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une charogne baudelaire

Publié le 17/10/2024

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« ETUDE LINEAIRE 12 – « UNE CHAROGNE », LES FLEURS DU MAL (1857), CHARLES BAUDELAIRE INTRODUCTION • • • • • • • En 1857, lorsqu’il publie son recueil Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire crée une polémique sans précédent : ses poèmes sont accusés d’outrage à la morale et aux bonnes mœurs, et seront dès lors censurés, au terme d’un procès sans précédent. Baudelaire est alors ruiné se considère comme un « poète maudit », car personne n’a su comprendre qui avait coutume de dire : « Donne-moi de la boue, et j’en ferai de l’or ». 29ème poème du recueil, issu de la section « Spleen et Idéal », « Une Charogne » se situe entre les poèmes « Le Serpent qui danse » et « De profundis clamavi », tous inspirés par Jeanne Duval. Composé de douze quatrains alternant alexandrins et octosyllabes en rimes croisées, ce poème a pour thème un cadavre en décomposition qui permet étrangement au lecteur d'assister à la naissance d'une « Fleur du Mal » et de comprendre les étapes de l'activité poétique, leur sens et leur importance.

Nous n’en étudierons ici qu’un extrait. Baudelaire fait le choix, avec « Une Charogne », d'un thème nouveau : l'horrible pour déclarer son amour.

Par là même, le poète remet en question une conception importante de l'art : ne doit-il qu'évoquer la beauté ? Dès lors, nous serons conduits à nous poser la question suivante : comment Baudelaire fait-il de la laideur un objet poétique ? Afin de mener à bien notre analyse linéaire, nous serons conduits à étudier successivement les 2 moments de notre poème : 1.

V.

1 A 16 : LA DESCRIPTION DU CADAVRE EN DECOMPOSITION, UNE PEINTURE ELOGIEUSE DE L’HORREUR. 2.

V.

37 A 48 : LA COMPARAISON A LA FEMME AIMEE. I.

LA DESCRIPTION DU CADAVRE EN DECOMPOSITION (V.1 A 16) • • • • • • • • Le titre « Une Charogne » indique ce qui va suivre : la description d'un cadavre en décomposition.

Ce titre interpelle tout de suite car ce n'est généralement pas un sujet que l'on traite en poésie.

Dès le début, Baudelaire fait le choix d'un thème plutôt novateur pour le genre et l'époque.

C'est L'HORREUR et LA LAIDEUR qui sont annoncées mais c'est aussi LA DESTRUCTION CAUSEE PAR LA FUITE DU TEMPS. Dans la 1ère strophe, dès le v.1, le poète s'adresse à une personne à travers L’INTERPELLATION et L'EMPLOI DE LA 2EME PERSONNE DU PLURIEL (qui a une valeur de politesse).

Le lecteur comprend dans les strophes finales qu'il s'agit précisément de la femme aimée à travers LES EXPRESSIONS ELOGIEUSES ET HYPOCORISTIQUES (« étoiles de mes yeux » (v.

39), « mon ange » (v.

40), « ma beauté » (v.

44)), bien que dès le premier vers il emploie le mot « mon âme » pour la désigner. Le cadre présenté est plutôt euphorique, joyeux et bucolique, dans la droite lignée du topos de la balade courtoise : « beau matin d'été si doux » (v.

2), « sentier » (v.3), « le soleil rayonnait » (v.

9).

Le poème de Baudelaire paraît donc s’inscrire dans la droite lignée de la tradition lyrique, ce que renforce par ailleurs l’alternance entre rimes masculines et rimes féminines. Le poète semble évoquer un souvenir ainsi que l'indiquent LES TEMPS VERBAUX : LE PASSE SIMPLE « vîmes » (v.

1) et L'IMPARFAIT « ouvrait » (v.

7).

Il s'adresse donc à la femme aimée en évoquant un souvenir commun ainsi que l'indique LE PRONOM « NOUS ». Pourtant à ce cadre idyllique s'ajoutent des éléments étranges et inquiétants, puisque le terme « charogne » apparaît dès le v.

3.

Si Baudelaire semble commencer son poème dans la pure tradition du lyrisme courtois, il cherche toutefois bien vite à perturber cette tradition, à la subvertir. En outre, l'adjectif qualificatif qui le suit, « infâme », vient rimer avec « âme », ce qui rend ce poème inquiétant (ou tout au moins paradoxal) : Baudelaire va s’attacher à détruire méthodiquement les topoï de la poésie amoureuse. Ainsi, le poète fait preuve d’ironie et parodie les déclarations d’amour que l’on écrivait alors.

Dès lors, on peut mieux comprendre le décalage entre le décor joyeux du v.

2 et le souvenir évoqué (un cadavre en décomposition), entre la situation présentée (une promenade en amoureux) et l’objet décrit (un mort décomposé).

Cet entrecroisement qui structure tout le poème est renforcé par le schéma de rimes (=> Rimes croisées : ABAB). A la fin de la 1ère strophe (v.

4) et dans la 2ème strophe, débute la description de la charogne qui est COMPAREE à « une femme lubrique » (v.

5).

Le cadavre est même PERSONNIFIE : « jambe » (v.

5), « suant » (v.

6), « ventre » (v.

8).

La charogne est présentée comme un modèle posant pour l'artiste (une muse macabre ?).

A travers cette ETRANGE PROSOPOGRAPHIE, nous avons bel et bien affaire à UN ELOGE PARADOXAL. • • • • • • • • • • • • • • • On remarque également des INDICES A CONNOTATION SEXUELLE tels que les adjectifs « lubrique » (v.5) et « brûlante » (v.

6), le participe présent « suant » (v.

6) mais aussi la pose « jambe en l'air » et le « ventre » qui fait référence aux parties intimes.

Enfin, le terme « exhalaisons » rappelle le parfum de la femme mais ici, il prend une dimension négative et se transforme en « puanteur » (v.

15). Nous avons affaire ici à une véritable HYPOTYPOSE. Baudelaire établit donc un lien entre la femme aimée et le cadavre décomposé.

On peut même dire que la femme disparaît au profit de la charogne à partir de cette deuxième strophe pour ne revenir qu'à la dixième. Afin de rendre sa description plus intense encore, il fait également intervenir les sens de la vue, du toucher et de l'odorat. Progressivement dans la 3ème strophe, Baudelaire conduit le lecteur vers la laideur.

Ainsi, il débute l'évocation de la décomposition par l'effet du soleil au v.

9.

D'ailleurs, cet élément vient contraster avec le terme « pourriture ». Par cette ANTITHESE, on retrouve la thématique de la boue et l'or : Baudelaire met ici en œuvre l’alchimie poétique. L'emploi du verbe « cuire ».... »

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