Verlaine, Poèmes saturniens: «Dans les bois ». Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
[Introduction]
Le premier recueil de Verlaine, Poèmes saturniens, fut imprimé à ses frais en 1866, à
moins de cinq cents exemplaires et il lui fallut plus de vingt ans pour les écouler.
Le
public contemporain bouda ces poèmes parce qu'il y vit moins l'expression d'une détresse
personnelle que des impressions notées, plutôt qu'éprouvées, grâce à des poètes
antérieurs, romantiques ou parnassiens.
Le poème « Dans les bois » n'est pourtant pas
dénué d'originalité : derrière l'évocation d'un paysage se lisent en effet la peinture d'un
état d'âme et l'affirmation de la singularité du poète.
[I.
L'évocation d'un paysage]
[1.
Le cadre]
«Dans les bois » peut se lire d'abord comme un poème descriptif : le poète y évoque les
bois qui lui servent de cadre, justifiant ainsi le titre.
Cette forêt contient de « hauts
chênes » dont il note l'épaisseur au vers 18, des fourrés et des « sources » (v.
23).
Ce
qui frappe le plus le poète est son obscurité, comme le montre le champ lexical, avec «
ombre » (v.
10), « toujours plus sombre » (v.
19) et la répétition de l'adjectif « noir »
aux vers 10 et 11.
La vie s'y manifeste par la présence de la faune, représentée par le
hibou (v.
21), par les « sources vives » et par l'agitation des branches sous l'effet du
vent, dont le mouvement régulier et doux est évoqué par une comparaison avec celui de
l'onde au vers 9.
La notation «jamais apaisés », qui pourrait s'appliquer aux hommes
aussi bien qu'aux branches des arbres, prépare une correspondance entre les bois et
l'âme inquiète du poète.
[2.
Le moment]
Le moment choisi pour évoquer les bois n'est pas celui des ténèbres, de la nuit
angoissante, mais celui, plus rassurant, du crépuscule : « La nuit vient,», écrit Verlaine
au vers 21.
Ce crépuscule est lié à une saison.
Les soirs d'été, il est coloré par les feux
du couchant.
Verlaine évoque donc une heure favorable au déploiement des fantasmes,
quand l'ombre qui s'étend joue avec la lumière qui s'éteint et que les activités humaines
s'arrêtent (l'angélus du soir marque la fin de la journée en même temps qu'il invite à la
prière), tandis que celles des animaux nocturnes commencent.
Le crépuscule est enfin le
moment où se lève « le vent chaud et lourd », provoquant une sensation de malaise,
traduite par le « frisson » du vers 17 et par la comparaison avec « un miasme » (v.
20).
Le crépuscule, état intermédiaire entre le jour et la nuit, est aussi le moment où les
couleurs commencent à s'estomper.
Ainsi « la rougeur du couchant » se fond « dans le
gris bleu des brumes » (v.
14), l'une de ces demi-teintes pour lesquelles Verlaine aura
toujours une prédilection.
L'arrivée de la nuit a, en effet, provoqué l'apparition d'un voile
de brume, dont l'opacité est suggérée par l'allitération en « b » dans « le gris bleu des
brumes ».
Verlaine souligne le contraste entre cette couleur douce et le rouge éclatant du
soleil, dont les derniers feux prennent une intensité et un éclat rehaussés par le
contraste des couleurs, par un enjambement et par le rejet au début du vers 15 de deux
images de la violence, « d'incendie et de sang », à la connotation tragique.
De même les
sons cèdent la place au silence.
Mêlant les sensations auditives et visuelles, le poète lui
donne, dans « noir silence », une coloration sinistre, renforcée par un chiasme : « un
noir silence avec une ombre encor // Plus noire ».
Il accentue ainsi l'impression de
malaise suscitée par le verbe « tombe » et par la présence de quatre nasales au vers 10
: « tombe », « silence, « ombre », « encor ».
En même temps, ce paysage crépusculaire,
qui s'exhume des brumes, où tout est noyé dans un demi-jour, forme un tableau à mi-
chemin de la réalité et du rêve.
[II.
La peinture d'un état d'âme]
[1.
Le sentiment de la peur]
Si Verlaine a choisi le décor de la forêt, c'est pour exprimer la peur qui l'étreint.
La.
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