Œuvre intégrale : Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce. Lecture linéaire de la scène 8 (Première partie)
Publié le 27/06/2024
Extrait du document
«
Classes de Première.
Année 2023/2024.
Objet d’étude : le théâtre.
Œuvre intégrale : Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce.
Lecture linéaire de la scène 8 (Première partie)
Extrait à étudier : pp.
85 à 87, lignes ( ou vers – libres- ou versets) 139 à 190, de « que tu
dises à Suzanne de venir, parfois… » à « J’écoutais ».
Situation de la scène : fin de la première partie.
La Mère profite d’un moment où elle est
seule avec Louis pour se faire, en quelque sorte, l’interprète de Suzanne et d’Antoine : elle
explique à Louis ce que son frère et sa sœur attendent de lui.
Mouvements du texte :
I/ V.
139 à 150 : « Ce que veut Suzanne »
II/ V.
151 à 175 : « Bercer Antoine d’illusions »
III/ V.
176 à 190 : « Prendre la place du père »
Problématique : tirade de la Mère, ou monologue ? Qu’attend-on de Louis, qu’il réponde,
ou qu’il obtempère ? Et ce face à face mère-fils est-il un moment de révélation transparente,
de sincérité, une scène d’aveu ?
I/ L.
139 à 150 : « Ce que veut Suzanne »
-
-
-
-
« …que tu dises à Suzanne » : emploi d’un verbe de parole, répétition des vers 134 et
135, mais avec une précision à chaque fois.
La parole, c’est ce qui manque un peu à
Louis, et c’est ce que la mère a défini plus haut comme un mensonge : « un mensonge,
qu’est-ce que cela fait ? Juste une promesse, etc.
».
C’est ce mensonge dont ni Louis ni
Antoine ne veulent.
Dans ce que dit la mère, tout est nuancé, « modalisé », c’est-à-dire modifié et
modifiable, donc instable, fluctuant : « …de venir, parfois, deux ou trois fois l’an ».
Puis, « te rendre visite » : expression aux connotations plus officielles, plus
cérémonieuses que « venir te voir ».
La disposition en vers libres souligne cette
évolution du discours : le vers qui suit n’est pas forcément celui que l’on attendrait et
révèle peu à peu le sens caché du discours maternel.
Même effet pour l’usage du conditionnel : « …qu’elle pourra » = c’est sûr ; « qu’elle
pourrait » = c’est moins sûr…
Puis une parenthèse : « nous ne savons pas où tu vis » ; alors qu’elle ne parlait que de
Suzanne, la mère se replace dans le discours avec le pronom « nous ».
Cette
parenthèse sonne comme un reproche ; la tirade de la Mère traduit autant ses désirs
que ceux de Suzanne et Antoine.
Phrase suivante : « Qu’elle peut bouger et partir et revenir encore… ».
Longue
anaphore de « Que » dans cette tirade de la Mère, due aux tournures de mise en relief
(« c’est que… »).
Effet : mise en avant de ce que veulent le frère et la sœur, peut-être
pour dissimuler ce que la mère, elle, veut… [Remarque de grammaire : les
-
subordonnées complétives, après le verbe [être], sont attribut du
sujet « Ce qu’ils veulent, ce qu’ils voudraient » (subordonnées
relatives substantives, sans antécédent, en fonction de sujet).]
D’après la Mère, donc, ce que veut Suzanne, c’est la liberté de partir (mais aussi de
revenir) et l’attention de Louis (« que tu t’y intéresses, que tu t’en soucies »).
La Mère
demande à Louis de simuler cet intérêt : « non que tu parais t’y intéresser » (= « même
si tu n’as pas l’air de t’y intéresser »).
Là encore, la Mère prône le règne des
apparences et non la sincérité (voir v.
135).
II/ V.
151 à 175 : « Bercer Antoine d’illusions »
-
-
Que veut Antoine ? Être soulagé d’une responsabilité (vers 153), qui ressemble fort à
une charge paternelle : « Que tu lui donnes à lui / Antoine / le sentiment qu’il n’est
plus responsable de nous ».
Pourtant la Mère définit cette responsabilité comme une illusion : « il a toujours cru
qu’il l’était ».
Suit le champ lexical de l’illusion ou de l’imagination : « voulu le
croire », « rien ne lui semble…», « le sentiment », « l’illusion », « imaginer ».
Paradoxe cependant : Antoine aurait peu d’imagination – « c’est un garçon qui
imagine si peu,....
»
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