Un jour, en Sorbonne, un candidat ayant employé la formule connue « le tendre Racine », l'examinateur l'interrompit en disant : « Racine n'est pas tendre, Monsieur, il est féroce. » Vous direz, en vous appuyant sur des faits précis, ce qui a pu faire donner à Racine cette épithète de tendre, et pourquoi d'autres, au contraire, le jugent féroce.
Publié le 09/12/2021
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Un jour, en Sorbonne, un candidat ayant employé la formule connue « le tendre Racine », l'examinateur l'interrompit en disant : « Racine n'est pas tendre, Monsieur, il est féroce. » Vous direz, en vous appuyant sur des faits précis, ce qui a pu faire donner à Racine cette épithète de tendre, et pourquoi d'autres, au contraire, le jugent féroce. Introduction : Malgré les apparences, ces deux épithètes ne sont pas dans une parfaite opposition. Le théâtre de Racine est féroce en ce sens qu'il est impitoyable dans la peinture des fureurs, des méchancetés et des vices du coeur humain. Il est tendre, non parce qu'il est indulgent pour d'autres aspects de ce même coeur (ce qui serait le contraire de féroce), mais parce qu'il peint aussi des sentiments tendres, peinture qui nous attendrit à notre tour et éveille en nous le désir des larmes. I. Racine est tendre lorsqu'il peint : 1. la tendresse maternelle (Andromaque, Josabeth, celle-ci pouvant être regardée comme la mère de Joas par les sentiments qu'il lui inspire) : cette tendresse se manifeste par un besoin de caresser l'enfant, de l'embrasser, de pleurer en l'embrassant, etc. ; 2.la tendresse filiale (Iphigénie), affection - caressante aussi dans une âme qui a la faiblesse (si naturelle !) d'aimer la vie et de faire à son père des reproches d'une douceur déchirante ; 3.
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Un jour, en Sorbonne, un candidat ayant employé la formule connue « le tendre Racine », l'examinateurl'interrompit en disant : « Racine n'est pas tendre, Monsieur, il est féroce.
» Vous direz, en vous appuyantsur des faits précis, ce qui a pu faire donner à Racine cette épithète de tendre, et pourquoi d'autres, aucontraire, le jugent féroce.
Introduction : Malgré les apparences, ces deux épithètes ne sont pas dans une parfaite opposition.
Le théâtre de Racine est féroce en ce sens qu'il est impitoyable dans la peinture des fureurs, des méchancetés et des vices ducœur humain.
Il est tendre, non parce qu'il est indulgent pour d'autres aspects de ce même cœur (ce qui serait lecontraire de féroce), mais parce qu'il peint aussi des sentiments tendres, peinture qui nous attendrit à notre tour etéveille en nous le désir des larmes.
I.
Racine est tendre lorsqu'il peint :
1.
la tendresse maternelle (Andromaque, Josabeth, celle-ci pouvant être regardée comme la mère de Joas par lessentiments qu'il lui inspire) : cette tendresse se manifeste par un besoin de caresser l'enfant, de l'embrasser, depleurer en l'embrassant, etc.
;2.la tendresse filiale (Iphigénie), affection - caressante aussi dans une âme qui a la faiblesse (si naturelle !) d'aimerla vie et de faire à son père des reproches d'une douceur déchirante ;3.
la tendresse amoureuse (Junie, cœur si ferme, mais dont la tendresse s'exprime par une pitié touchante pourBritannicus ; Bérénice, si vive, si spontanée dans ses élans, mais dont la tendresse se marque par la désolation quelui cause la pensée de perdre Titus, etc.).
II.
Racine est féroce, notamment lorsqu'il peint :
1.
l'amour :a.
dans ses duretés (Pyrrhus exige d'Andromaque sa main ou la vie de son fils ; Roxane exige de Bajazet son amourou sa vie, etc.) ;b.
dans ses fureurs jalouses et criminelles (Hermione fait assassiner Pyrrhus), ou sensuelles et perverses (Nérondésire brutalement Junie et trouve un plaisir monstrueux à la faire souffrir, etc.) ;c.
dans ses égarements (Phèdre) et ses folies (Oreste).
2.
les crimes de l'ambition (Agrippine), ou les dessous égoïstes ou hypocrites de la politique (Acomat, Narcisse,Mathan).
Conclusion : Ces deux aspects du théâtre de Racine montrent que le poète a de l'âme humaine une connaissance étendue autant que profonde.
L'un des aspects fait ressortir l'autre ; mais le tendre reste en général à l'arrière-plan: c'est ce qui renforce l'impression de vie ardente et sombre qu laisse la tragédie racinienne ; c'est aussi ce quiexplique qu'elle ait déplu si fort aux partisans du doucereux Quinault..
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