Un héros doit-il être nécessairement sympathique ?
Publié le 19/12/2021
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3 mots-clés : "récit de vie", "sympathie" et "personnage" qui sont chacun porteurs
d'ambiguïtés : On ne peut qualifier un texte de "récit de vie" qu'à partir du moment où il
rapporte la plus grande partie de la vie d'un personnage : ainsi Mme Bovary ou une
oeuvre plus courte comme Un coeur simple de Flaubert vont jusqu'à la mort du
personnage.
Mais L'éducation sentimentale est aussi un récit de vie.
Ce terme semble
englober aussi l'autobiographie, qui ne comprend évidemment pas le récit de la mort du
personnage principal.
Le terme de "personnage" est ambigu dans cette acception :
l'autobiographe se met lui-même en scène, il se fait donc personnage dans la mesure où
il veut éveiller la sympathie ou l'antipathie du lecteur.
La sympathie est aussi un terme à
étudier : étymologiquement ce mot veut dire :"ressentir avec", "souffrir avec" : or le
lecteur peut apprécier le personnage sans ressentir ses affects, mais il ne peut ressentir
ses affects sans l'apprécier d'abord.
Eveiller la sympathie signifie donc : déclencher chez
le lecteur un processus d'identification.
I Un héros nécessairement sympathique
_les héros de Stendhal sont généralement propres à attirer le lecteur : Julien Sorel dans
Le rouge et le noir et Fabrice del Dongo dans La Chartreuse de Parme sont tous deux
jeunes, énergiques, beaux; ils éveillent l'amour de deux femmes (Mme de Rênal et
Mathilde; Clélia et la duchesse) et ont un destin romanesque.
Le lecteur se sent
naturellement attiré vers de tels personnages.
_d'autre part, rendre le héros sympathique permet de déclencher chez le lecteur un
processus d'identification, qui fait qu'il se sent plus proche du personnage et poursuit sa
lecture, parce que le destin du personnage l'intéresse comme le sien propre.
_dans le cas de l'autobiographie, l'auteur poursuit un but ambigu, analysé par Philipe
Lejeune dans Le pacte autobiographique : ainsi dans l'incipit des Confessions, Rousseau
affirme d'une part qu'il se peindra avec une grande sincérité; et d'autre part il se met en
scène comme victime innocentée et glorieuse face au tribunal de Dieu.
Ces deux
mouvements ont pour but d'éveiller la sympathie chez le lecteur, en prouvant la bonne
foi et l'innocence de l'auteur.
II Mettre en scène un héros antipathique : un jeu avec le lecteur
_c'est ce qui se passe dans le cas du antihéros : ainsi dans Voyage au bout de la nuit , de
Céline, le héros, Ferdinand, mène une vie peu enviable : il connaît la guerre de 1914,
l'atmosphère déprimante des colonies, la solitude en Amérique, le monde sinistre des
banlieues pauvres de Paris.
Il est peureux, pessimiste, égoïste (et bavard!...).
Or l'emploi
du "je" et le flot continu de paroles de Ferdinand oblige le lecteur à rentrer dans son
univers et à adopter son point de vue : il est alors lié au personnage par une relation
d'attirance et de répulsion, de dégoût, de pitié et de fascination.
_dans l'autobiographie, la revendication de l'honnêteté est ambiguë chez Rousseau : par
sa volonté perpétuelle de se défendre et de s'innocenter, l'auteur dévoile son narcissisme
paranoïaque et éveille chez le lecteur un mouvement de recul critique.
A l'inverse, Michel
Leiris, dans L'âge d'homme , en plus de dévoiler certaines habitudes gênantes (se gratter
"la région anale") avoue son narcissisme et son égoïsme.
Il prévient aussi le lecteur de
sa malhonnêteté vis-à-vis du réel, en tant qu'écrivain : "je porte dans mes doigts le fard
dont je couvre ma vie.
Tissu d'événements sans importance, je te colore grâce à la
magie de mon point de vue [...] en tous points je suis semblable au petit-bourgeois qui
se donne l'illusion d'être Sardanapale en allant au bordel".
Le lecteur éprouve alors à
nouveau ce sentiment de répulsion et de fascination.
III La neutralité du regard critique
_neutralité du narrateur : elle est revendiquée par un auteur comme Flaubert : dans tous
ses récits de vie ( La vie de Saint Julien L'hospitalier, Un coeur simple, L'éducation
sentimentale, Mme Bovary) il s'abstient de toute remarque sur le caractère de ses héros,
sur le bien-fondé de leurs actions.
L'ironie vis-à-vis du sentimentalisme de Mme Bovary.
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