Une société qui se mécanise a plus que jamais besoin, pour sauver les personnes, de la poésie libératrice » écrit Jean Onimus dans La Connaissance poétique. Pensez-vous que la poésie, dans ses expressions les plus variées, peut jouer un tel rôle dans la vie moderne ? Justifiez votre réponse par des exemples précis.

« Une société qui se mécanise a plus que jamais besoin, pour sauver les personnes, de la poésie libératrice» écrit Jean Onimus dans La Connaissance poétique.

Pensez-vous que la poésie, dans ses expressions lesplus variées, peut jouer un tel rôle dans la vie moderne ? Justifiez votre réponse par des exemples précis.

La fonction de l'écrivain et la place occupée par le livre dans la société moderne semblent problématiques.

Lesdifficultés s'accroissent quand on envisage quelles missions peuvent aujourd'hui remplir le poète et la poésie.

Eneffet, la poésie s'oppose par sa spécificité aux valeurs sur lesquelles se fonde une société moderne.

Poésie etprogrès technique paraissent suivre des voies parallèles, sinon divergentes.Cependant Jean Onimus écrit : « Une société qui se mécanise a plus que jamais besoin, pour sauver les personnes,de la poésie libératrice.

»En quoi la poésie par les valeurs qu'elle véhicule peut-elle jouer un tel rôle dans la société ? En quoi cette missionest-elle néanmoins difficile ? *** La poésie, par ses caractéristiques d'écriture qui en font un genre littéraire à part, s'oppose à la société moderne, «mécanisée » selon le terme de Jean Onimus à cause d'un système de valeurs radicalement autres.

A l'utilité, ellerépond par la gratuité.

Dans une civilisation de l'objet et de l'avoir, elle ne se préoccupe que d'impalpable.

Elle neraisonne pas en termes de masse, de groupe, mais d'individu.La société moderne fondée sur la mécanisation et le progrès technique a érigé de nouvelles valeurs comme l'utilité,l'efficacité, qui se traduisent en chiffres, en courbes de rendement.

Que propose la poésie face à cette nouvellephilosophie ? L'exact contraire, soit la pure gratuité.

La poésie se donne en effet le luxe de ne rien apprendre, ellene transmet pas réellement des connaissances.

Ainsi, la poésie épique dans ses accents traditionnels ou plusmodernes est liée à l'histoire, cependant elle n'enseigne pas les événements historiques.

Son but n'est pas là, elleles utilise, les déforme.

Charlemagne, Roland, la bataille de Roncevaux appartiennent à la légende entendueprécisément comme une déformation — significative certes mais erronée —grâce à La Chanson de Roland.

De même,qui apprendrait la géographie ou l'historique du peuplement américain à travers les versets de Saint-John Perse dansVents, même si certaines allusions sont objectivement « justes ? »S'en vinrent aussi les grands Réformateurs — souliers carrés et talons plats, chapeau sans boucle ni satin, et lacape de pli droit aux escaliers du port : [...] Et après eux s'en vinrent les grands Protestataires —objecteurs et ligueurs, dissidents et rebelles, doctrinairesde toute aile et de toute séquelle[...] Et avec eux aussi les hommes de lubie[...] Enfin les hommes de science(Vents, III, 2) La poésie ne raconte pas, elle suggère.

Elle évoque un monde intérieur de sensations, de sentiments, parfoisd'idées, mais à travers un réseau d'images.

Sa parole est indirecte.

Elle peut certes renvoyer au monde extérieur,mais là encore à travers une sensibilité.

Ainsi le fait brut qu'est la mort par noyade de Léopoldine Hugo, la fille chériedu poète, est réfracté en une quantité de poèmes : plaintes, cris de désespoir ou résurgences attendries et paisibles d'un passé perdu.

La poésie du 'oc' siècle ne s'enferme pas dans une tour d'ivoire, elle intègrele monde moderne et ses tourments, mais à travers une conscience, une individualité.

Aragon chante ainsi laRésistance à travers les refrains de La Rose et le Réséda, Prévert la guerre de 1939-1945 dans Barbara. Celui qui croyait au cielCelui qui n'y croyait pasTous deux adoraient la bellePrisonnière des soldats [...]Aragon Oh BarbaraQuelle connerie la guerreQu'es-tu devenue maintenantSous cette pluie de ferDe feu d'acier de sangEt celui qui te serrait dans ses brasAmoureusementEst-il mort disparu ou bien encore vivant [...]Prévert Si la civilisation moderne fait l'apologie de l'objet et de « l'avoir » par sa philosophie de la production et de laconsommation, la poésie ne repose que sur l'impalpable du langage.

Elle naît dès qu'il y a jeu avec le langage,déplacement des fonctions habituelles de la communication directe.

Le poème ne dit pas « il pleut » mais:. »