Vauvenargues, dans Réflexions et Maximes, écrit : « Il y a des hommes qui veulent qu'un auteur fixe leurs opinions et leurs sentiments, et d'autres qui n'admirent un ouvrage qu'autant qu'il renverse toutes leurs idées, et ne leur laisse aucun principe d'assuré. » Faites part des réflexions que vous inspire ce jugement en vous efforçant de préciser dans quelle mesure chacune de ces deux attitudes peut répondre à ce que, personnellement, vous attendez de vos lectures.
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
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Vauvenargues, dans Réflexions et Maximes, écrit : « Il y a des hommes qui veulent qu'un auteur fixe leursopinions et leurs sentiments, et d'autres qui n'admirent un ouvrage qu'autant qu'il renverse toutes leursidées, et ne leur laisse aucun principe d'assuré.
» Faites part des réflexions que vous inspire ce jugementen vous efforçant de préciser dans quelle mesure chacune de ces deux attitudes peut répondre à ce que,personnellement, vous attendez de vos lectures.
Situation
Vauvenargues, moraliste français, écrit ses Maximes en 1746.
C'est dire que la phrase reproduit un certainclassicisme, mais tient compte, aussi, du mouvement des idées du XVIIIe siècle.
Toutefois, l'époque importe peupour traiter le sujet puisque le libellé réclame l'engagement personnel de l'élève.
En outre, contrairement à l'avis del'écrivain, la phrase qui suit la citation constate que les deux attitudes coexistent en chacun.
On devra simplementindiquer sa préférence en jouant, à ce stade, totalement le jeu de la sincérité.
Qu'attend-on de la lecture?
Les propositions de Vauvenargues :— «...des hommes qui veulent qu'un auteur fixe leurs opinions et leurs sentiments.
»Un tel lecteur cherche à être rassuré, conforté.
Il a besoin de sécurité et de certitude.On peut dresser deux portraits : l'homme s'est déjà formé une opinion sur le sujet traité, il a déjà éprouvé lesentiment décrit.
Il ressent un réconfort à reconnaître ce qu'il croit ; un plaisir à rencontrer une pensée sœur.Il se trouve plus assuré, puisqu'il a la caution d'un auteur.Parfois le lecteur n'a qu'une opinion vague et incertaine, un sentiment mal formulé.
L'attrait est alors celui de ladécouverte, de l'autre, mais surtout de soi.
Pour peu que la forme soit brillante, elle apporte de l'éclat à notrepropre réflexion.— «...admirer un ouvrage qu'autant qu'il renverse toutes les idées et ne laisse aucun principe d'assuré.» Cettephrase correspond au goût du changement.
Le lecteur aime être bousculé, bouleversé, «secoué».
Il apprécie laremise en question des idées reçues et particulièrement des siennes.
Il veut de l'étonnement et de la surprise, ilsouhaite éprouver le choc des idées, des formes.
Le verbe «admirer» convient bien; le livre va à l'encontre dulecteur et prouve ainsi une certaine supériorité.
Existe-t-il d'autres attentes ?
— Le désir d'acquérir des connaissances commande parfois l'achat d'un livre.
A priori, cette motivation échappe à cequ'indique Vauvenargues.
Pourtant, un savoir n'est jamais neutre, il obéit à un besoin.
Parfois on recherche lesinformations qui vont conforter notre jugement, parfois qui vont le bouleverser.— L'évasion répond aussi à une attente du lecteur; le roman s'y prête particulièrement.
Cependant, il représentetoujours un univers, une pensée.
La fiction sert également la vérité.
Les situations extrêmes éclairent le quotidien.
Conclusion provisoire
L'évasion et la connaissance se rattachent donc aux solutions proposées par Vauvenargues.
Nous avons envisagédeux types de caractères, comme y invite la citation.
Cependant, chacun peut tour à tour, suivant lescirconstances, espérer ces apports contradictoires.
Comment un ouvrage peut-il fixer des opinions et des sentiments?
Il ne s'agit plus ici d'étudier la réaction du lecteur mais le fonctionnement de l'œuvre par rapport à une attente.Lorsque l'auteur écrit qu'une œuvre «fixe» des opinions et des sentiments, il veut dire que le livre exprime clairementune idée.
Il cristallise une impression autour d'un personnage, d'une situation.
Il donne une forme.
La réalité estdiverse, changeante, fluctuante.
Le roman, la pièce de théâtre sélectionnent les éléments, imposent leur unité.Tout converge et s'ordonne.
La vision devient cohérente.
A travers ses contradictions, Lorenzaccio va au bout deson destin.
Les descriptions dans les romans de Balzac s'accordent aux caractères.
En poésie même, le processusest identique.
Senghor, dans l'épreuve 16 déclare : «Je fixe dans l'Éternel.»
Comment un ouvrage peut-il renverser les idées?
L'explication rejoint la précédente.
En effet, pour bouleverser des opinions, l'œuvre doit de la même façon cristalliserune pensée.
Simplement, le résultat est contraire à ce que nous venons d'étudier parce que la forme obtenuechoque le lecteur.Existe-t-il des œuvres spécifiques pour «fixer» et «renverser»? Pour le premier cas, on pense plutôt à des œuvresde convention.
A la recherche de sécurité, le lecteur aime une littérature conformiste et moralisante au sens un peupéjoratif du terme.
L'œuvre comporte un message clair, de fonction didactique.
Cependant, une telle analyse est unpeu sommaire.
Les comédies de Molière, de Beaumarchais portent une charge assez forte.
Elles s'attaquent auxtravers de l'homme.
Figaro fait le procès des nobles.
Les critiques n'ont pas pour seul but de tout bouleverser.
Ellescréent une nouvelle morale, un nouvel ordre idéal.
Si le spectateur croit à la valeur de ces critiques, il se trouveconforté dans ses opinions.
On retrouve l'idéal classique qui forme le jugement, qui «instruit» même s'il reconnaît la.
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