Valéry Larbaud a dit : Ce vice impuni, la lecture.
Publié le 09/12/2021
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S.S. qui arrivent les premiers. La lecture ne se confond pas avec la culture : il faut bien reconnaître que la télévision peut elle-même constituer un moyen de culture plus populaire, plus étendu, plus facile d'accès que là lecture. Problème : faut-il préférer la lecture de Tintin, des Pieds-Nickelés ou d'un mauvais policier acheté à la gare, à la vision d'une émission culturelle de la télévision comme Portrait-souvenir, Lecture pour Tous, ou Terre des Arts ? 2.C'est Proust lui-même, pourtant grand lecteur, qui nous conseille : « La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire ; elle ne la constitue pas. » Lorsque le grand philosophe Schelling oppose la connaissance « notionnelle » - livresque - à la connaissance « effective », c'est-à-dire concrète, force nous est de reconnaître que la lecture peut être néfaste, étant par trop théorique, abstraite et loin de la vie. Montaigne, enfermé dans sa « librairie », a du mal à revenir ensuite au réel : la lecture nous plonge, comme l'opium, dans un monde à part. A ce régime, on perd le contact avec le monde réel.
«
Valéry Larbaud a dit : Ce vice impuni, la lecture.
Dans quelle mesure peut-on traiter la lecture de vice ? Ne pensez-vous pas au contraire que la lecture soit le plus pur et le plus vertueux des divertissements ? On pourraéventuellement comparer la lecture, comme divertissement, à la télévision, aux sports, aux voyages, aux spectacles(théâtral ou cinématographique) et vous pourrez dire personnellement quel est votre divertissement préféré.
Introduction : De tous les moyens de culture dont l'homme dispose pour se perfectionner dans la littérature et dans l'art, il n'est pas douteux que la lecture constitue l'élément le plus commode et le plus évident.
En effet, non seulement la lecture peut apparaîtrecomme un mode de divertissement et une récréation, un des nombreux loisirs que l'homme possède pour se détendre — mais aussic'est l'instrument de travail par excellence qui permet à l'intellectuel d'apprendre, d'emmagasiner et de faire progresser sesconnaissances.
La lecture est-elle le seul divertissement possible ? N'a-t-elle pas été détrônée par ses concurrents directs, le spectacle(le théâtre ou cinéma), la radio-diffusion, la télévision ? Peut-elle se comparer valablement aux sports, aux voyages, aux autres genresde loisir ? Dans quelle mesure peut-on souscrire à ce jugement paradoxal et inattendu de Valéry Larbaud : « Ce vice impuni, la lecture» ?
I.
De la lecture considérée comme un loisir universel.
La lecture est le premier des divertissements.
Il faut entendre « premier» d'abord dans l'ordre historique ou chronologique.
La lecture,en effet, a été, bien avant les découvertes de la technique moderne, le plus agréable et le plus efficace moyen de se distraire.
Que l'onsonge ici par exemple à la Bible ou à Homère, aux manuscrits du Moyen Age ou aux premiers ouvrages imprimés, la lecture apparaîttoujours comme un loisir ou le loisir par excellence.
On pourrait en un certain sens dire que la lecture est la meilleure des consolations.C'est Montesquieu qui soutenait qu'il «n'a jamais eu de peine, si profonde ou si grande fût-elle, qu'une lecture n'ait dissipée ».
Il est évident que Valéry Larbaud, lorsqu'il parle d'un « vice », prend ce mot en forme de boutade : la lecture n'est point comparable àune toxicomanie ; c'est peut-être un opium mais cet opium est sans danger.
Il ne donne ni vertige ni étourdissements ni crisecardiaque ; tout au plus crée-t-il une accoutumance qui ne pourra guère passer chez ceux qui ont contracté cette maladie.
La lectureest vice « impuni » dans la mesure où il n'est pas de loi pour interdire au lecteur impénitent de verser dans sa manie, mais il est justed'observer que cette « monomanie » peut devenir une névrose.
Le lecteur chronique est incurable et il lui faut sa dose de livres chaquemois, chaque semaine ou chaque jour; jamais il ne peut se passer totalement de sa « drogue».
Enfin, la lecture apparaît comme un mode de culture particulièrement spécifique.
