de la souffrance.
Le moment de l'ambiguïté, quand la souffrance n'est plus si viveet qu'elle nous immobilise dans une sorte d'attente presque confortable (d'où l'oxymore : agonie câline).
Il s'agit bien de ce momenttrès précis où la fièvre nous quitte alors que nous avons encore sur les membres la sensation des sueurs de la nuit. CONCLUSION Dans l'univers clos du sonnet, Verlaine dresse les principaux éléments d'un paysage imaginaire et symbolique (on pourrait « interpréter » ces bois,cette plaine : la part obscure, sauvage du poète opposée à une aspiration au calme, à la « platitude ») qu'une connaissance de la vie privée du poètepermet de mieux saisir : ne confie-t-il pas dans la préface de Sagesse que « Le sentiment de sa faiblesse et le souvenir de ses chutes l'ont guidé » ? Mais bien au-delà de l'anecdote biographique, V erlaine laisse deviner un visage, celui de l'orphelin, le « Pauvre Gaspard », que l'énigme de son existence ne cesse pas de blesser..
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