Le lecteur avisé ou mieux le « liseur » acharné est unhomme qui apporte largement autant à son auteur favori qu'il peut recevoir lui-même de ce dernier.
Voltaire a raison de soutenir que «les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié».
II.
La lecture comme mode mineur de divertissement.
1.« Je hais les livres: ils n'apprennent à parler que de ce qu'on ne sait pas.
» Cette boutade de Jean-Jacques Rousseau dans l'Emiles'oppose terme à terme à l'idéal de Valéry Larbaud, mais il est bien certain que la lecture n'est pas le seul et unique divertissement quiexiste.
Une enquête récente du Cercle de la Librairie a fait apparaître que 57 % des Français n'achètent pas un livre par an.
La Francearrive au 37e rang mondial pour la lecture.
Loin derrière la Nouvelle-Zélande, bien loin derrière les U.S.A.
et l'U.R.S.S.
qui arrivent lespremiers.
La lecture ne se confond pas avec la culture : il faut bien reconnaître que la télévision peut elle-même constituer un moyende culture plus populaire, plus étendu, plus facile d'accès que là lecture.
Problème : faut-il préférer la lecture de Tintin, des Pieds-Nickelés ou d'un mauvais policier acheté à la gare, à la vision d'une émission culturelle de la télévision comme Portrait-souvenir,Lecture pour Tous, ou Terre des Arts ?
2.C'est Proust lui-même, pourtant grand lecteur, qui nous conseille : « La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous yintroduire ; elle ne la constitue pas.
» Lorsque le grand philosophe Schelling oppose la connaissance « notionnelle » — livresque — à laconnaissance « effective », c'est-à-dire concrète, force nous est de reconnaître que la lecture peut être néfaste, étant par tropthéorique, abstraite et loin de la vie.
Montaigne, enfermé dans sa « librairie », a du mal à revenir ensuite au réel : la lecture nousplonge, comme l'opium, dans un monde à part.
A ce régime, on perd le contact avec le monde réel.
3.
Pourquoi ne pas placer la lecture sur le même plan que le cinéma, le sport, le spectacle ou les voyages ; bref tout ce qui peut nousapporter une leçon utile d'expérience et de vie ? Il est une manière de lire qui permet à l'homme de mieux comprendre la vie, de toutconnaître à fond.
Mais la plupart des livres ne nous apportent rien car nous les lisons sans les comprendre, sans penser à leurmessage, sans saisir leur contenu.
Ainsi, le Docteur Pangloss dans le Candide de Voltaire a tout lu sans rien comprendre alors que sonélève Candide a pu sans rien lire saisir l'essentiel de l'homme.
III.
La lecture comme vertu punissable.
1.
Paul Valéry dit dans « Variété IV » ; « Mais enfin le temps vient que l'on sait lire — événement capital —, le troisième événementcapital de notre vie.
Le premier^ fut d'apprendre à voir ; le second, d'apprendre à marcher ; le troisième est celui-ci, la lecture, etnous voici en possession du trésor de l'esprit universel.
Bientôt, nous sommes captifs de la lecture, enchaînés par la facilité qu'elle nousoffre de la connaître, d'épouser sans effort quantité de destins extraordinaires, d'éprouver des sensations puissantes par l'esprit, decourir des aventures prodigieuses et sans conséquences, d'agir, de former enfin des pensées plus belles et plus profondes que lesnôtres et qui ne coûtent presque rien — ; et en somme, d'ajouter une infinité d'émotions, d'expériences fictives, de remarques qui nesont pas de nous, à ce que nous pouvons être.
»
2.
Il y a lecture et lecture.
Il vaut mieux ne rien lire que de lire par snobisme, et Rousseau a raison là encore de dire dans La NouvelleHéloïse : « Le Français Ht beaucoup mais il ne lit que les livres nouveaux, ou plutôt il les parcourt, moins pour les lire que pour dire qu'illes a lus.
»
3.
La grande leçon nous est fournie par Alain : « Il est chimérique de vouloir former les jeunes esprits autrement que par les ancienslivres.
Plus les livres sont jeunes et plus on y cherche ce qui plaît et des thèses pour les passions ; ce n'est point discipline.
».
»
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